Chavannes-près-Renens VD, École suisse de céramique

Le fonds céramique dans CERAMICA CH

Roland Blaettler 2019

Dès la seconde moitié du XIXe siècle, le développement industriel de la Suisse fit ressentir le besoin toujours plus pressant d’une meilleure formation des jeunes travailleurs, à une époque où les prérogatives de la Confédération en matière de politique de la formation étaient très réduites. Les premières écoles professionnelles seront souvent le fait d’une entreprise, d’un groupe d’entreprises ou d’une commune, avec un soutien financier public d’importance extrêmement. L’implication de la Confédération prendra une forme concrète dès 1884, avec l’adoption d’un arrêté fédéral instituant un subventionnement des classes professionnelles masculines (Lüthi 2017, 120-121).

C’est dans ce contexte que fut créée l’École suisse de céramique, fondée à Chavannes-près-Renens en 1911, à l’initiative de Lucien Ménétrey (1853-1930), syndic de la commune. Ce personnage hors du commun, franc-maçon, membre du Parti radical (il se définit lui-même comme un «radical progressiste») et entrepreneur engagé dans les domaines les plus divers avait créé une industrie céramique dans sa commune dès 1902, sous la raison sociale Poterie moderne S. A. (voir le chapitre «Renens et Chavannes-près-Renens – Les poteries»).

Le nouveau projet du bouillonnant entrepreneur se nourrissait de ses expériences de chef d’entreprise, et notamment de la difficulté récurrente de trouver une main-d’œuvre qualifiée au pays; la plupart du temps en effet, il en sera réduit, comme ses collègues de la région, à engager des potiers venus de France, en particulier de la région de Ferney-Voltaire ou de Savoie, parfois d’Allemagne ou d’Italie. «Il est malheureusement prouvé que nous sommes trop tributaires des pays qui nous entourent» dira-t-il plus tard (La Revue du 13 avril 1908, 2). Il semblerait que l’idée d’une école de céramique ait germé dans l’esprit de Ménétrey dès 1903 et qu’il ait abordé la problématique en visitant plusieurs établissements de ce type en Europe (Gazette de Lausanne du 3 septembre 1912, 3).

En 1908, les contours du projet s’étaient précisés et l’on voit bien que Ménétrey commençait à mettre en place une stratégie visant à s’assurer un soutien financier des autorités, notamment quand il obtint de l’assemblée annuelle des actionnaires de la Poterie moderne qu’elle émette le vœu «que les initiateurs du projet d’une école de céramique soient secondés par les autorités cantonales et fédérales». Dans son compte rendu de cette même réunion, La Tribune de Lausanne, revient également sur le programme idéal développé à l’occasion par Ménétrey: «un projet d’enseignement a été élaboré, on a choisi l’emplacement de l’école future, des plans mêmes existent, un budget de construction et d’exploitation a été consciencieusement étudié». La commune serait propriétaire du bâtiment, elle s’ajoindrait une société de garantie. «Ce consortium fournirait tout d’abord un capital de 20 000 francs pour la construction. Un emprunt hypothécaire de 30 000 francs, dont l’intérêt serait garanti par un subside que l’entreprise espère obtenir de la Confédération, serait émis. On demanderait, à titre de subside le solde (20 000 francs) à l’État». L’école serait administrée par un comité de trois membres, dont un délégué du Département de l’instruction publique, un de la Municipalité de Chavannes et un de la Commission scolaire de cette commune. Le directeur et les enseignants seraient nommés par le Conseil d’État, sur préavis du comité ou conseil d’administration. La qualité de citoyen suisse serait exigée des apprentis.» Le budget annuel de fonctionnement était estimé à 6000 francs (édition du 31 mai 1908, 2).

Dans son édition du 4 août 1908, la Gazette de Lausanne (p. 3) livrait quelques précisions supplémentaires sur le montage financier élaboré par Ménétrey, avec l’édification d’un bâtiment sur le territoire de la commune de Chavannes, qui fournirait gratuitement le terrain, l’argile nécessaire aux travaux de l’école, de même qu’une «petite subvention». L’État participerait pour un tiers environ à la construction. Le Département de l’instruction publique se serait montré disposé à subventionner l’administration de l’établissement. De son côté, la Confédération serait prête à verser sa propre subvention. Par ailleurs, les écolages et le produit de la vente de certains ouvrages fabriqués devaient permettre d’équilibrer «le modeste budget de l’établissement». Le programme, en l’état du moins, prévoyait la formation de base nécessaire aux ouvriers potiers, mais également une formation plus artistique, par exemple à travers des cours de dessin décoratif. On envisageait même des cours libres à l’intention des peintres sur porcelaine, sur poterie ou sur faïence. «Renens étant aux portes de Lausanne, les classes seront certainement suivies par de nombreux élèves». L’avenir montrera que les projections imaginées par le fondateur étaient beaucoup trop optimistes… Et pour commencer, la commune de Chavannes n’achètera le bâtiment qu’en 1970, alors que l’école de céramique s’en était allée sous d’autres cieux !

Pour ce qui est du contenu pédagogique, Ménétrey avait une vision ambitieuse qui consistait à former des céramistes aussi complets et autonomes que possible: «Un bon ouvrier doit savoir tourner, tremper, cuire même, un peu modeler, et s’il a tant soit peu de goût, il devra savoir décorer ses produits […] Dès que l’industrie se développe, il est presque impossible à l’apprenti de connaître bien toutes les parties de son métier. Le plus souvent le jeune homme reste sous les ordres d’un ouvrier, se spécialise et apprend tant bien que mal cette spécialité. C’est à ce mal que l’école doit remédier» (La Revue du 20 juillet 1908, 1).

Le nouvel établissement allait prendre la forme juridique d’une société anonyme, dont l’assemblée constitutive fut convoquée pour le 10 juillet 1911 (Nouvelliste vaudois du 30 juin 1911, 4). La création de la société est enregistrée en date du 9 août 1911 dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC). On y apprend notamment que «sous la raison sociale de Société de l’École suisse de céramique de Chavannes-Renens, il a été fondé une société anonyme dont le but est la création d’une école suisse de céramique, la construction du bâtiment d’école suivant plans adoptés par l’État, l’acceptation du terrain offert gratuitement à cet effet et des subsides cantonaux et fédéraux, extraordinaires et annuels, l’organisation, l’administration et la direction de cette école. […] ses statuts portent la date du 10 juillet 1911. […] les membres du conseil d’administration sont: Lucien Ménétrey, Louis Laffely et Louis Michaud» (FOSC, vol. 29, 1911, 1370). Laffely (1855-1925) était entrepreneur, syndic de Morges et député au Grand Conseil; Louis Michaud (1874-1954) était le fils du directeur de la Manufacture de poteries fines de Nyon, il succédera à son père en 1917 et dirigera l’entreprise jusqu’en 1936.

En septembre 1911, le conseil d’administration adjugeait les travaux de fouilles et de maçonnerie. «Le bâtiment sera sous toit à Noël; les travaux intérieurs et l’aménagement du mobilier et du matériel se feront pendant l’hiver. Tout sera terminé à fin mars 1912, au plus tard […] et l’inauguration de l’École suisse de céramique pourra avoir lieu dans les premiers jours d’avril» (Feuille d’avis de Lausanne du 7 septembre 1911, 16).

