Renens VD, Les poteries

Roland Blaettler 2019

Située à l’ouest de la capitale vaudoise, la commune de Renens connaîtra un développement fulgurant dès le dernier quart du XIXe siècle, stimulé notamment par l’inauguration de la grande gare de triage de la Compagnie des chemins de fer de la Suisse occidentale en 1876. Profitant de la présence d’une argile particulièrement adaptée sur le territoire de la commune, l’industrie céramique occupera une place non négligeable parmi les nombreuses activités qui s’implantèrent dans le secteur.

Un article paru dans la Feuille d’avis de Lausanne du 16 janvier 1895 (p. 5), dénombre pas moins de trois poteries actives à ce moment-là: la poterie Bouchet avec ses huit employés, décrite comme étant la plus ancienne; la poterie Jaccard, qui occupait alors une vingtaine d’ouvriers, et celle d’Émile Mercier, installée dans les locaux de son ancienne fabrique d’engrais chimiques et abritant quelque 25 collaborateurs. S’agissant de la production de ces ateliers, qui se limitera aux registres de la terre cuite brute et de la terre cuite engobée et glaçurée, le journaliste la caractérise succinctement en ces termes: «[les poteries] fournissent la terre ordinaire, les vases à fleurs, les tuyaux et les capes de cheminée, et, ce qui mieux est, ils rivalisent dans la production de pièces artistiques.»

Notons au passage que ces trois établissements figurent sur le «Tableau des mesures de poterie cuite adoptées par la Fédération des ouvriers tourneurs de la région de Genève, Ferney, Renens, Annecy et zones environnantes et de Messieurs les patrons soussignés» (Ferney-Voltaire 1984, 264-265), ce qui prouve bien que leur production de base se composait de cette poterie d’usage courant – appelée parfois «poterie de ménage» (voir plus loin à propos de Jaccard) – que nous classons sous le terme générique de «poteries engobées de la région lémanique» faute d’être en mesure de l’attribuer à l’un ou l’autre producteur (voir le chapitre «Les poteries engobées de la région lémanique»).

Renens VD, Poterie Bouchet, vers 1881-?

Joseph Bouchet est attesté à Renens au plus tard dès 1881. Cette année-là, en effet, un lecteur de la Feuille d’avis de Lausanne relate très brièvement sa visite d’une fabrique de «poterie ordinaire» qui venait de s’installer près de la gare de Renens, son propriétaire étant un certain J. Bouchet (édition du 16 septembre 1881, 5). L’année suivante, plusieurs annonces publicitaires parurent dans la presse lausannoise pour promouvoir la «fabrique de poterie» gérée par Joseph Bouchet «ancien ouvrier à Fernex-Voltaire [sic]» (Feuille d’avis de Lausanne du 7 février 1882, 1; La Revue du 6 juillet 1882, 4). La même année, la poterie remportait un prix de IIe classe à l’Exposition d’horticulture de Morges (Nouvelliste vaudois du 14 juin 1882, 3).

Dans un bref aperçu de l’histoire des poteries de Renens paru en 1929, un certain M. Grivat, inspecteur scolaire, relate le rôle pionnier joué par Joseph Bouchet en ces termes:

«Renens […] a une argile dont la réputation est très ancienne; il fut un temps où les briqueteries de Renens, appartenant soit à des particuliers, soit à la commune, expédiaient leurs produits jusque dans la Suisse allemande. Ensuite de circonstances malheureuses, ces briqueteries durent se transformer en poteries grâce à un Français du midi, Joseph Bouchet, ancien ouvrier potier des grandes fabriques de Ferney […]»

«C’était en 1884, Bouchet, très observateur et guidé par sa longue expérience, eut l’intuition qu’une poterie bien établie et située sur un emplacement comme Renens devait réussir […] Bouchet acheta une petite propriété rurale dont il transforma le bâtiment en construisant lui-même son four […] Tout allait pour le mieux dans la nouvelle poterie qui occupait une douzaine d’ouvriers lorsque, la deuxième année de son existence, son fondateur mourut subitement à la suite d’un accident […]» (M. Grivat, «Industrie du pays: Poterie», in: Feuille d’avis du district de la Vallée du 21 novembre 1929, 7-8).

Grivat se trompe dans sa chronologie: Bouchet mourut effectivement de façon prématurée, mais le 14 janvier 1883 (Feuille d’avis de Lausanne du 15 janvier, p. 4). Dès le 17 janvier, son fils Paul était inscrit à la Feuille officielle suisse du commerce [FOSC] en qualité de chef de la Poterie Paul Bouchet (vol. 1, 1883, 69). Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ignorons jusqu’à quelle date l’établissement s’est maintenu. La seule chose qui semble acquise, c’est qu’il existait encore en 1895.

