Matzendorf, Collection Maria Felchlin (SFM)

Assiette en faïence fine de la manufacture de Matzendorf, peinte en bleu, vert et jaune sous la glaçure, datée de 1812 (SFM 5).

Keramikmuseum Matzendorf
Sammlung Maria-Felchlin:
Im Pfarreiheim, Gartenstrasse 2
CH-4713 Matzendorf
Tel. +41 (0)62 394 11 67 (privat, M. Egli, Kustos)
mueller.luethi@bluewin.ch

Céramiques de la Collection Maria Felchlin à Matzendorf dans CERAMICA CH

Roland Blaettler 2019

En 1957, la municipalité de Matzendorf, district de Thal, canton de Soleure, a remercié Maria Felchlin (1899-1987) en lui décernant la citoyenneté d’honneur pour son engagement pendant de nombreuses années consacrées à la défense et à la mise en valeur de la tradition céramique locale. En 1968, l’année du 1000e anniversaire de la fondation de Matzendorf, elle a promis de léguer sa collection à la municipalité à condition qu’elle soit accessible au public avec une possibilité de visites guidées et que la commune de Matzendorf continue à promouvoir l’étude de la céramique locale. La même année, la collection a été déposée et exposée dans l’ancien presbytère de Matzendorf, où elle est encore visible aujourd’hui.

Avec 220 objets, la collection Felchlin illustre les vues et les théories de cette collectionneuse, qui pendant des décennies a été considérée comme la spécialiste de la céramique de Matzendorf. Il n’est donc pas étonnant que les faïences Biedermeier, que nous considérons désormais comme des produits de Kilchberg-Schooren, canton de Zurich et qu’elle a glorifié de manière erronée comme étant les meilleurs produits fabriqués à Matzendorf, occupent ici la première place avec 130 objets. La production locale n’est représentée que par 20 pièces. Le reste de la collection est constitué de faïences et de faïences fines de l’Est de la France. Felchlin a publié sur ses céramiques à plusieurs reprises, mais n’a pas tenu d’inventaire de sa collection. À quelques exceptions près, l’origine des pièces reste donc dans l’ombre. On peut supposer que la collecte a commencé à la fin des années vingt. En tout cas, le conservateur du musée Olten a déjà décrit Maria Felchlin en 1934 comme une « collectionneuse passionnée ».

 

Faïences fines : Présentoir de corbeille et sa marque estampée « MAZENDORF », vers 1800, et moutardier avec les inscriptions « Bernhard Munziger » et « Amtschreiber in Balsthal 1820 – Greffier à Balsthal 1820 » (SFM 219 ; SFM 218).

La collection contient quatre pièces en faïence fine avec deux rares présentoirs de corbeille portant la marque estampée « MAZENDORF » (SFM 17 ; SFM 219), une assiette datée de 1812 (SFM 5) et le moutardier du service de Bernhard Munzinger de 1820 (SFM 218). La collection contient quatre exemples des débuts de la production de la faïence à Matzendorf, dont une écritoire datée de 1810 (SFM 7), qui présente le même décor que le bol à oreilles de 1807 du Musée des céramiques de Matzendorf (KMM 77).

Soupière en faïence de la manufacture de Matzendorf, anses en volute avec attaches en relief en forme de feuille trilobée; La dédicace sur la face de montre est la suivante :  « Johann Jakob Buser beÿ Thieckten auf Bandeholden. Freudschaft ist der Himmel auf Erden – Johann Jakob Buser de Thieckten près de Bantenholden. L’amitié est le paradis sur terre », et sur la face arrière, on lit « Der Fleiss baut das Land 1834 – L’ardeur au travail construit ce pays 1834» (SFM 189)

Parmi les céramiques représentant la production de Matzendorf autour des années 1830 figure une belle soupière de 1834 (SFM 189), très semblable à celle de 1835 du musée d’Olten (HMO 8833). Ces deux objets étaient destinés aux clients du canton de Bâle-Campagne, car elles portent une dédicace à Johann Jakob Buser de Bantenholden près de Dietgen, pour l’une et à Johann Bosset de Zunzgen, tous deux à une trentaine de km de Matzendorf.