En réalité, l’inauguration sera célébrée en grande pompe le 1er septembre 1912. À cette occasion, La Revue du 2 septembre (p. 2) refait l’historique de l’aventure: l’approbation, le 3 mars 1909, des plans du bâtiment dessinés par l’architecte lausannois Eugène d’Okolski, avec «le concours désintéressé de M. Ménétrey, syndic de Chavannes»; la décision du Conseil d’État, le 20 mai 1911, d’accorder un subside de construction de 20 000 francs; l’approbation des statuts de la Société de l’École suisse de céramique par le Conseil d’État, le 30 janvier 1912, et finalement la nomination, en mai 1912, de Maurice Savreux, «jusqu’ici professeur à l’École de céramique de Vierzon», en qualité de directeur de l’établissement.

Dans le discours qu’il prononça lors des festivités inaugurales, Louis Gauthier, chef du Service de l’instruction publique secondaire, précisera que «l’appui des directeurs de la Manufacture nationale de Sèvres a été particulièrement précieux pour le choix du directeur (Gazette de Lausanne du 3 septembre 1912, 3). Visiblement Ménétrey avait cherché conseil auprès de la prestigieuse manufacture, qui lui suggéra probablement le nom de Maurice Savreux. Les premiers contacts avec le futur directeur ont apparemment eu lieu dès l’année 1911 (voir ci-dessous). Il nous paraît évident que le programme des cours – tel qu’il fut publié de manière détaillée en 1914 – porte son empreinte, celle d’un homme solidement formé, aussi bien au plan technique qu’artistique.

Après une première initiation à la peinture aux Beaux-Arts de Lille entre 1899 et 1901, Maurice Savreux (1884-1971) avait fréquenté l’École de céramique de Sèvres de 1901 à 1905, où il avait obtenu un diplôme d’ingénieur céramiste. Il reviendra à la peinture en suivant les cours de l’École nationale des beaux-arts de Paris dans les années 1907-1910, avant d’enseigner à l’École nationale professionnelle de Vierzon et à l’École des beaux-arts de Bourges. D’après Émile Langlade, «en 1911, Maurice Savreux était encore à Vierzon, lorsqu’il lui vint de Suisse une proposition. La Suisse alors étant désireuse de créer, à Lausanne, une école nationale de céramique, ce fut à lui, ancien élève de notre École de Sèvres, qu’on songea» (Langlade 1938, 148). Mobilisé comme sous-officier d’infanterie, il sera blessé dans la Somme en 1916. Il fut démobilisé après un an d’hospitalisation, honoré de trois citations et de la Croix de la Légion d’honneur. Savreux occupera le poste de conservateur en chef du Musée de Sèvres entre 1917 et 1926, tout en se vouant à la peinture. Après avoir participé à la «drôle de guerre», il sera même appelé à diriger brièvement la Manufacture de Sèvres en 1946/47; Savreux a également fourni plusieurs décors à la Manufacture nationale entre 1907 et 1947. Son œuvre peint se compose avant tout de paysages et de natures mortes (Langlade 1938, 143-164; Le Delarge, Dictionnaire des arts plastiques modernes et contemporains, www.ledelarge.fr; Liste du personnel de Sèvres, sur http://www.thefrenchporcelainsociety.com).

Dans son propre discours inaugural, Ménétrey ne manquera pas de déplorer «que l’État et la Confédération ne se montrent pas plus larges à l’égard de l’enseignement professionnel». Il rappelle que «le but de cette école est d’apprendre à notre jeunesse à travailler», et exprime le vœu de voir bientôt se créer «un nouveau style de céramique suisse» (La Revue du 2 septembre, 2). Dans son compte rendu de l’événement, la Gazette de Lausanne du 3 septembre (p. 3) revient à son tour sur la vision ambitieuse de Ménétrey: «Nous voulons joindre la théorie à la pratique. Notre école sera la maison-mère, où patrons et ouvriers viendront se renseigner sur les procédés nouveaux, sur les inventions récentes, où tous viendront prendre contact, tandis qu’actuellement il semble que chacun cherche à garder jalousement les secrets de fabrication, la plupart du temps des secrets de Polichinelle […] Nous nous efforcerons d’arriver à créer un style suisse, bien à nous, tout en ne s’inspirant pas de Hodler, ni des vignettes de nos billets de la Banque nationale, et ce ne sera pas difficile […] Notre école pourra recevoir dix élèves par année, soit quarante pour les quatre années d’apprentissage».

Le Nouvelliste vaudois du 2 septembre (pp. 2-3) donne quant à lui un descriptif précis des aménagements de l’établissement: «Au sous-sol ont été installées les machines: broyeurs, malaxeurs actionnés par un moteur électrique, puis les fours, d’un système nouveau, construits par M. Bigot, ingénieur [probablement Alexandre Bigot (1862-1927), le célèbre céramiste français, accessoirement docteur en physique]. Au rez-de-chaussée se trouvent les salles de modelage, de moulage et de tournage, le laboratoire de chimie et un vestiaire; au premier étage, le cabinet directorial, la bibliothèque et la salle d’exposition, la salle de dessin, celle de décoration et de finissage, deux salles de théorie; à l’étage supérieur, l’appartement du directeur.»

Quelle: Savreux 1914

La seule publication qui fut jamais consacrée à l’École suisse de céramique, à notre connaissance, est un fascicule rédigé par Savreux et paru à Genève en 1914. L’auteur y présente surtout un rappel de l’histoire de la céramique en Suisse, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine; la seconde partie de l’ouvrage comprend le règlement de l’école, un descriptif des machines à disposition, le programme des cours et une série de photographies illustrant les installations techniques et les différentes salles de cours (Savreux 1914– à propos du bâtiment, voir aussi Lüthi 2017, 134 et ill. 11).

Quelle: Savreux 1914

Le règlement précise que le but de l’école est de «former des ouvriers et contremaîtres céramistes». Il fixe la durée de l’apprentissage à quatre ans et l’âge d’admission à 15 ans. Il est toutefois précisé que «les jeunes gens qui font preuve, après la 3ème année, de connaissances suffisantes peuvent être libérés à cette époque», munis d’un certificat d’apprentissage. Les études complètes donnent accès à un diplôme de «céramiste». Les élèves étrangers et dont les parents n’habitent pas la Suisse sont admis, moyennant un écolage de 100 francs par année, contre 50 francs pour les Suisses.

Le programme des cours paraît fort ambitieux: les travaux d’atelier comportent l’exécution de modèles en plâtre, la fabrication de moules, le tournage, le moulage, le coulage et le calibrage (grès, faïence, porcelaine). Outre l’instruction générale (français, arithmétique, géométrie élémentaire, comptabilité, histoire et instruction civique), les élèves seront initiés aux notions élémentaires de géologie, de minéralogie, de physique (chaleur, dilatation, calorimétrie, hygrométrie, statique des fluides et des gaz, optique, électricité), de chimie et de technologie céramique (propriétés des argiles, méthodes de coloration, recherches de couvertes, cuissons). Étaient également prévus des cours d’histoire de l’art et de la céramique, des cours de dessin technique et d’ornement.

L’équipement technique comprenait plusieurs fours et moufles, des tours à pied et mécaniques, des machines à calibrer, une presse hydraulique pour catelles, des aérographes branchés sur l’air comprimé, les machines nécessaires à la préparation des matières (délayeur mécanique, filtre-presse, moulin à boulets Alsing, malaxeur horizontal, moulins à broyer les couleurs vitrifiées) et un laboratoire de chimie.

S’agissant du personnel enseignant, le conseil d’administration avait proposé au Conseil d’État de nommer Auguste Lasseur, un Français, au poste de préparateur, modeleur et surveillant des machines; Louis Pelet (1869-1941), professeur à l’Université de Lausanne, en qualité de professeur de chimie théorique et pratique; Auguste Veuillet (probablement un potier savoyard) comme maître de tournage et François Zooler en qualité de maître de «bacolage» (?) et d’engobage et de cuiseur. Les premiers cours débutèrent dès le mois de septembre 1912.