 Renens VD, Poterie Jean Debord, vers 1885-1893

Une seconde poterie vit apparemment le jour à Renens vers 1885. Le 2 mars de cette année, Jean Debord, originaire du Puy-de-Dôme, est effectivement enregistré comme chef de la maison J. Debord, laquelle est cependant qualifiée de «commerce de poteries» (FOSC, vol. 3, 1885, 182). On peut imaginer que Debord se soit contenté, dans un premier temps, de pratiquer le commerce des poteries, faute de posséder lui-même toutes les moyens nécessaires à la fabrication. Le 4 février 1886, en effet, la Feuille officielle suisse du commerce signale que Debord s’est associé à Charles Nigg de Gersau (canton de Schwytz) pour constituer une société en nom collectif, «Nigg & Debord», vouée, cette fois-ci, à la fabrication de poteries (FOSC, vol. 4, 1886, 90).

L’établissement remportera un prix de IIe classe à Exposition d’horticulture de Lausanne de 1888 (La Revue du 22 septembre 1888, 2). La société sera dissoute en date du 12 septembre 1889 et Debord poursuivra seul ses activités (FOSC, vol. 7, 1889, 783). Dans la Feuille d’avis de Lausanne du 5 mars 1890, il publiera l’avertissement suivant: «J’avise mon ancienne clientèle que je continue sous la raison Jean Debord, près la gare de Renens, la fabrication de toutes espèces de poterie et vases à fleurs. Je me recommande à tous ceux qui ont pu croire que la maison n’existait plus. – Jean Debord, successeur de Nigg et Debord». L’entreprise fut finalement radiée le 4 juillet 1893, «ensuite de renonciation du titulaire» (FOSC, vol. 11, 1893, 656). Jean Debord mourut en 1907, l’annonce mortuaire le qualifie de «contremaître à la grande fabrique de poteries» (Feuille d’avis de Lausanne du 26 janvier 1907, 16).

Poterie Samuel Jaccard, vers 1890-1907

Dès le début de l’année 1890, la presse régionale reproduit des annonces publicitaires vantant la qualité des poteries de Samuel Jaccard à Renens. Par exemple dans la Feuille d’avis de Lausanne du 7 mars 1890, p. 3, où il est question de la «Fabrique de poterie S. Jaccard, ci-devant exploitée par MM. Nig [sic] et Debord». Cette précision peut paraître étrange, puisque nous savons que Debord a poursuivi ses activités après s’être séparé de son associé. La seule explication plausible serait que Debord ait transporté ses installations à une autre adresse et que Jaccard ait investi les anciens locaux de «Nigg & Debord». Ce qui expliquerait également la confusion qui semblait régner dans le public, comme le montre l’avertissement publié par Debord le 5 mars 1890.

Samuel Jaccard (1860-1922) est enregistré en qualité de chef d’entreprise dans la Feuille officielle suisse du commerce en date du 16 janvier 1891, avec la mention «genre d’industrie: poteries en tous genres» (vol. 9, 1891, 50). En septembre 1891, il remporta un prix de IIe classe à l’Exposition d’horticulture de Montreux pour sa poterie horticole (Gazette de Lausanne du 24 septembre 1891, 2). L’annonce que Jaccard fera paraître dans la presse dès l’année suivante reproduit les deux faces de la médaille glanée à Montreux. Outre la «poterie de ménage et horticole», l’annonce mentionne d’autres spécialités, comme les capes de cheminée, les tuyaux et boisseaux fabriqués mécaniquement (par exemple dans la Gazette de Lausanne du 24 octobre 1892, 4).

Dans la Feuille d’avis de Lausanne du 1er février 1892, p. 3, Jaccard fera paraître l’avis suivant: «Pour faire cesser toute confusion, le soussigné avise le public qu’il n’a rien de commun avec la vente juridique de poterie annoncée pour le deux février au pilier public. – S. Jaccard». Il est possible que cette vente forcée concernait en fait la poterie Debord et que le public continuait à confondre les deux établissements.

À propos de l’exposition organisée par la Société d’horticulture de Lausanne en mai 1893, la Gazette de Lausanne mentionne la participation de la poterie Jaccard, «[…] de plus en plus appréciée dans le pays» (édition du 29 mai 1893, 3). Dans l’un de ses comptes rendus relatifs à l’Exposition cantonale d’Yverdon en 1894, L’Estafette précise que «[…] la poterie de genre est représentée par MM. S. Jaccard et Mercier. La renommée de ces maisons, dont la première est très ancienne, n’est plus à faire. Voici, sur des gradins et en pyramides, des vases de toutes formes et de toutes grandeurs; cache-pots, jardinières, corbeilles, les uns vernissés, les autres bruts. Tous sont ornés de motifs délicats modelés à la main» (édition du 7 août 1894, 1). Les deux établissements furent récompensés par une médaille d’argent.

Les poteries de Renens participeront également à l’Exposition cantonale de Vevey, en 1901: «M. S. Jaccard et la Fabrique de poterie [voir plus bas] ont une exposition très intéressante de produits qui, du pot à fleurs de toutes dimensions, de la forme classique que l’on sait aux amphores monumentales, aux capes de cheminée compliquées, voire même aux plats décorés et vases à fleurs émaillés, forment une série d’objets en terre cuite méritant l’examen» (J. Marti, À travers les groupes – Industrie du bâtiment, Groupe I. In: Exposition cantonale de Vevey. Journal officiel illustré, No 19, 10 novembre 1901, 218).