A gauche, deux écritoires de la « famille bleue »,  faïence, décor polychrome de grand feu, produites par la Manufacture de Matzendorf, trois pieds ; les parois frontales des compartiments de rangement présentent une accolade; sur le premier, la dédicace est : « Joseph Hersberger » et on lit sur le fond compartiment la date de « 1856 » (SFM 213) ; sur la deuxième « Josef Jäggi Ld :jäger – Josef Jäggi Chasseur» et « 1876 » (SFM 212) ; ur la droite, la troisème écritoire en faïence, décor polychrome de grand feu, est produite par une des fabriques du lac de Zurich, quatre pieds ; la paroi frontale du compartiment de rangement présente une légère pointe ; la dédicace est : « Bedenke das Ende in allen Sachen – Pense que toute chose a une fin », vers 1836 (SFM 149)

Maria Felchlin a considéré avec un certain dédain les faïences de la « famille bleue » produites durant la dernière période de la Manufacture de Matzendorf. Elles ne lui semblaient pas dignes, en termes de qualité, d’être envisagées comme des produits de la Manufacture. Elle les considérait comme des « produits secondaires fabriqués par des amateurs » qui ne méritaient pas d’être étudiés en détail. Il n’est donc pas étonnant qu’il y en n’ait que trois exemplaires dans la collection.

Dans le grand groupe des « décors bernois », qui proviennent des fabricants de faïence du canton de Zurich, on trouve un nombre étonnamment important de céramiques pour poupées, qui étaient apparemment particulièrement appréciées par Maria Felchlin (SFM 94 ; SFM 95 ; SFM 98 ; SFM 101a ; SFM 101b ; SFM 101c ; SFM 128 ; SFM 131 ; SFM 154 ; SFM 156 ; SFM 161 ; SFM 162 ; SFM 164 ; SFM 165 ; SFM 166 ; SFM 167 ; SFM 168 ; SFM 169 ; SFM 170 ; SFM 171 ; SFM 173 ; SFM 174 ; SFM 175 ; SFM 176 ; SFM 177 ; SFM 195).

Soupière miniature pour poupées, faïence, décor polychrome de grand feu, Kilchberg-Schooren, vers 1840 (SFM 94). Théière miniature pour poupées, faïence, décor polychrome de grand feu, Kilchberg, vers 1840 (SFM 95). Bol à thé et sa sous-tasse, forme moulée, faïence, décor polychrome de grand feu, Kilchberg, vers 1825 (SFM 101a). Pot à lait miniature pour poupées, faïence, glaçure jaune, peinture de grand feu violet foncé, Kilchberg-Schooren, vers 1840 (SFM 131).

Il y a aussi des pièces qui présentent des décors peu courants (SFM 126 ; SFM 188 et SFM 106) et trois soupières couvertes de formes inhabituelles, avec des guirlandes de roses peintes en bleu. Tous trois ont un fretel qui semble être typique de la Fabrique Fehr de Rüschlikon (SFM 111 ; SFM 112 ; SFM 113) mais l’une d’elles a des prises qui sont généralement attribuées à la Manufacture Scheller, de Kilchberg-Schooren, toutes deux dans le canton de Zurich (SFM 112).

Trois soupières couvertes de Kilchberg-Rüschlikon, faïence, décors de grand feu, peintes en bleu, vers 1840 (SFM 113 ; SFM 112 ; SFM 111).

Cette production pose encore des problèmes d’attribution, mais ces céramiques ont été utilisées par Felchlin pour développer sa « théorie du service » (Felchlin 1968, 188-189).

Deux faïences aux décors polychromes de grand feu de la Manufacture Scheller, Kilchberg-Schooren, canton de Zurich. Plat à barbe ; dédicace : « Du bist mir alles – Tu es tout pour moi », vers 1850-1855 (SFM186). Vase cornet, vers 1855 (SFM 78).

Il convient également de noter que la collection contient une petite sélection de faïences que nous considérons comme des produits de la période 1850-1855 de la Manufacture Scheller, de Kilchberg-Schooren, canton de Zurich (SFM 78 ; SFM 182 ; SFM 183 ; SFM 184 ; SFM 185 ; SFM 186).