Le 29 janvier 1913, Ménétrey et Savreux donnèrent une conférence consacrée à l’École sous les auspices de la Société industrielle et commerciale de Lausanne. À lire le compte rendu, les débuts de l’établissement s’avéraient encourageants, il comptait alors huit élèves. «Ses efforts tendront aussi à créer, sans parti pris, à créer un style propre à notre pays, qui jouisse d’une faveur égale à celle qu’eurent jadis les produits d’un art très pur et très original de certaines fabriques suisses» (Feuille d’avis de Lausanne du 1er février 1913, p. 12). Dans sa contribution, le directeur fit preuve d’un réalisme de bon aloi: «[…] les élèves sont assurés de trouver dans le pays un travail rémunérateur. L’École ne se pique pas d’en faire à coup sûr des artistes, mais bien des artisans dont le goût aura été développé par l’observation de la nature et l’étude des spécimens de l’art céramique des meilleures époques» (La Revue du 30 janvier 1913, 3).

Ainsi donc, Lucien Ménétrey avait réalisé son rêve: la création d’une école de céramique moderne parfaitement équipée, dirigée par un professionnel de qualité et avec pour objectif de former des céramistes capables de maîtriser tous les aspects de leur métier, et dans toutes les catégories la de technique céramique. Assurément le premier établissement du genre dans le pays: dans ce sens, l’École suisse de céramique méritait certainement son nom, même si elle était loin de bénéficier des soutiens politique, financier et administratif d’une institution véritablement nationale. Il ne restait plus au projet visionnaire de Ménétrey qu’à affronter le défi de sa viabilité économique, un défi qui risquera de causer sa perte à plus d’une reprise.

1913: Première cuisson et premières productions de l’École

Lors de leur assemblée du 16 juin 1913, les sociétaires de l’École apprenaient la bonne marche de l’établissement, qui comptait 15 élèves, dont ils purent d’ailleurs admirer «des travaux, des objets cuits dignes d’intérêt» (Nouvelliste vaudois du 19 juin 1913, 3). Les pièces présentées à cette occasion étaient probablement les produits d’une cuisson expérimentale; la cuisson inaugurale officielle sera célébrée deux mois plus tard, comme on le verra ci-dessous.

La collection du Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CEPV) comporte en effet un vase en faïence stannifère orné d’une frise de fleurs peinte en bleu, ocre et lilas de grand feu, avec l’inscription «école suisse de céramique – première cuisson – 1913» (CEPV G 15). Ce modèle correspond probablement aux deux vases à fleurs offerts au Grand Conseil vaudois en août 1913, «premiers produits de cette école, qui ont été placés au fumoir» (Nouvelliste vaudois du 27 août 1913, 2). À propos de ces mêmes vases, la Revue du même mercredi 27 août précisait qu’ils furent «sortis du four le lundi» (p. 3). Ce qui fixerait la date de la première cuisson officielle au 25 août 1913. Outre la terre cuite engobée courante, l’École maîtrisait donc aussi la technique de la faïence stannifère, dès ses débuts.

Plus étonnant encore, Maurice Savreux réussit même à produire des grès de haute température, les premières céramiques de ce type à avoir vu le jour dans notre pays (si l’on fait exception des pièces que le céramiste français Paul Beyer aurait cuites dans la poterie de Pasquier-Castella à Renens en 1906/07 – voir le chapitre «Renens et Chavannes-près-Renens – Les poteries»). Le CEPV conserve encore quelques spécimens – dûment datés – de ces grès historiques (CEPV 5.B.2; CEPV No 6; CEPV No 5; CEPV No 4; CEPV No 7).

Dans différentes annonces parues dans la presse pour annoncer les débuts d’année scolaire, l’école mentionnait également la porcelaine au nombre des techniques enseignées: nous n’en connaissons aucun exemple. Par contre, il semblerait que l’école ait envoyé des travaux d’élèves réalisés dans cette matière à l’Exposition nationale de Berne en 1914 (La Revue du 9 mai 1914, 1-2). Ces porcelaines furent-elles entièrement conçues à Chavannes ou seulement les décors ? La question reste ouverte.

Toujours à propos de l’Exposition nationale, la Gazette de Lausanne saluera «l’essor nouveau pris par la céramique, un art qui, après un brillant passé, était resté figé dans la tradition. Dans cette renaissance, la jeune école de céramique de Chavannes-Renens a joué un rôle important». Le chroniqueur apprécia en particulier les pièces très variées présentées par l’institution, «de la grosse poterie de grès aux porcelaines les plus délicates»; il remarqua tout particulièrement les pièces décorées selon le procédé inventé par M. Bonifas, de Genève, «qui consiste en applications sur émail de découpages d’or et d’argent en feuilles, une combinaison d’un effet très artistique» (édition du 23 juillet 1914, 3). Bonifas fréquentera l’école entre 1913 et 1914, c’est là qu’il se familiarisa avec la technique du grès, qu’il allait bientôt mettre en œuvre dans son atelier de Versoix, entre 1915 et 1917 (Ariana 1997, 12).

Pour des grès précoces de Bonifas, voir par exemple: mudac 1001; mudac 1000; MAHN AA 2238; MAHN AA 2241; MAHN AA 2242; MAHN AA 2243; MAHN AA 2244; MEAA 0319-2.

1914: Première crise et fermeture provisoire de l’école

Au printemps de cette même année 1914, un groupe de députés au Grand Conseil emmené par Alfred Panchaud déposait une motion invitant l’État à soutenir financièrement l’institution. Le compte de construction accusait en effet un déficit de 20 000 francs et l’École de céramique était purement et simplement menacée de faillite ! En sa qualité de rapporteur de la commission chargée d’étudier le dossier, Charles Burnier rétorquera que «L’École suisse de céramique a été fondée sous la forme d’une société anonyme, par actions. Ce fut une première erreur: la loi prévoit que des écoles de ce genre doivent être établies par des communes ou des groupements de communes. […] Une seconde erreur a été que le capital-actions de l’école était beaucoup trop faible. Il s’est trouvé, en tout cas, hors de proportion avec l’importance du bâtiment qui a été construit, des installations techniques qui y ont été aménagées et de l’enseignement qui s’y donne aujourd’hui. Ce n’est pas, en effet, avec un capital de 5000 francs que l’on aurait dû songer à créer une école si complète que, en se plaçant au point de vue opposé à celui que nous devons soutenir en ce moment, on pourrait presque qualifier d’école modèle. Une troisième erreur a été de vouloir établir, de toutes pièces, une école de métiers qui ne répondait pas à des besoins immédiats et pressants. Nous avons là un exemple probant des dangers auxquels on s’expose quand on suit une idée, d’ailleurs haute et généreuse, sans s’enquérir trop des conditions pratiques de sa réalisation […]» (Nouvelliste vaudois du 13 mai 1914, 1). En clair: le projet de Ménétrey était bien trop ambitieux et, surtout, sa mise en œuvre avait été conduite avec une singulière légèreté, en particulier pour son aspect financier. Il nous semble pourtant que le principal intéressé était conscient dès le début des difficultés financières qui allaient entraver le développement de son école. Savait-il déjà que l’État ne pourrait plus faire machine arrière ?