Les seuls spécimens que nous pouvons attribuer avec certitude à Jaccard, pour la simple et bonne raison qu’ils portent une marque estampée «S JACCARD / RENENS», sont des assiettes, des plats, des tasses et des soucoupes réalisés à l’occasion des célébrations du Centenaire vaudois en 1903. Leur décor, outre les inscriptions commémoratives d’usage, se réduit à un écu en relief moulé et appliqué aux armes de la commune de Cully (MCAHL HIS 11-6; MCAHL HIS 11-1; MCAHL HIS 11-2).

Dans un article annonçant les festivités prévues dans cette localité, le Nouvelliste vaudois du 13 février 1903 (p. 2) félicite le Comité des fêtes du Centenaire de la commune d’avoir eu «l’originale et excellente idée de s’adresser à M. S. Jaccard pour faire fabriquer pour le banquet un ‘couvert du Centenaire’, assiettes et tasses aux armes de la ville de Cully, du canton de Vaud et de la Confédération sur fond vert, d’un très joli effet. Cette vaisselle, qui se vendra ensuite au prix coûtant, restera dans les familles comme souvenir de la Fête». On notera que les armes du canton et de la Confédération ne figurent pas sur les objets recensés. Le chroniqueur s’est probablement fourvoyé, à moins que la commande ait donné lieu à plusieurs versions.

Il est évident que ce type de produit, avec ses motifs en relief et en polychromie, impliquait une technique plus sophistiquée que la poterie «de ménage» usuelle, mais nous nous plaisons à croire que les «pièces artistiques» et les «motifs délicats modelés à la main» évoqués plus haut devaient avoir une allure plus ambitieuse. Pour l’heure, nous n’avons pu identifier aucun spécimen de cette catégorie de haut de gamme.

En 1904, l’Association du château de Chillon confia à Jaccard la réalisation de 23 fac-similés d’un pichet du XIIIe siècle reconstitué en 1903 à partir de fragments retrouvés dans le fossé du château (MCAHL PM 2561, ne figure pas au présent inventaire). L’Association tentera de commercialiser ces reproductions, sorte de préfiguration des produits dérivés muséaux aujourd’hui fort répandus, au Bazar de Chillon et au Bazar vaudois à Lausanne, au prix de 3.50 francs et apparemment sans grand succès (Huguenin 2010, 48, fig. 53 – le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne en conserve deux spécimens, PM 2562 et PM 4182, qui ne figurent pas au présent inventaire). Nous avons retrouvé une reproduction similaire, mais de facture probablement plus récente, dans la collection de l’ancienne École suisse de céramique de Chavannes-près-Renens (CEPV 5.B.5).

Dans la Feuille officielle suisse du commerce, la raison sociale «S. Jaccard» (curieusement domiciliée à Lausanne) sera radiée en date du 13 novembre 1907, «ensuite de remise de commerce» (vol. 25, 1907, 1974). Deux jours plus tard, le même organe officiel enregistrait la radiation de la Fabrique de poterie de Renens S. A. et la constitution d’une nouvelle société, la Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A. (FOSC, vol. 25, 1907, 1975).

Revenant quelques mois plus tard sur ces bouleversements dans le paysage industriel local, la Gazette de Lausanne du 7 mai 1908 (p. 3) signale la présence, à la tête de la nouvelle société, des propriétaires «des poteries Pasquier-Castella et Jaccard, actuellement fusionnées». Dans son édition pour l’année 1908, l’Indicateur vaudois mentionne la «Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A. (anciennes usines Pasquier-Castella et S. Jaccard réunies)».

L’entreprise de Jaccard fut donc réunie à celle de Pasquier-Castella (voir ci-dessous), avant d’être absorbée par la «grande briqueterie». Quant à Samuel Jaccard, il semble qu’il se soit tourné vers d’autres activités après avoir cédé son affaire, notamment dans le domaine de l’immobilier. Son domicile privé est encore situé à Renens dans l’Indicateur vaudois de 1908, puis à Lausanne, de 1909 à 1917, dans un immeuble sis au numéro 12 de l’avenue du Mont-Blanc. Ce dernier appartenait apparemment à la Société immobilière des Belles-Roches et Jaccard est signalé en qualité de «gérant». En juin 1908, il fut nommé administrateur de cette même société (FOSC, vol. 26, 1908, 1082). Dans les années suivantes, on le retrouve en lien avec différentes sociétés immobilières basées à Lausanne, comme la Société de Sainte Luce qu’il présidait et qui prit acte de son décès à l’occasion de son assemblée générale du 22 janvier 1923 (FOSC, vol. 41, 1923, 244). Samuel Jaccard est décédé le 26 mai 1922 à Paris (Feuille d’avis de Lausanne du 29 mai 1922, 22).

