Blankenbourg BE, Abraham Marti (1718-1792)

Blankenbourg, Abraham Marti (1718-1792) dans CERAMICA CH

Andreas Heege, ]onathan Frey, Alfred Spycher, Andreas Kistler, 2023

Abraham Marti est né à Fraubrunnen, à 20 km au nord de Berne dans le Moyen Pays (Mittelland) bernois en 1718. Il est le fils aîné du potier Hans Rudolf Marti (1691-1742) et de son épouse Anna Barbara Reutlinger (1699-1744). Il meurt le 18 juillet 1792 à Blankenbourg, actuellement dans la commune de Zweisimmen. Blankenbourg était alors le chef-lieu de l’ancien district de la Haute vallée de la Simm (Obersimmental), l’un des 26 districts du canton de Berne en Suisse. Le préfet résidait au château de Blankenbourg. Il a trois jeunes frères, Johannes, Jakob et Peter, dont le dernier est né en 1741, alors qu’il avait déjà 23 ans. Son frère Jakob (1736-1813), de 18 ans son cadet, a travaillé comme lui en tant que potier chez son père à Fraubrunnen.

Abraham Marti épouse à Oberbourg le 25 novembre 1740 Magdalena Hamm (1712-1784) de Münchenbuchsee. Oberbourg et Münchenbuchsee, tous deux dans le Moyen Pays bernois, sont respectivement à 12 km au sud-est et à 12 km au sud-ouest de Fraubrunnen. Dans leur corbeille de mariage, le père d’Abraham, Hans Rudolf Marti alors âgé de 49 ans, dépose un contrat de mariage (« pactum dotale ») leur donnant l’autorisation de travailler dans l’atelier de poterie et d’utiliser la moitié de la maison attenante. Un premier baptême d’enfant est documenté en 14 janvier 1742, suivi de trois autres jusqu’en 1746. On peut raisonnablement supposer qu’en se mariant avec ce contrat de mariage Abraham a repris l’atelier de son père à Fraubrunnen à partir de 1740/41. Le 17 mai 1742, son père Hans Rudolf meurt à l’âge de 51 ans seulement et le 4 octobre 1744, sa mère Anna Barbara décède encore plus précocement à l’âge de 45 ans. En 1745, après la mort de sa mère, les quatre fils se partagent l’héritage et Abraham Marti reprend la maison parentale avec toutes les charges qui en découlent. Mais apparemment, celles-ci étaient trop grandes, si bien qu’il doit vendre la maison en 1746 au tuteur de ses trois frères, le maître boucher et aubergiste Hans Georg Marti (1710-1754) de Fraubrunnen. Il reçoit 1000 livres pour cette vente, mais sa dette était de 1058 livres. Ainsi, Abraham Marti a dû payer un supplément lors de la vente pour régler ses dettes. Il semble cependant qu’il ait continué à vivre dans la propriété contre le paiement d’un loyer, car en mars 1748, on découvre dans le registre de l’église paroissiale de Fraubrunnen à Grafenried, l’inscription du décès de l’unique fils d’Abraham Marti, avec la mention du père comme « potier de Fraubrunnen ».

Des raisons inconnues, mais probablement familiales (a-t ’il été temporairement abandonné par sa famille, éventuellement malveillante à son égard ?), ont finalement conduit Abraham Marti à quitter Fraubrunnen. Il est également possible que la mort de son fils unique en 1748 soit à l’origine de cette crise. En 1748, on sait qu’il a construit un poêle en faïence au château de Wimmis, dans la châtellenie (baillage) du NiedersimmentalBas-Simmental, à une cinquantaine de km au sud de Fraubrunnen. Nous ne possédons malheureusement aucune archives pouvant nous donner des informations pour les années 1749 et 1750.