Car en fin de compte, la commission présidée par Burnier, en arrivera à la conclusion qu’au vu des beaux résultats obtenus par Savreux, l’école «développera notre industrie nationale, et nous permettra peut-être de lutter contre la concurrence étrangère», elle renvoya donc la motion Panchaud et consorts au Conseil d’État, assortie d’une pressante recommandation l’invitant à prendre les mesures qu’il jugerait adaptées pour sauver l’école de la faillite et assurer sa pérennité, tout en sachant que l’exécutif avait d’ores et déjà écarté tout renflouement du compte de construction. Dans son argumentaire, le rapporteur avait rappelé que «Tout le monde sait que l’École suisse de céramique est due, principalement, à l’initiative d’un citoyen, qui a pu se tromper, mais qui s’est dévoué à cette œuvre et qui a payé de sa bourse et de sa peine pour la faire aboutir [… et] qu’il faut reconnaître que d’autres se sont trompés avec lui» (Nouvelliste vaudois du 13 mai 1914, 1 – Le compte rendu reprend presque littéralement le rapport officiel de la commission, publié dans le Bulletin des séances du Grand Conseil, printemps 1914, 137-143).

Dans la séance du Grand Conseil du 11 novembre 1914, le député Laffely, syndic de Morges et membre du comité de l’École, interpellera le gouvernement sur la suite qu’il comptait donner à la motion déposée par Panchaud et consorts en mai. Le conseiller d’État Chuard rappela que l’institution en question avait été fondée avec une certaine imprudence à l’époque, sans qu’on ait songé à s’assurer les ressources indispensables; que la Confédération et le canton payaient chacun un tiers des dépenses annuelles qui se montaient à 25 000 francs. «L’École ne peut espérer une situation normale, au point de vue financier, qu’en devenant, conformément à la loi, un établissement des communes. Mais les communes, consultées, ne peuvent se charger que d’une subvention de 2000 francs au maximum. Dans ces conditions, il est impossible d’arriver à chef, d’autant plus que le Département fédéral de l’industrie et du commerce a manifesté l’intention de réduire sa subvention.» Après un échange relativement animé entre différents intervenants, le conseiller d’État estima que l’école pouvait continuer à fonctionner, grâce aux subsides, et que seule la société immobilière propriétaire du bâtiment était menacée. Chuard promit enfin que les négociations allaient se poursuivre (Tribune de Lausanne du 12 novembre, 3).

Dans l’intervalle, l’Europe s’était retrouvée en guerre. Les principaux enseignants de l’école – le directeur en tête – ayant été mobilisés en France, l’établissement dut fermer ses portes à l’automne 1914, tandis que le canton esquissait le futur de l’établissement en promettant une aide financière accrue, à la condition que les communes de la région se réunissent en un groupement ad hoc et fournissent une subvention collective de 2000 francs par an (Feuille d’avis de Lausanne du 8 décembre 1914, 3).

Dans un entrefilet paru dans son édition du 3 novembre 1914 (p. 4), la Gazette de Lausanne précisait que la guerre causait de sérieux problèmes de fonctionnement à l’ensemble des poteries locales, avec leur personnel largement constitué de citoyens français ou allemands, eux aussi appelés sous les drapeaux. «Si l’École céramique eût été créée deux ans plus tôt, ces fabriques sauraient où s’adresser pour avoir leur personnel, et, ce qui ne nuirait pas, un personnel suisse».

1916: Un nouveau départ

Dès le mois d’avril 1916, le Département de l’instruction publique fit paraître des annonces promettant la réouverture d’une école «réorganisée» en mai (La Revue du 6 avril 1916, 4). À ce stade, le bâtiment était loué par la société anonyme à la commune de Chavannes, selon une proposition formulée par le Département de l’instruction publique (Feuille d’avis de Lausanne du 28 mars 1916, 15). La réouverture fut finalement célébrée le 15 juin, en présence notamment du président du Conseil de l’école, Henri Dusserre, beau-fils de Lucien Ménétrey et directeur de la Poterie moderne (La Revue du 16 juin 1916, 3).

La faillite de la société anonyme de l’École céramique fut finalement annoncée dans la Feuille officielle suisse du commerce le 15 décembre 1916 (FOSC, vol. 35, 1917, 102), la raison sociale était radiée dans la foulée (FOSC, vol. 35, 1917, 104). La Feuille d’avis de Lausanne rappellera que la faillite ne concernait que la société immobilière de l’École suisse de céramique, propriétaire du bâtiment, et qu’elle n’affectait en rien l’école elle-même, administrée par la commune de Chavannes, sous le contrôle de l’État (édition du 2 mai 1918, 3). L’immeuble fit l’objet d’une vente publique organisée par l’Office des faillites et sera racheté par Lucien Ménétrey et Louis Laffely. Le bâtiment, estimé à plus de 93 000 francs, leur échut pour un montant 60 000 francs (La Revue du 29 août 1917, 3). Les nouveaux propriétaires continueront de louer les locaux à la commune de Chavannes-près-Renens, laquelle était chargée de l’administration de l’établissement, au nom des communes voisines contributrices.

La réorganisation de l’école menée par l’État toucha également le contenu de l’enseignement, qui se voulait désormais «essentiellement pratique et devra munir les apprentis de connaissances aussi solides que celles qu’ils acquerraient par l’apprentissage ordinaire, mais plus complètes, plus coordonnées, plus méthodiques» (Tribune de Lausanne du 6 mai 1916, 4). La différence avec les intentions formulées à l’époque par Savreux ne sautent pas aux yeux; on peut tout au plus supposer que la part des composantes «artistique» et scientifique du programme fut sensiblement réduite, et qu’on oublia pour quelque temps les savoir-faire plus sophistiqués comme le grès ou la porcelaine. La consultation de l’Exposé des motifs du projet de loi sur l’enseignement professionnel présenté en 1919 revient sur les réflexions menées à l’époque par les autorités: «En 1915 déjà, sous la direction de l’État, l’école était reconstituée par un groupement de communes. La commune de Chavannes en a l’administration. Auparavant, l’école tendait surtout à former des artistes céramistes. Elle avait un directeur spécialiste et plusieurs maîtres. Actuellement, elle a été réorganisée sur des bases moins coûteuses et dans le but immédiat de former, avant tout, de bons ouvriers potiers. La première volée d’élèves, au nombre de 10, après un apprentissage de deux ans, a quitté l’école en 1918 (dans: Bulletin des séances du Grand Conseil. Session ordinaire d’automne 1921, 988). La durée de la formation avait donc été ramenée – provisoirement – à deux ans; elle sera prolongée à trois ans en 1923, date à partir de laquelle les élèves seront mis au bénéfice d’un contrat d’apprentissage légal, en vertu de la nouvelle loi sur la formation professionnelle.

La direction de l’école – qualifiée d’«administrative» par opposition à la fonction exercée jadis par Savreux – fut confiée à Justin Magnenat, instituteur, secrétaire, puis président du Conseil communal de Renens. Quelques jours avant la réouverture, le Conseil d’État avait nommé Jean Johannel au poste de contremaître et Nora Gross en qualité de maîtresse de dessin (Feuille d’avis de Lausanne du 10 juin 1916, 23). Installé à Ferney-Voltaire dès 1907, Johannel (mort en 1935) s’était distingué comme l’un des potiers les plus originaux de la place, mais pas forcément très doué en affaires: il dut se résoudre à vendre sa poterie en 1918, deux ans après sa nomination à l‘École suisse de céramique, où il occupera son poste jusqu’en 1921 (Clément 2000, 93-94; «Jean Johannel», sur le site notrehistoire.ch).