La Fabrique de poterie de Renens, 1892-1907

Émile Mercier, 1892-1898

Charles Lévy-Schwob, 1898-1900

Société anonyme, 1900-1907, gérances de Charles Lévy-Schwob (1900-1906) et de Paul Pasquier-Castella (1906-1907)

 Émile Mercier (né à Amsterdam en 1843, mort avant 1914 – Feuille d’avis de Lausanne du 8 août 1884, 4) était le fils du diplomate Philippe Charles-Louis Mercier (1805-1869) et d’Emma Doerr. En 1863, il épousa Suzanne Bugnion (1841-1914), la petite-fille de Charles-Timothée, le fondateur de la banque Bugnion à Lausanne, un établissement qui perdurera jusqu’à son absorption par l’Union de banques suisses en 1965 (http://www.davel.vd.ch/deskriptordetail.aspx?ID=715583, consulté en août 2018). Mercier occupa le poste de consul honoraire de Suisse à Hambourg de 1864 à 1874, une fonction à laquelle il avait accédé à un âge pour le moins précoce (Nouvelliste vaudois du 19 mars 1874, 4 – du 4 juillet 1891, 4).

Mercier participera au développement industriel de Renens, dans un premier temps en qualité de cofondateur et de directeur de la Société vaudoise d’engrais chimiques S. A. créée en 1882, laquelle fusionnera en 1886 avec une société similaire de Fribourg sous le nom de Fabrique d’engrais chimiques de Fribourg et Renens; Mercier sera nommé deuxième directeur, responsable de la succursale de Renens (FOSC, vol. 1, 1883, 119 – vol. 4, 1886, 833). En 1892, la société cessa l’exploitation de l’usine de Renens et Mercier renonça à ses fonctions directoriales, tout en restant membre du Conseil d’administration (FOSC, vol. 10, 1892, 1121).

La même année, il était enregistré en qualité de chef et propriétaire de la «Fabrique de poterie de Renens – Émile Mercier» (FOSC, vol. 10, 1892, 532). Il semble bien que Mercier ait racheté une partie des installations de l’ancienne fabrique d’engrais pour y installer sa nouvelle entreprise: «[Il] a transformé les locaux de l’ancienne fabrique d’engrais chimiques en une vaste fabrique occupant 25 ouvriers et comprenant en outre 18 appartements à leur usage» (Feuille d’avis de Lausanne du 16 janvier 1895, 5). En industriel avisé, mais pas spécialement préparé à ce nouveau domaine d’activité, il saura engager la jeune poterie sur la voie du succès. Les annonces publicitaires parues dans la presse régionale dès 1894 font surtout la promotion du «grand assortiment de capes de cheminée, composées du tuyau et de la lanterne», qui constituait visiblement l’un des points forts de l’assortiment de la fabrique (Feuille d’avis de Lausanne du 9 juin 1894, 5).

Dans un passage décrivant la section céramique de l’Exposition cantonale d’Yverdon de 1894, le correspondant de la Gazette de Lausanne s’attardera surtout sur les expositions proposées par les potiers de Renens, Samuel Jaccard et Émile Mercier: «Il y a là des choses de valeurs et de goûts très divers: d’un côté de ces tuyaux de cheminées avec grosses capes dont l’usage est aujourd’hui si fréquent; d’autre part tous les objets qui peuvent servir à la culture ou à l’ornementation d’un jardin: pots à fleurs ordinaires, cache-pots simples ou ornementés, suspensions pour plantes tombantes, vasques pour l’eau et aussi poterie de ménage. Un certain nombre d’objets de ces dernières catégories sont décorés de fleurs ou de feuillages en relief […] J’ai noté dans le genre sobre, au rayon de M. Mercier, une jardinière Louis XVI flanquée de deux cache-pots, dont le dessin est original […]” (édition du 2 octobre 1894, 1-2, signature S. F.).

Dans le cadre de la Sixième Exposition suisse d’agriculture qui se tint à Berne en 1895, la poterie de Mercier reçut une médaille de vermeil pour ses capes de cheminée et ses vases à fleurs (Nouvelliste vaudois du 4 octobre 1895, 4). La Feuille d’avis de Lausanne du 20 septembre 1895 (p. 11) s’étend généreusement sur la participation de l’établissement (si généreusement qu’on peut se demander si l’article n’est pas un texte de commande): «[…] Mercier a converti l’ancienne fabrique [d’engrais] en fabrique de produits céramiques, profitant de la position de l’usine et des propriétés exceptionnelles de l’argile qui se trouve sur la propriété. Il s’agit d’une nouvelle industrie qui est appelée à rendre des services importants et qui se développe rapidement grâce à la persévérance de M. Mercier. […] Parmi [les produits exposés] nous remarquons des capes de cheminées en terre cuite qui se recommandent par leur bien-facture, leur élégance, leur solidité et leur prix très bon marché qui nous libèrent de l’étranger pour cet article. La cape de cheminée en argile […] remplace très avantageusement les capes en métal qui sont attaquées facilement par les produits de la distillation des combustibles et de l’humidité […] M. Mercier expose en même temps une collection très complète de différents vases à fleurs, d’une forme très régulière, très solide et d’un poids minime, grâce à la perfection apportée au travail de la matière première et la méthode de cuisson […]».