Soupière couverte de la Manufacture Gautherot, Boult, Haute-Saône (F), faïence, peinture en violet-foncé de grand feu, vers 1750-1760 (SFM36)

La collection contient 50 pièces de l’Est de la France que Felchlin considérait comme des produits de Matzendorf. Ils comprennent sept faïences au « décor à la grue » de la Franche-Comté (F) (SFM 36 ; SFM 34 ; SFM 38 ; SFM 39 ; SFM 37 ; SFM 35 – voir aussi « Faïences de Franche-Comté dans les collections de Soleure ») et douze pièces en faïence fine avec des fleurs en relief (SFM 1 ; SFM 2 ; SFM 3 ; SFM 4 ; SFM 9 ; SFM 10 ; SFM 15 ; SFM 18 ; SFM 23 ; SFM 24 ; SFM 25 ; SFM 26).

Plat (diamètre 40 cm) en faïence fine de Lunéville (F) ou de sa région, décor en relief moulé, vers 1750-1760 (SFM 26).

Ce type de faïence fine semble avoir été produit à Lunéville, département de Meurthe-et-Moselle, région historique et culturelle de Lorraine (F), vers 1750-60, s’inspirant des décorations florales qui avaient été développées précédemment en région parisienne, notamment à Pont-aux-Choux (3ème arrondissement de Paris) sur la base de décors comportant des « indianischen Blumen – littéralement fleurs indiennes, terme de la langue allemande désignant, faute de mieux, des fleurs imaginatives et stylisées sur les porcelaines d’Asie orientale sous forme de pivoines, grenades et autres ». Par la suite, les motifs de Lunéville ont été adoptés par d’autres fabricants en Lorraine, mais aussi en Belgique et au Luxembourg (Maire 2008, 109-113, 140 et 179 ; Maire 2009). Les céramiques de ce type de la collection Felchlin proviennent de Lunéville ou de sa région.

Il y a aussi des faïences à décor de petit feu, qu’elle a attribuées à tort à l’atelier d’Urs Studer (SFM 52; SFM 60; SFM 206; SFM 205; SFM 51; SFM 53; SFM 71; SFM 61; SFM 68; SFM 62; SFM 63; SFM 67; SFM 48; SFM 66; SFM 58; SFM 72; SFM 54; SFM 69; SFM 55; SFM 50; SFM 56; SFM 46; SFM 43).

Faïences de l’Est de la France (vraissemblablement Lunéville ou sa région) à décor polychrome de petit feu, attribuées de manière erronée à Matzendof par Maria Felchlin. Bol à oreilles, vers 1800-1810 (SFM 56). Soupière couverte, vers 1800 (SFM 52). Assiette, vers 1800-1810 (SFM69).

Les faïences que Felchlin attribue au potier de Mazendorf Urs Studer (1787-1846), dont la poterie a été active de (1826-1854), comme des céramiques de « Matzendorf dans le style de Strasbourg » sont très répandues et ont été produites par de nombreuses manufactures de l’Est de la France, mais surtout en Lorraine. Des études ciblées, basées sur des analyses archéométriques, attribuent les produits de ce type à l’un ou l’autre de ces centres. Pour Jean Rosen, par exemple, toute une série de la collection a été fabriquée par la Manufacture du Bois-d’Épense (Les Islettes) (SFM 62 ; SFM 66 ; SFM 58 ; SFM 72 ; SFM 69 ; SFM 71 ; SFM 55 ; SFM 56). Les spécialistes français étant en désaccord sur ce point, nous nous en tenons à une attribution plus générale dans ce cas.

La Collection Felchlin est un exemple assez rare de collection intacte illustrant de manière tangible des décennies de recherche dans le domaine clairement défini de la céramique suisse, même si la plupart des théories avancées par Maria Felchlin se sont avérées erronées au fil du temps.

Traduction Pierre-Yves Tribolet

Bibliographie :

Blaettler/Schnyder 2014
Roland Blaettler/Rudolf Schnyder, CERAMICA CH II: Solothurn (Nationales Inventar der Keramik in den öffentlichen Sammlungen der Schweiz, 1500-1950), Sulgen 2014, 35–37.

Felchlin 1968
Maria Felchlin, Matzendorf in der keramischen Welt. In: 968–1968: Tausend Jahre Matzendorf. Solothurn 1968, 151–216.

Maire 2008
Christian Maire, Faïence fine française 1743-1843. Le triomphe des terres blanches. Le Mans/Paris 2008.

Maire 2009
Christian Maire (éd.), La question des influences entre Paris, la Lorraine et la région belgo-luxembourgeoise: des pistes de réflexion (Pôles de productions et échanges belgo-luxembourgeois autour de la faïence fine [XVIIIe et XIXe siècles]). Bruxelles 2009, 9–62.