Le CEPV conserve un vase en terre cuite engobée dont le style évoque les travaux réalisés d’après des dessins de Nora Gross dans la poterie de Bendicht Loder-Walder à Heimberg, dans les années 1903-05 (CEPV G 22). En l’absence de toute marque, il est difficile de déterminer si nous avons affaire à un travail d’élève influencé par Gross, ou à un spécimen déposé à l’école par cette dernière. Nous ignorons pour l’heure la durée du mandat de Gross à l’École suisse de céramique. Ce qui est établi, c’est qu’elle conservera des liens avec l’établissement dans les années qui suivirent. En 1922, elle exposera des céramiques dans le cadre de la 1ère Exposition nationale d’art appliqué organisée par L’Œuvre à Lausanne, un événement majeur dont elle fut l’une des chevilles ouvrières. Daniela Ball estime que ces céramiques avaient été réalisées dans les ateliers de l‘École, grâce aux contacts noués avec les responsables de l’institution (Ball 1988, 125). Le Musée Ariana conserve une bonbonnière acquise lors de l’exposition de 1922 (MAG C 0797 – Ball 1988, cat. No 28) et un vase couvert commandé dans le même contexte, mais livré l’année suivante (MAG C 0800 – Ball 1988, cat. No 29). Ces deux exemples portent une marque gravée «nora Gross» flanquée d’un numéro de modèle.

Le Musée historique de Lausanne compte dans son corpus une autre bonbonnière relevant de cette veine, dont la marque est strictement identique à celle de la bonbonnière de l’Ariana (MHL No 12).

Les anciens fonds de l’École suisse de céramique conservés au CEPV comportent quelques terres cuites engobées de facture soignée et rehaussées de décors stylisés d’inspiration géométrique ou végétale, qui pourraient être le fruit de l’enseignement de Nora Gross (CEPV G 3; CEPV G 2); deux objets portent même une signature: «A. Graf» (CEPV 5.D.2) et «C. Yung» (CEPV G 4). Relevons que le lien entre ces objets et l’activité de Nora Gross reste pour l’heure hautement hypothétique, leur datation précise n’ayant pu être établie.

Dans les années 1920, le personnel enseignant semble s’étoffer quelque peu: les annuaires signalent notamment – parfois par intermittence – Louis Martin, J. Lambercy, Louis Barbay, Gustave Mayor (tourneur), Jean Tschanz, Henri Terribilini (signalé en qualité de contremaître en 1922/23).

Le Conseil d’État nomma un nouveau directeur de l’École en 1922, en la personne d’Ernest Becker (1883-1978) (La Revue du 23 février 1922, 2; Feuille d’avis de Lausanne du 5 mai 1949, 2). Né à Bruxelles de parents qui avaient acquis la nationalité vaudoise à Martherenges, Becker étudia les beaux-arts à Nancy et Paris, avant de s’établir à Lausanne où il pratiquera la peinture de paysage; il sera nommé maître spécial de dessin aux écoles primaires en 1911 (Tribune de Lausanne du 11 novembre 1911, 2).

Sur un vase à l’esthétique pour le moins discutable conservé dans l’ancienne collection de l’École, Becker collera une étiquette sur laquelle il prenait clairement ses distances avec le travail de ses récents prédécesseurs: «Céramique telle qu‘on la pratiquait en 1921 au moment où j‘ai pris la direction de l‘Ecole» (CEPV G 20).

La même collection comporte quelques exemples de terres cuites de facture tout aussi rustique (CEPV G 14; CEPV G 18), dont l’un des rares spécimens datés – en l’occurrence un vase de 1919 (CEPV No 10).

Quant au Musée historique Lausanne, il conserve deux assiettes commémoratives de 1924 dont le décor serait inspiré d’un dessin d’Ernest Becker (MHL AA.46.B.55).

En nommant un directeur de formation artistique, les autorités ont probablement voulu corriger l’orientation de l’école et notamment une certaine déperdition qualitative. Du point de vue technique également, l’institution avait sérieusement décliné, jusqu’à perdre son autonomie: en 1923, on apprend par exemple que «grâce au voisinage de la Poterie moderne, et à la bonne volonté de son directeur [Henri Dusserre], la cuisson des objets moulés peut s’effectuer dans les fours de cette fabrique. […] L’État devrait intervenir sans trop compter sur une initiative de la commune de Chavannes. L’établissement, en effet, a bien plutôt le caractère d’une école cantonale que d’une école communale. Elle réalise aujourd’hui, avec le peu de moyens dont elle dispose, car son matériel laisse beaucoup à désirer, le but pour lequel elle a été créée» (Rapport de la sous-commission des écoles professionnelles, dans: Bulletin des sessions du Grand Conseil, session extraordinaire d’avril 1923, 268).

1925: La cantonalisation

Les vœux formulés par les commissaires seront entendus, puisqu’en novembre 1925, le Conseil d’État se vit allouer un crédit extraordinaire de 125 000 francs «pour l’acquisition des immeubles occupés actuellement par l’École suisse de céramique de Chavannes-Renens, et pour les réparations des fours de l’école» (Bulletin des séances du Grand Conseil, session ordinaire d’automne 1925, 95). Louis Laffely étant décédé le 14 avril 1925 (Tribune de Lausanne du 16 avril 1925, 2), Lucien Ménétrey s’était vu dans l’obligation de mettre en vente le bâtiment, y compris son équipement. La décision du législatif cantonal était précédée d’un exposé circonstancié du rapporteur de la commission compétente, Amédée Milliquet, qui retrace tout l’historique du dossier (Bulletin des séances du Grand Conseil, session ordinaire d’automne 1925, 90-95). Où l’on apprend notamment que l’accroissement des effectifs à 24 élèves avait permis en 1924 «l’engagement d’un personnel d’enseignement qualifié sortant de la fabrique de porcelainerie [sic] et de céramique de Langenthal, ainsi que d’un ancien élève diplômé de l’école nationale de céramique de Sèvres» (Bulletin des séances du Grand Conseil, session ordinaire d’automne 1925, 93 – Exposé des motifs et projet de décret, ibidem, 497-504). Les personnages en question étaient respectivement Jean Lorenz, maître tourneur, ancien contremaître à la manufacture de Langenthal, et Albert Blémond, qui occupera la charge de maître principal jusqu’en 1926/27, selon les annuaires. Il enseignait le moulage, le modelage, le décor, la cuisson, la chimie et la technologie ! Un Albert Blémond enseignera le dessin technique à l’École de Sèvres entre 1945 et 1967 (Liste du personnel de Sèvres, sur http://www.thefrenchporcelainsociety.com).

Placée désormais sous la seule autorité de l’État, l’école pouvait affronter l’avenir avec une certaine sérénité. La longévité de Becker à la tête de l’établissement – il ne quittera la direction qu’en 1949 (Feuille d’avis de Lausanne du 5 mai 1949, 2) – constituera un autre facteur de stabilité.

L’école participera à l’Exposition de céramique suisse organisée au Musée d’art et d’histoire de Genève du 3 septembre au 9 octobre 1927, avec un envoi relativement modeste composé de six objets: deux vases en grès, trois vases (dont un «décor sous émail de poterie», deux à coulures) et un brûle-parfum décoré aux engobes colorés (Genève 1927, 23, No 277-282). Dans son compte rendu dénué de toute complaisance, Lucienne Florentin, la critique d’art genevoise renommée autant que redoutée, relèvera à propos dudit envoi: «Elle [l’École suisse de céramique] expose deux beaux vases en grès – mais ils furent exécutés il y a 14 ans et on les vit à l’Exposition de Berne de 1914… Les autres vases, en poterie commune, n’ont aucun intérêt» (L’Œuvre 14, 1927, 286). Où l’on apprend qu’en termes de grès, l’école se contenta en l’occurrence de «recycler» les pièces réalisées en 1913.