L’année suivante, la fabrique était présente à l’Exposition nationale de Genève, avec des «poteries en tout genre et spécialités de capes de cheminée en terre cuite» (Catalogue officiel des exposants. Genève 1896, 410, No d’exposant 4177 – Gazette de Lausanne du 24 septembre 1896, 3), et avec une nouvelle distinction à la clé: une médaille d’argent qui récompensait plus particulièrement, et une fois de plus, son exposition de capes de cheminée (Feuille d’avis de Lausanne du 23 septembre 1896, 8).

La raison sociale «Fabrique de poterie de Renens, Émile Mercier» sera radiée en juin 1898, les installations, le bilan et les activités de Mercier étant repris par la maison «Fabrique de poterie de Renens, Charles Lévy-Schwob» (FOSC, vol. 16, 1898, 713). Mercier réapparaîtra dans l’entreprise en qualité d’administrateur-délégué au moment où celle-ci deviendra une société anonyme (voir plus loin).

Henri, dit Charles Lévy, allié Schwob (1866-1933), le nouveau propriétaire de la poterie, était un homme d’affaires originaire de Belfort (Franche-Comté). Avant de se vouer à l’industrie céramique, il possédait un commerce de tissus et confection à Morges, inscrit au Registre du commerce local en 1883 (FOSC, vol. 14, 1896, 603).

En 1899, le nouveau propriétaire de la Fabrique de poterie de Renens aura à affronter le premier mouvement social jamais enregistré dans l’industrie céramique locale, une grève déclenchée par les tourneurs de l’établissement le 19 mai et qui ne dura finalement que trois jours (La Revue du 20 mai 1899, 1). La Feuille d’avis de Lausanne notera simplement que «[…] le conflit avait été suscité par deux points d’importance secondaire, lesquels ont été réglés à la satisfaction générale» (édition du 22 mai 1899, 7). Le commentaire de la Feuille d’avis de Vevey relève de son côté que «[…] Cet événement serait, paraît-il, attribué au fait que cette importante usine a changé de propriétaire et que le personnel dirigeant n’aurait pas les sympathies des ouvriers» (édition du 19 mai, 6).

Une année après l’incident, la Feuille officielle suisse du commerce enregistrait, en date du 18 mai 1900, la constitution d’une société anonyme sous la raison sociale «Fabrique de poterie de Renens S. A.» dont les statuts étaient datés du 16 mai 1900. Les buts de la société étaient d’une part la fabrication de «poterie commune et de vases à fleurs, de boisseaux, capes de cheminées, drains, etc.» et d’autre part «la reprise de l’exploitation de la fabrique de poterie existant à Renens sous la raison ‘Charles Lévy-Schwob’» (FOSC, vol. 18, 1900, 748). La société anonyme avait simplement racheté l’entreprise (La Revue du 29 mai 1900, 1). Quant à la radiation de la raison sociale «Fabrique de poterie de Renens, Charles Lévy-Schwob», elle sera enregistrée le 19 mai (FOSC, vol. 18, 1900, 748). Le capital de la nouvelle société était fixé à 200 000 francs, divisé en 400 actions au porteur. Charles Lévy-Schwob fut nommé directeur et Émile Mercier administrateur délégué, une fonction qu’il occupera au moins jusqu’en 1903.

La poterie continua donc de travailler sans interruption et sous le même directeur. Elle présentera ses produits à l’Exposition cantonale de Vevey en 1901 (voir plus haut sous la rubrique de la poterie Jaccard), soit des «urnes aux formes élégantes, vases à fleurs, chapiteaux pour cheminées, poteries artistiques avec fleurs en relief et paysages» (La Revue du 24 juillet 1901, 1). L’envoi fut sanctionné par une médaille d’argent.

Dans une lettre publiée dans La Revue du 27 septembre 1901 (p. 4), Charles Lévy-Schwob s’insurge d’ailleurs contre cette distinction, qu’il juge insuffisante: «Nous avons eu déjà deux médailles d’argent, dont l’une à l’Exposition nationale de Genève […] Dès lors nous avons amélioré nos produits, notre production et nos ventes ont doublé et nous voici réduit par l’exposition cantonale de Vevey à une nouvelle médaille d’argent, qui, après celle de Genève, ne peut témoigner que d’un recul, dont il serait injuste de nous accuser.» Le directeur de la «principale fabrique de poterie commune du canton» impute cette mauvaise appréciation au fait que son entreprise avait été classée dans la section «Construction» de l’exposition, bien que les éléments de construction, comme les capes de cheminée, ne représentaient qu’un sixième de la marchandise présentée. Par voie de conséquence, ses produits avaient été jugés par des ingénieurs, qui ne constituaient pas forcément le jury le plus adapté. Lévy-Schwob refusa donc la médaille, avant de citer un extrait des Basler Nachrichten du 21 août 1901: «La fabrique de poterie de Renens expose de beaux plats et vases façon Thoune. Une urne tournée à la main, d’environ un demi-mètre de hauteur, fait le plus grand honneur à cet établissement».

À ce jour, nous avons recensé un seul et unique objet manifestement issu de ce que l’on appelait communément la «grande poterie», toutes directions confondues: un plat commémorant le Centenaire vaudois de 1903, conservé au Musée d’Orbe et arborant une marque «Fabrique poterie de Renens Société anonyme» particulièrement emphatique (MO No 1).