Mais entre 1751 et 1757/58, la présence d’Abraham Marti et de sa famille à SaanenGessenay, dans l’ObersimmentalHaut-Simmental, à une cinquantaine de km au sud-ouest de Wimmis, est bien documentée dans les archives. Sur la base de céramiques datées, le début de sa production dans cette région devrait toutefois remonter à 1749. Nous ne connaissons pas l’emplacement de son atelier ou de l’atelier du maître potier pour lequel il travaillait éventuellement. De cette phase de production à Saanen, nous avons conservé une petite, mais significative, gamme de ses céramiques. Il s’agit d’une période de transition stylistique, avec l’abandon du bleu et du blanc au profit d’un décor polychrome peint sous glaçure, qu’il utilisait de manière expressive en termes de couleurs et qu’il combinait avec des dictons originaux. L’éventail des motifs sur les assiettes et les plats s’est affermit et consolidé à partir de ce moment-là et une sorte de répertoire standard récurrent s’est développé, ne variant plus par la suite que par des détails.

Pour la période s’étendant de 1757 à 1787, on peut aussi relever des travaux pour le poêle du château de Blankenbourg et dans son baillage, ainsi que dans une région plus étendue, même si seulement quelques poêles ont subsisté jusqu’à nos jours.

En 1761, il est convoqué par le consistoire de Zweisimmen, qui se trouve à deux kilomètres de Blankenbourg, pour répondre de la naissance d’une fille prénommée Elizabeth, qu’il engendra hors mariage avec Margreth Walten de Lenk, dans le Haut-Simmental. Elle a été baptisée le 2 Juillet 1761 en l’église de Zweisimmen. Pendant l’automne 1761, Abraham Marti acquiert à Betelried, un lieu-dit de Blankenbourg se trouvant aujourd’hui sur la commune de Zweisimmen, pour seulement vingt-cinq couronnes bernoises, une petite maison et un bâtiment pour son atelier. C’est ce qu’on appellera plus tard la « maison du haut ». On peut supposer qu’il a été locataire du même atelier au cours des années précédentes, car il est mentionné dans le contrat de vente comme habitant à Betelried. En 1763, il a acheté juste à côté, pour trente-sept couronnes bernoises, une autre maison qu’on nomme en allemand une « Hausstock », c’est-à-dire une petite maison pour la conservation des biens précieux, qu’on a ensuite appelé la « maison du bas ». Après la vente, il ne lui restait que 30 couronnes bernoises. Son épouse Magdalena décède en 1784, à l’âge de 72 ans. Abraham l’a suivie huit ans plus tard, le 18 juillet 1792, à l’âge avancé de 74 ans.

Après sa mort, sa plus jeune fille, Elisabeth (1761-1805) a loué l’atelier de la « maison du haut » au potier Johann Jakob Hächler (1763 à 1811) de Hasle près de Berthoud. Elle travaillait (« servait ») probablement dans son atelier. Elle habitait quant à elle la « maison du bas ». Après la mort d’Elisabeth en 1805, Hächler a pu acheter, en 1806, à la commune de Fraubrunnen, exécuteur testamentaire de la défunte, le bâtiment dans lequel se trouvait l’atelier, pour seulement quatre-vingts couronnes bernoises ou deux cents francs suisses. Le bâtiment se composait de la pièce à vivre, d’une petite pièce adjacente, d’une cuisine, d’un hangar, qui était utilisé comme atelier de poterie, et du four sous le même toit. En outre, la propriété comportait une petite grange avec une étable pour deux vaches, un fenil et une terre d’un quart de pose, soit environ 900 m2, avec des arbres et un jardin. Grâce au registre de la population de 1806, on peut voir que l’atelier était apparemment florissant car le potier Hächler employait au moins trois compagnons et un apprenti. Après la mort de sa première femme, Catherine Dällenbach de Aeschlen près d’Oberdiessbach, à une dizaine de kilomètres de Heimberg (canton de Berne), en 1808 et un second mariage avec la veuve Susanna Weissmuller (1779-1839) de Zweisimmen en 1810, Hächler mourut en 1811 à l’âge de seulement 48 ans. La « maison du haut » avec la poterie a été reprise par la commune de Hasle, près de Berthoud, de laquelle le potier Hächler était originaire, comme gage de la dette. En 1827, il y avait encore un atelier de poteries dans la maison, bien qu’il soit très vraisemblable qu’il n’y avait alors plus aucune production. La maison a été démolie à la fin du 19ème siècle et on a construit sur ce terrain des bâtiments modernes en 1980. La Commune de Fraubrunnen, commune d’origine d’Abraham Marti, père d’Elisabeth, et donc exécuteur testamentaire de la défunte Elisabeth Marti, a vendu, en 1806, la « maison du bas », pour trois cents couronnes, au tisserand Peter Allenbach. La maison est toujours debout (Blankenbourg, rue Hüsy-Stutz 6).