Au printemps de la même année, l’établissement avait monté une exposition de travaux d’élèves dans ses murs. L’accueil réservé par la presse lausannois fut sensiblement plus enthousiaste: «On est émerveillé par la diversité et la bienfacture des travaux de ces jeunes gens. Ces porcelaines, ces faïences, ces poteries sont marquées au sceau d’un goût parfait; elles s’inspirent des motifs tirés à cent sources: la nature et l’imagination de ces jeunes gens. Inutile de dire qu’on ne néglige pas les genres qui ont fait ou qui font école, tels Sèvres et Saxe, et les vieilles écoles suisses. […] Tout ce qu’on peut imaginer en matière de poterie ou de céramique est produit par l’école, depuis le pot à lait et la terrine jusqu’aux plus élégants services et aux plus gracieuses amphores, en passant par le cendrier, la bonbonnière, etc. Et voici des plats et des vases tout prêts pour la prochaine Fête des vignerons (voir le chapitre «Renens et Chavannes-près-Renens – Les poteries»)» (La Revue du 16 avril 1927, 2).

À compter de 1928, les élèves seront répartis dans trois sections spécialisées: tournage, moulage et décoration (Feuille d’avis de Lausanne du 4 avril 1931, 24). Un ancien élève de l’école, Paul Gerber assumera le poste de contremaître entre 1928 et 1930/31. Le potier bien connu de Heimberg, Cäsar Adolf Schmalz (1887-1966) enseignera à Chavannes entre 1931 et 1932 (voir aussi Marti/Straubhaar 2017). En janvier 1936, deux nouveaux contremaîtres furent nommés, deux personnalités qui marqueront durablement de leur empreinte l’enseignement céramique à Chavannes, puis à Vevey: Jean Allenbach et Claude Vittel (Tribune de Lausanne du 23 janvier 1936, 4). Jean Allenbach (1910-1978) avait lui-même suivi les cours de l’École suisse de céramique dans les années 1920, il exercera la fonction de maître principal de la section céramique de Vevey jusqu’à son départ en retraite en 1975 (24 Heures du 10 octobre 1975, 19). Claude Vittel (1907-1993), lui aussi un ancien de Chavannes, s’était perfectionné en Allemagne, notamment à Coblence et à Bunzlau. Il se spécialisera dans la technologie céramique, on lui doit un ouvrage de référence paru pour la première fois en 1976: Pâtes et glaçures céramiques.

En 1938, l’École suisse de céramique marquera son 25ème anniversaire en organisant une exposition de travaux d’élèves dans les locaux du magasin Steiger à Lausanne, rue Saint-François. Le chroniqueur de la Feuille d’avis, qui n’est autre que le céramiste lausannois Pierre Wintsch, relève en premier lieu la «perfection technique» caractérisant les ouvrages présentés, en net progrès par rapport aux céramiques exposées deux ans auparavant: «[…] progrès se manifestant dans le galbe des formes plus élégantes, dans le choix des émaux plus fins de tonalité, dans les pièces décorées avec plus de goût. […] Nous notons quelques beaux vases, des services à cidre, de formes simples, revêtus d’émaux mats gris-bleu, beiges ou noirs métallisés qui soutiennent parfaitement la comparaison avec les productions de céramistes connus» (Feuille d’avis de Lausanne du 14 septembre 1938, 4 – pour une version un peu plus longue et signée, voir Le Droit du peuple du 21 septembre 1938, 4). À propos de la même exposition, on trouve un son de cloche plus nuancé dans Le Droit du peuple du 23 septembre (p. 4), sous la plume d’un certain «Jacques»: «[…] toutes les techniques sont employées, même le relief dans les assiettes. On n’a rien épargné pour que les vases, les soucoupes, les cendriers soient le plus joli possible. La couleur est très riche et très variée. Les décorations abondent: deux, trois et parfois un grand nombre de couleurs. Les motifs décoratifs sont assez bien étudiés, parfois un peu trop ordinaires. C’est cette même critique que je ferai à tous les travaux en général. Ce n’est pas assez sûr. C’est cet élément de maîtrise qui manque partout, excepté peut-être dans un grand vase qui est en vitrine et qui fait honneur à celui qui l’a fait. Je veux bien qu’on ne peut pas en demander tant à des débutants, mais voilà à quoi ils devraient tendre. La plupart ont un métier très décidé, quelques uns même sont des virtuoses. À plus forte raison, puisqu’ils sont sûrs d’eux, devraient-ils chercher à améliorer l’esthétique de leurs vases. Depuis la dernière exposition de cette école, la céramique s’est enrichie de nombreuses couleurs, spécialement d’un bleu turquoise très à la mode et qui est d’une fraîcheur délicieuse».

Cette présente d’information sur les céramistes suisses intitulées « Quelques Industries d’art en Suisse » a probablement été publiée à l’occasion du jubilé de l’année 1938.

Entre 1945 et 1947, l’Ecole suisse de céramique de Chavannes-Renens publie un document qui décrit de manière détaillée la formation offerte par l’Ecole.

En 1949, Pierre Wintsch prendra une fois de plus la plume pour relater une nouvelle exposition des élèves de Chavannes, dans un article qui rend bien compte de la diversité des techniques désormais abordées au sein de l’établissement: «Citons d’abord des céramiques dont l’émail bleu mat se découpe pour laisser apparaître sur la matière plus rugueuse la grâce d’un décor plus foncé. Voici une autre série de poteries « Sgraffiti » renouvelant avec un esprit très moderne les anciens procédés des potiers de Thoune: décor gravé sur poterie revêtue de deux engobes, un noir et un crème, et rehaussé de couleurs fraîches sous glaçure transparente. Voisinant avec quelques échantillons d’un service de table en faïence stannifère aux décors floraux des champs et des bois, voici quelques pièces aux émaux lustrés, dont certaines, d’une très belle venue, se rattachent à la tradition des anciens grès de Chine. Et pour terminer cette petite revue, quelques beaux vases en Klinker brique avec décor linéaire noir d’un bel effet» (Le Peuple du 16 septembre 1949, 5).

L’année précédant cette exposition, l’école avait été invitée par le Musée d’art industriel et d’art décoratif de Lausanne à collaborer à la mise sur pied de l’Exposition didactique de céramique, qui se tiendra au Palais de Rumine du 15 novembre 1948 au 15 février 1949. L’événement comportait une présentation didactique des différentes variétés techniques – poterie, faïence, grès et porcelaine – élaborée conjointement avec l’École, ainsi qu’un volet historique alimenté grâce aux prêts consentis par différents antiquaires, collectionneurs, musées, manufactures et artistes (La Nouvelle revue de Lausanne du 23 novembre 1948, 3 – Feuille d’avis de Lausanne du 19 janvier 1949, 44).

À cette occasion, l’École fit don de quelques travaux d’élèves, un petit ensemble qui permet de se faire une idée des ouvrages qui sortaient de ses fours à cette époque: MHL AA.MI.1876; MHL AA.MI.1877; MHL AA.MI.1878; MHL AA.MI.1880; MHL AA.MI.1894.

Tous ces exemples reposent sur la technique de la faïence stannifère, qui se prêtait aux effets visuels les plus divers, de l’émail noir lustré à la manière de Bonifas (MHL AA.MI.1874) à la sobriété d’un émail blanc soulignant une recherche formelle complexe qui rappelle certains travaux de Noverraz à Genève (MHL AA.MI.1876), en passant par l’épanouissement d’une veine picturale polychrome (MHL AA.MI.1877; MHL AA.MI.1878). La technique ancestrale de la terre cuite engobée n’était toujours pas révolue, comme le montre ce plat héraldique au Musée du Vieux-Baulmes (MVB 1106).

Dans son rapport annuel de 1948, la sous-commission du Grand Conseil pour les écoles professionnelles présenta un bref bilan des activités de l’École: «Au cours des 27 dernières années, le directeur actuel a formé 260 élèves, dont 50 sont devenus chefs dans des entreprises de Suisse allemande» (Bulletin des séances du Grand Conseil, printemps 1948, 841). Dès la rentrée de 1951, les femmes furent admises au sein de l’établissement, mais uniquement dans la section de décoration.