Visiblement le potier était fier de son œuvre, laquelle reste une réalisation relativement modeste, en regard notamment des descriptifs vagues mais laudateurs livrés par les chroniqueurs à l’occasion des différentes expositions.

L’année 1901 sera marquée par une nouvelle grève des ouvriers potiers qui se déclara dans les deux poteries de Renens (Jaccard et Société anonyme), lesquelles employaient «environ soixante-dix ouvriers, Français pour la plupart, mais établis à Renens avec leurs familles» (Tribune de Lausanne du 7 mai 1901, 2). De fait, le mouvement concernait essentiellement les tourneurs, qui constituaient en quelque sorte l’aristocratie de la main-d’œuvre et étaient particulièrement bien organisés. Les grévistes réclamaient une augmentation de salaire et une diminution du temps de travail. Au bout de trois semaines, Jaccard trouva un terrain d’entente avec ses grévistes, tandis que le conflit allait perdurer chez Lévy-Schwob (Feuille d’avis de Lausanne du 23 mai 1901, 11). Il fallut près de deux années pour aplanir les différends au sein de la «grande poterie», comme le constatera la presse ouvrière: «Après deux ans de résistance, la fabrique de poterie de Renens, M. Lévy, directeur, vient de reprendre les tourneurs au nouveau tarif […], tarif qui était payé dans les autres fabriques de Renens [Jaccard et Poterie moderne, voir plus loin]. C’est à la suite d’un mouvement de grève du mois de mai 1901 que le personnel tourneur avait été remercié et remplacé par le travail mécanique. […] Après cette longue lutte, les tourneurs sont victorieux et leur victoire est remportée sur le capital et sur le machinisme qui n’a pas donné dans la partie les résultats que nos brasseurs d’argent en attendaient» (Le Grutli du 3 juillet 1903, 6).

Cette même année 1903, la «grande poterie» connut une nouvelle réorganisation. En date du 16 avril, la Fabrique de poterie de Renens S. A. adopta une adjonction à ses statuts, qui spécifiait que «la société peut exploiter elle-même la fabrique ou la faire exploiter par des locataires» (FOSC, vol. 21, 1903, 757). Deux semaines plus tard, Charles Lévy-Schwob déclarait renoncer à son poste de directeur, tandis qu’Émile Mercier était confirmé en qualité d’administrateur délégué «en lieu et place du directeur» (FOSC, vol. 21, 1903, 853).

Mais Lévy-Schwob ne s’éloignait pas vraiment de l’entreprise: le 28 mars de l’année suivante, il sera enregistré comme chef de la maison «Fabrique de poterie, Charles Lévy-Schwob» (FOSC, vol. 22, 1904, 553). Au vu de ce qui précède, on peut admettre que ce dernier reprit – ou poursuivit – son activité, mais en louant l’immeuble et l’infrastructure technique appartenant à la société Fabrique de poterie S. A.

Lévy-Schwob travailla encore jusqu’en janvier 1906. Sa raison sociale fut radiée en date du 25 janvier «ensuite de remise de commerce»; le même jour, Paul Pasquier allié Castella, de Bulle, domicilié à Lausanne, était enregistré en qualité de chef de la maison «Fabrique de poterie, P. Pasquier-Castella» à Renens (FOSC, vol. 24, 1906, 161).

De son côté et dès le mois de mars, Charles Lévy-Schwob fera paraître des annonces publicitaires pour promouvoir son «Bureau commercial et immobilier», sis Grand-Pont 4 et Grand-Saint-Jean 18 à Lausanne, un établissement actif dans l’achat, la vente et la gérance d’immeubles (voir par exemple dans la Feuille d’avis de Lausanne du 3 mars 1906, 9). Plus tard, il se distinguera également en présidant la Communauté israélite de Lausanne de 1912 à 1919. Par ailleurs, Lévy-Schwob restera lié à l’entreprise de Renens jusqu’à son décès survenu le 26 novembre 1933, il occupait alors le poste de vice-président du Conseil d’administration de la Briqueterie, tuilerie et poterie de Renens (Gazette de Lausanne du 28 novembre 1933, avis mortuaire en p. 7).

En 1907, l’Indicateur vaudois reproduit, à la rubrique des fabriques de poterie installées à Renens, un encadré publicitaire intitulé «Fabrique de poterie P. Pasquier-Castella – poterie commune, vases à fleurs, capes, boisseaux, drains – Poteries artistiques de Mlle Nora Gross» (p. 389). Pasquier – le nouveau locataire de la Fabrique de poterie de Renens S. A. – ne se contentait donc pas de poursuivre les productions traditionnelles de l’établissement, il innova également en tentant d’introduire une véritable ligne artistique, conçue par une créatrice indépendante. L’insertion ci-dessus est cependant la seule mention que nous ayons retrouvée de cette collaboration. L’expérience a probablement été de courte durée et nous n’avons identifié aucun objet susceptible d’en témoigner (voir aussi l’article «Nora Gross»).