À ce jour, on peut recenser dans les musées et collections en Suisse, en Allemagne et en Angleterre, environ deux cent trente objets en céramique qui peuvent être attribués à la production d’Abraham Marti. Les collections du Musée historique de Berne, du Musée Ariana de Genève, du Musée d’art et d’Histoire de Neuchâtel et du Musée national suisse à Zurich sont particulièrement remarquables. Quarante-six de ces objets portent des dates comprises entre 1749 et 1789 (MAG AR 906). Ces dates correspondent à la période de production d’Abraham Marti à Blankenbourg. Les céramiques du début de son activité peuvent clairement être rattachées à la production du Moyen Pays bernois et à celle de la région Fraubrunnen (MAG R 172). L’attribution à la production d’Abraham Marti se base principalement sur les rares objets marqués de ses initiales, dont le Musée Ariana conserve la pièce la plus impressionnante (MAG AR 932). Les céramiques, qui portent des inscriptions ou des initiales lisibles se rapportant aux baillis de Blankenbourg ou à des personnages importants des environs appartiennent aussi à ce groupe. On en déduit, par conséquent, qu’Abraham Marti a produit des plats avec un engobe de fond blanc et un décor peint en bleu ou en polychromie sous la glaçure, dans des formes très caractéristiques, dont les inscriptions sont clairement identifiables. Dans la littérature, on trouve encore et toujours comme indice caractéristique des « faïences » de Blankenbourg ou du Simmental, la description d’une poterie comportant une glaçure plombo-stannifère et une peinture dans la glaçure, ce qui est évidemment faux. C’est encore plus significatif pour d’autres groupes de céramiques, décrites par le passé comme étant du Simmental, qui ne proviennent probablement pas de son atelier (voir Wyss 1966, 15-23 ; dans Wyss 1966, les céramiques des planches 1 et 2 et des fig. 1-8 ne doivent pas être attribuées au Simmental). L’attribution « Simmental » ne peut plus être utilisées de nos jours ou devrait alors le rester à l’avenir que pour le nombre limité des céramiques provenant du travail d’Abraham Marti.

L’éventail des céramiques de Marti conservées dans les musées est dominé par les assiettes plates, typiques du potier, généralement sans œillet de suspension au revers, ce qui signifie qu’elles devaient être placées précautionneusement sur une table. On ne rencontre que très rarement d’autres formes de céramiques produites par Abraham Marti : deux barattes à beurre, une théière, une bouteille, deux encriers, deux pots et plusieurs fontaines murales avec, parfois, leurs bassins. Malheureusement, aucune source archéologique n’existe pour Abraham Marti, pas plus que de fouilles sur les lieux où ces céramiques ont été utilisées. En 1980, à Betelried, on a construit des habitations sur l’ancien emplacement de l’atelier, et nous n’avons donc malheureusement pas plus d’informations sur l’atelier que sur les déchets de production.

Arbre généalogique d’Abraham Marti

Bibliographie :

Heege/Frey/Spycher u.a. 2023
Andreas Heege/]onathan Frey/Alfred Spycher u.a., Keramik aus Blankenburg, Abraham Marti (1718–1792), ein bernischer Landhafner, Bd. 16 (Schriften des Bernischen Historischen Museums), Bern 2023.