1950-1956: Nouvelle crise et intégration de la formation céramique dans l’École des arts et métiers de Vevey

En 1950, l’ensemble des écoles professionnelles relevant du canton fut subordonné au Département de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Présidée par le conseiller d’État Paul Chaudet, la nouvelle autorité de tutelle jugea nécessaire d’étudier une nouvelle réorganisation de l’École de céramique, «afin qu’elle réponde mieux aux besoins de l’artisanat et des industries intéressés». La commission désignée à cet effet proposa dans un premier temps de sortir l’école de son isolement, en la rattachant à l’École des arts et métiers de Vevey, pour laquelle la commune de Vevey avait planifié un nouveau bâtiment. La solution laissait entrevoir des synergies possibles au plan des locaux et du personnel enseignant (Bulletin des séances du Grand Conseil, printemps 1952, 1143).

En 1950 toujours, Pierre Wintsch reprit la plume pour rendre compte d’une nouvelle exposition de travaux d’élèves, toujours chez Steiger à Lausanne; il livre quelques indices sur les nouvelles tendances, bien dans l’air du temps, qui s’exprimaient dans les ateliers de Chavannes: «Le modèle est simple, le décor est traité franchement en général. Les pièces unies sont revêtues d’émaux divers superposés, destinés à créer des tons harmonieux, puis à faire varier le degré de brillant et de matité: bleu pastel mat, décoré d’un graffiti, décor noir sous glaçure turquoise, rouge de cuivre obtenu en cuisson réductrice, etc.» (Le Peuple du 23 septembre 1950, 5).

La collection du CEPV comprend un certain nombre de pièces qui illustrent quelques-uns de ces procédés décoratifs, réalisés en principe dans le registre de la faïence stannifère. Des procédés qui se sont maintenus jusque dans les années 1960, d’où notre difficulté à dater plus précisément les exemples en question. Dans la veine des émaux superposés:

CEPV No 3; CEPV No 9; CEPV No 12; CEPV No 15; CEPV No 18; CEPV No 19; CEPV No 20; CEPV No 22; CEPV No 26; CEPV No 30; CEPV No 32; CEPV No 33.

D’autres spécimens témoignent de la vogue croissante de la cuisson réductrice, avec notamment ce fameux rouge de cuivre: CEPV G 33; CEPV No 23; CEPV No 13; CEPV No 14; CEPV No 29; CEPV No 28; CEPV No 1; CEPV No 27; CEPV No 25; CEPV No 24; CEPV No 2; CEPV No 35.

Parallèlement à ces innovations, l’école continuera à développer la technique de la terre cuite engobée, notamment pour des séries d’objets commémoratifs, qui constituèrent probablement, ici ou là, une source de revenus pour l’institution (MHL AA.VL 2008 C 6683).

Au début de l’année 1951, le Conseil d’État avait nommé un nouveau directeur, d’abord à titre provisoire et pour une durée de deux ans: René Burkhardt, qui résidait alors à Mozzate (Italie) et qui occupera finalement le poste jusqu’en 1956 (Feuille d’avis de Lausanne du 30 janvier 1951, 13). En 1952 et pour marquer son 40ème anniversaire, l’École suisse de céramique collabora une nouvelle fois avec le Musée d’art décoratif de Lausanne pour l’organisation d’une importante exposition intitulée «Céramique suisse ancienne et contemporaine», qui se tint au Palais de Rumine du 20 septembre au 16 novembre. Dans le discours qu’il prononça au vernissage, Burkhardt se félicitera de «l’heureuse renaissance de son école sous le contrôle de nouveaux maîtres, dont MM. [Jean-Jacques] Mennet et [Jean-Pierre] Kaiser» (La Nouvelle Revue de Lausanne du 23 septembre 1952, 2). Jean-Pierre Kaiser (1915-2001), peintre, graphiste et sculpteur, était professeur à l’École cantonale de dessin et d’art appliqué de Lausanne depuis 1950. Quant à Jean-Jacques Mennet (1889-1969), peintre et graphiste, il enseigna notamment à l’École cantonale des beaux-arts entre 1920 et 1955. Dans des annonces promouvant l’École suisse de céramique, notamment dans les pages de l’Éducateur et Bulletin corporatif (par exemple dans le vol. 88/1 du 12 janvier 1952, 1), Mennet est mentionné comme responsable de l’«orientation artistique» et ce jusqu’en 1956. Les mêmes annonces offrent par ailleurs une nouvelle prestation: la «préparation industrielle pour cadres».

Pour en revenir à l’exposition de 1952, on précisera que sa partie «ancienne» semblait se réduire à une rétrospective de terres cuites engobées de Heimberg tirées des fonds du musée. C’est bien son volet contemporain, riche de quelque 600 œuvres représentant 70 artistes venus de toute la Suisse, les écoles de Chavannes-près-Renens, de Berne et de Genève, ainsi que la section céramique de l’École cantonale de dessin et d’art appliqué de Lausanne, qui constituait l’essentiel de la présentation. L’événement comportait une autre rétrospective, dédiée quant à elle au célèbre céramiste Paul Bonifas, un ancien de l’école de Chavannes, avec notamment quatre pièces spécialement envoyées de Seattle, où l’artiste résidait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (Feuille d’avis de Lausanne du 23 septembre 1952, 2 – Tribune de Lausanne du 25 septembre, 5 – La Nouvelle Revue de Lausanne du 23 septembre, 2 – L’Illustré du 23 octobre, 19).

Les sourdes menaces qui pesaient sur l‘avenir de l’école se firent plus précises lorsque, dans sa séance du 16 septembre 1955, le Conseil d’État prit la décision de principe de fermer l’École suisse de céramique «dans le plus bref délai possible». La nouvelle provoqua des remous considérables dans la population de la région et dans les milieux concernés, incitant un groupe de députés emmenés par Eugène Kuttel à déposer une interpellation pour réclamer une clarification. Dans sa réponse, l’exécutif confirmait son point de vue selon lequel l’école ne répondait que partiellement aux attentes de l’artisanat et de l’industrie. La commission chargée dès 1950 d’étudier la réorganisation de l’établissement en était arrivée à la conclusion que «si l’École suisse de céramique n’existait pas, il ne paraîtrait pas justifié de la créer. Il ne semblait, toutefois, pas justifié (c’était en 1950) d’envisager, sans autre, une cessation de ses activités, mais il fallait s’efforcer, semble-t-il, de donner à cette école les moyens d’atteindre des buts à la fois plus élevés et élargis. […] l’établissement de Chavannes devait pouvoir constituer, à l’avenir, un foyer de recherches et de renseignements utiles à tous les secteurs de notre industrie céramique suisse, ce foyer pouvant ainsi précéder, plutôt que côtoyer, les efforts des praticiens».

On estimait les coûts prévisibles pour les transformations des installations, quand surgit – au sein même de l’administration – la proposition de rattacher Chavannes à l’École des arts et métiers de Vevey. Dans un premier temps, l’école de Chavannes fut effectivement subordonnée, sur le plan administratif, à l’institution veveysanne, et ce à compter du 1er juillet 1953; l’école restant dans ses murs et ses activités étant toujours financées par l’État. La commune de Vevey disposait d’un délai pour décider si elle allait reprendre à son compte l’école céramique, pour en faire une nouvelle section de son École des arts et métiers. Vevey se montra intéressée, à condition de ne pas avoir à supporter les frais de fonctionnement de la section en question. Dans la discussion, le conseiller d’État Oulevay «[…] trouve navrant de constater qu’après trois ans d’études […] les élèves sortant de cette école ne trouvent pas un emploi suffisamment rémunérateur. [Il] rappelle que le coût d’un élève céramiste est de 4825 francs, alors qu’un apprenti mécanicien nous coûte 1700 francs» (Bulletin des séances du Grand Conseil, automne 1955, 830-840).