Dans sa très courte carrière de chef d’entreprise indépendant, Pasquier-Castella s’engagera dans une autre collaboration artistique qui laissera, elle, une trace plus tangible: «Depuis peu, un ouvrier qui a passé par les fabriques de Rambervillers et aussi chez Massier, au Golfe-Juan, s’est établi à Renens. Il a son fourneau à la Poterie Pasquier-Castella, dans les locaux où se préparaient jadis les engrais chimiques […] les poteries sont des ‘grand feu’. Cela veut dire des grès […] cuits au moins trois fois […] et à la température d’environ 1300 degrés. […] L’ouvrier s’appelle M. Beyer. Il est originaire de Strasbourg […] Ici un métallisé bleu, on dirait un [sic] cétoine énorme irradiant toutes les nuances de l’azur. A l’autre bout, un mat aigue-marine aux flammés imprévus. Entre deux, la gamme des mouchetés, tachetés, vergetés, en rose, en lilas, en noir […]» (D., «Une leçon d’art», in: Gazette de Lausanne du 20 novembre 1906, 3).

Le céramiste en question était Paul Beyer (1873-1945), l’un des grands noms de la céramique d’art française de la première moitié du XXe siècle. Son passage à Renens, en 1906-07, fit grande impression et surtout ses grès, une variété céramique parfaitement inédite dans le pays. Des articles de presse enthousiastes décrivent l’atmosphère quasi mystique dans laquelle se déroulaient les longues cuissons de haute température, où l’on apprend par ailleurs que Beyer avait construit lui-même un four à double foyer de son invention dans les locaux de Pasquier (Cd., «Art domestique», in: Journal de Genève du 14 septembre 1907, 5).

Les grès réalisés par Beyer à Renens dès 1906 seront exposés à Lausanne (entre autres dans les locaux de la Gazette de Lausanne), à Genève (dans le cadre de la Maison d’art de la Corraterie – Journal de Genève du 26 avril 1907, 4, et du 14 septembre 1907, 5) et à l’École des arts décoratifs de Zurich (Journal de Genève du 20 février 1907, 1). Le Musée des arts industriels genevois et celui de Zurich auraient acquis plusieurs spécimens. À Genève, le Musée Ariana conserve un vase acquis par l’ancien Musée des arts industriels à la Maison d’art en 1906 ou 1907 (MAG AR 05458); l’institution genevoise possède par ailleurs onze spécimens acquis ultérieurement en Suisse et qui pourraient eux aussi remonter à l’épisode vaudois dans la carrière du céramiste (MAG AR 05457; AR 05539; AR 06939; AR 11332 à AR 11339). À Zurich, huit pièces de Beyer figurent à l’inventaire du Museum für Gestaltung (ZHdK KGS-06744 à -06749, -06751 et -6903). Le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel conserve lui aussi un vase de Beyer, acquis en 1909 au Grand Bazar local. L’ancien inventaire du musée spécifie bien que l’objet fut réalisé en 1906 dans l’atelier de Paul Pasquier-Castella (MAHN AA 1046).

On notera au passage que certaines pièces de l’Ariana – dont le vase acquis à l’exposition de Beyer à la Maison d’art – et le vase de Neuchâtel ne sont pas des grès, mais des faïences recouvertes d’émaux lustrés, un peu dans la manière des Massier. Dans le cas de l’exemple genevois, l’ancien inventaire du Musée des arts industriels précise bien «faïence dure, imitation de grès». Il semble donc que le céramiste ait dû passer par une phase intermédiaire avant d’obtenir des grès véritables, à moins qu’il ait expérimenté les deux techniques en parallèle.

Le 14 mars 1907, Pasquier accéda au poste de secrétaire du Conseil d’administration de la Fabrique de poterie de Renens S. A., tandis qu’Émile Paccaud était nommé président (FOSC, vol. 25, 1907, 475). Un nouveau et profond remaniement était en préparation: les actionnaires de la société anonyme furent conviés à une Assemblée générale extraordinaire qui devait se tenir le 16 octobre; à l’ordre du jour figuraient une modification des statuts, la «cession des immeubles, installations et outillage» ainsi que la question de l’échange des actions (Feuille d’avis de Lausanne du 28 septembre 1907, 24).

Plus concrètement, et conformément à l’information enregistrée dans la Feuille officielle suisse du commerce en date du 15 novembre, l’Assemblée générale avait décidé de dissoudre la Société anonyme et de confier sa liquidation à trois administrateurs: Émile Paccaud, Charles Lévy-Schwob et Paul Pasquier (FOSC, vol. 25, 1907, 1975 – La Revue du 21 novembre 1907, 2). La dite liquidation ne sera parachevée qu’en mars 1917, avec radiation définitive de la raison sociale Fabrique de poterie de Renens S. A. (FOSC, vol. 35, 1917, 512).

Ce même 15 novembre 1907, la FOSC annonçait la constitution, en date du 30 octobre, d’une nouvelle société sous la raison sociale «Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A.», dotée d’un capital de 600 000 francs divisé en 1200 actions. Il est spécifié que la société «[…] se procurera, au fur et à mesure des besoins, les immeubles, installations et matériaux nécessaires et liquider[a] ceux qui deviendront superflus lorsqu’elle pourra le faire avec avantage.» Le président du Conseil d’administration était Émile Paccaud, le secrétaire Aloys Fonjallaz, syndic de Cully, l’administrateur-délégué Auguste Ludowici de Genève. La direction de l’entreprise était confiée à Paul Pasquier (FOSC, vol. 25, 1907, 1975).

Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A. (1907-1923), puis Briqueterie, tuilerie et poterie de Renens S. A. (1923-1969)

Au printemps suivant, la Gazette de Lausanne reviendra sur l’événement en ces termes: «À Renens-Gare vient de se constituer une société anonyme au capital de 600 000 francs pour la création, à bref délai, d’une grande briqueterie. À la tête de cette nouvelle société figurent les propriétaires des poteries Pasquier-Castella et Jaccard, actuellement fusionnées. La fabrique nouvelle s’élèvera au sud de la poterie Pasquier, anciennement Lévy-Schwob. Les travaux de terrassement sont déjà commencés, et l’on compte ouvrir la nouvelle usine à l’exploitation déjà l’hiver prochain» (édition du 7 mai 1908, 2).

Ce bref article éclaire quelque peu les modalités de la «fusion» des anciennes entreprises: apparemment, la Fabrique de poterie de Renens S. A. fit l’acquisition de la poterie Jaccard (ou du moins de son fonds de commerce); dans un deuxième temps, l’ancienne société anonyme fut dissoute et ses responsables constituèrent une nouvelle société, toujours sous la forme d’une S. A. et avec le but de construire une usine ex nihilo. Le matériel et le bâtiment de la Fabrique de poterie furent probablement transférés à la nouvelle entité, qui semble avoir été opérationnelle dès l’hiver 1908. D’octobre à décembre 1908, la Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A. fera paraître une annonce portant sur la vente d’une usine à Renens, «avec fours à céramique, terrain ad libitum»; il s’agissait en l’occurrence du bâtiment de l’ancienne société anonyme (par exemple, FOSC, vol. 26, 1908, 2172).

En attendant l’achèvement des nouvelles installations, il semble bien que la production se soit poursuivie dans l’ancienne «grande poterie», puisque Le Grütli du 30 octobre 1908 (p. 2) fait état d’une grève des tourneurs et vernisseurs de la Poterie et briqueterie de Renens, lesquels exigeaient les mêmes salaires que ceux pratiqués à la Poterie moderne (voir plus loin).

Avec la création de la nouvelle société, on voit bien que l’entreprise s’était hissée à une échelle supérieure, que ce soit en termes de capitaux ou de moyens de production. Le type de fabrication annoncé comprenait toujours la poterie commune et les vases à fleurs, mais l’accent sera mis désormais sur la «poterie de bâtiment», en particulier les tuiles, briques et drains.

Paul Pasquier-Castella resta à la direction jusqu’en 1909; dans l’Indicateur vaudois, il déclarera désormais la profession de représentant. Quant à la Fabrique de poterie et briqueterie de Renens S. A., elle changera sa raison sociale en Briqueterie, tuilerie et poterie de Renens S. A. en 1923, une reformulation qui reflétait bien son orientation toujours plus marquée vers la fabrication industrielle d’éléments de construction (FOSC, vol. 41, 1923, 556).

Une publicité illustrée parue en pleine page dans l’Indicateur pratique du commerce et de l’industrie du canton de Vaud de 1931 (p. X) montre bien l’ampleur prise par les nouvelles installations qui prenaient désormais l’allure d’un complexe industriel moderne, dûment connecté aux réseaux ferroviaire et routier. Le même annuaire comporte des annonces semblablement illustrées de trois autres grandes tuileries et briqueteries du canton: Dutoit & Cie à Yvonand (non pag. avant p. I); Barraud & Cie à Bussigny, Chavornay, Éclépens et Yverdon (p. III); Morandi Frères à Corcelles-près-Payerne (p. VI).

L’entreprise sera renommée «Briqueterie Renens S. A.» en 1966, avec transfert du siège social à Crissier (FOSC, vol. 84, 1966, 3109); à ce stade de son évolution, l’entreprise fabriquait surtout des matériaux à base de ciment, de grès ou de béton enrichi de silicium.

La raison sociale sera transformée en BTR Matériaux S. A. en 1972.

Sources

La presse vaudoise et genevoise, ainsi que les annuaires du canton de Vaud (consultés sur le site Scriptorium de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne et sur le site letempsarchives.ch)
La Feuille officielle suisse du commerce, dès 1883 (consultée sur le site e-periodica.ch)

Bibliographie

Ferney-Voltaire 1984
Ferney-Voltaire. Pages d’histoire. Ferney-Voltaire/Annecy 1984.

Huguenin 2010
Claire Huguenin (éd.), Patrimoines en stock. Les collections de Chillon. Une exposition du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne en collaboration avec la Fondation du château de Chillon, Espace Arlaud, Lausanne et Château de Chillon. Lausanne 2010.