En août 1956, le Grand Conseil était informé que «grâce à une entente intervenue avec les autorités communales veveysannes, le Conseil d’État a pu revenir sur sa décision du 14 septembre 1955 qui prévoyait la cessation d’activité de l’École suisse de céramique». L’école poursuivrait donc son activité (sans la section de moulage-modelage) dans le cadre de l’École des arts et métiers communale de Vevey, dont elle deviendrait une section. En attendant la construction du nouveau bâtiment prévu à Vevey, la section céramique continuerait d’utiliser les locaux de Chavannes, toujours propriété de l’État, sous la direction et le contrôle de la commune de Vevey (Bulletin des séances du Grand Conseil, printemps 1956, 640-641).

En fait, l’école de céramique était passée sous la responsabilité administrative et financière de Vevey dès le 1er avril 1956 (Bulletin des séances du Grand Conseil, printemps 1983, 478).

Au printemps 1958, l’École présenta sa première exposition de travaux d’élèves depuis cinq ans, à la Galerie du Capitole à Lausanne. Sous la plume de L. Bovey, dans la Tribune de Lausanne du 27 mars (p. 3), l’événement prit une coloration toute particulière, apparaissant comme «l’épilogue et, mieux même, comme le couronnement d’une folle aventure. Il s’en est fallu de peu, en effet, que l’École suisse de céramique ne ferme ses portes, au moment même où la céramique connaissait justement un regain d’actualité». En découvrant les œuvres exposées, «remarquables à tous les égards», le journaliste se félicite que l’école ait survécu en devenant une section de l’École des arts et métiers de Vevey. Il relève en particulier «une forme modelée, lustre rouge; un vase élancé, rouge fumé; un vase, grès, rouge de Chine; une coupe gris mat, décor abstrait».

On remarque au passage que l’école avait renoué avec la pratique du grès, dès le début de la décennie (CEPV No 8; CEPV No 11; CEPV No 17; CEPV No 21; CEPV No 34). À propos de cette même exposition, Jean Charpié, dans Pour Tous (édition du 1er avril 1958, 23), souligne que les élèves de l’École «pourront se tourner vers l’industrie, principalement en Suisse allemande, ou alors créer leur propre atelier. Ce dernier cas semble le plus intéressant, car de plus en plus la céramique est utilisée dans la décoration des lieux publics, écoles, usines, établissements publics, sans compter tous les objets décoratifs en terre cuite que l’on rencontre dans les intérieurs quelque peu modernes. […] Dans la salle d’exposition, nous avons eu le plaisir de voir quelques œuvres d’anciens élèves qui ont acquis la notoriété, tels les Bonifas, Wintsch, Lambercy, Gasser, Chapallaz, entre autres. Ces noms prouvent que le métier de céramiste, même exercé de façon indépendante, permet de belles satisfactions».

Vers le tournant des années, il est un fait que le statut du céramiste avait considérablement évolué, avec la perte de vitesse de l’industrie (en particulier en Suisse romande) et la montée en puissance de l’artisanat d’art, dans la mouvance du concept anglo-saxon du studio potter. Une évolution qui justifiait plus que jamais l’existence de l’École: elle comptera pas moins de 45 élèves en 1959 (Feuille d’avis de Lausanne du 10 août 1959, 7).

En 1964, le Grand Conseil accepta un projet de décret autorisant l’exécutif à subventionner le futur Centre professionnel de Vevey à hauteur de 30%. L’hébergement de l’École suisse de céramique était inclus dans le cahier des charges du futur bâtiment. Par contre, les frais inhérents au fonctionnement de l’école de Chavannes seraient désormais à la charge de la seule commune de Vevey (Bulletin des séances du Grand Conseil, automne 1963, 1242-1253).

Les travaux de construction du nouveau Centre d’enseignement professionnel, ou Centre Doret, se déroulèrent de 1967 à 1971, le transfert de l’école de céramique à Vevey s’effectua dès l’été 1970. Avec le déménagement, l’appellation «École suisse de céramique» s’éteignit définitivement, il ne sera plus question dorénavant que de la Section céramique du CEPV, une institution qui s’affirmera, et qui s’affirme toujours, comme l’un des centres de formation majeurs dans le pays et dans cette discipline.

Quant à l’ancien bâtiment de l’École, il sera racheté par la commune en 1970 et devint l’Hôtel de ville de Chavannes-près-Renens; l’immeuble a gardé cette affectation jusqu’à nos jours, au 46 de l’avenue de la Gare.

Marques

Outre quelques rares marques gravées composées des initiales «E. S. C.» et de l’indication du lieu de fabrication, rencontrées sur les grès de 1913, l’École apposera une marque estampée formée de l’arbalète suisse et des initiales «E. S. C.» (MHL AA.MI.1876).

Ce signe distinctif ne peut être antérieur à l’année 1931, quand le symbole de l’arbalète fut introduit par le Verband für Inlandsproduktion en guise de marque suisse d’origine (FOSC, vol 49, 1931, 1086 – Pastori-Zumbach 2001). La marque sera appliquée – certainement pas de manière systématique – jusque vers la fin des années 1940 (MVB 1106; CEPV No 11). Dès le courant des années 1950 probablement, les élèves utiliseront parfois des signes distinctifs personnels que nous n’avons pas réussi à déchiffrer à ce jour.

Nombre de pièces issues de l’École portent une étiquette imprimée au nom de l’école, d’abord sans le symbole de l’arbalète (CEPV G 2), puis avec l’arbalète (CEPV 5.D.2; CEPV No 1; CEPV No 14). Ces étiquettes étaient certainement utilisées pour identifier les céramiques dans le cadre des expositions.

Sources:

 La presse et les annuaires vaudois ainsi que le Bulletin des séances du Grand Conseil, consultés sur la base Scriptorium de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

Les périodiques suisses, consultés sur le site e-periodica.ch.

Voir aussi: https://notrehistoire.ch/galleries/ecole-suisse-de-ceramique-chavannes-pres-renens

Voir aussi: Exposition Conférences 2013 et CEPV-Actualites

Bibliographie:

Ariana 1997
Paul Bonifas, céramiste du purisme. Catalogue d’exposition, Genève, Musée Ariana. Genève 1997.

Ball 1988
Daniela Ball, Nora Gross (1871-1929). Genava. Bulletin du Musée d’art et d’histoire de Genève XXXVI, 1988, 117-135.

Clément 2000
Alain Clément, La poterie de Ferney: deux siècles d’artisanat. Yens-sur-Morges/Saint-Gingolph 2000.

Genève 1927
Exposition de céramique suisse. Catalogue d’exposition, Musée d’art et d’histoire. Genève 1927.

Langlade 1938
Émile Langlade, Artistes de mon temps. Arras 1938.

Lüthi 2017
Dave Lüthi, Les écoles professionnelles en Suisse: palais ou usines ? In: Histoire de l’éducation 147, 2017, 119-146.

Marti/Straubhaar 2017
Erich Marti/Beat Straubhaar, C.A. Schmalz 1887-1966. Leben und Werk mit Pinsel, Stift und Lehm, Heimberg 2017.

Pastori-Zumbach 2001
Anne Pastori-Zumbach, Sous le signe de l’arbalète – La Marque suisse d’origine. Revue suisse d’art et d’archéologie 58, 217-228.

Savreux 1914
Maurice Savreux, L’art de la céramique en Suisse et l’École suisse de céramique. Genève 1914.