Gross, Nora (1871-1929), Colovrex GE, Heimberg BE, Lausanne VD

Bendicht Loder-Walder, Heimberg, d’après une esquisse de Nora Gross-Perret, 1905 (MHL n° 14).

Andreas Heege und Roland Blaettler, 2023

Cécile-Éléonore, dite Nora Gross (1871-1929) se forma à l’enseignement du dessin à l’École des arts et métiers de Bâle puis au Technicum de Winterthour, où elle obtint son diplôme en 1890. Attirée par les arts appliqués, elle complètera sa formation à l’École des arts industriels de Genève, dans la classe de décoration céramique de Joseph Mittey. De 1893 à 1903, elle enseigna à l’École secondaire de jeunes filles de Morges, avant de fonder en 1903 sa propre École de dessin et d’art appliqué à Lausanne, qui fusionnera avec l’École cantonale de dessin en 1924.

Soucieuse de relever le niveau esthétique de l’artisanat populaire et de s’engager pour la pérennité du travail à domicile menacé par l’industrialisation, elle sera l’initiatrice en 1911 de la Société d’art domestique et figura parmi les fondateurs de L’Œuvre en 1913. La même année, elle épousa Paul Perret (1880-1947), critique d’art, secrétaire de L’Œuvre et homme politique (député, syndic, puis conseiller d’État de 1931 à 1942).

Nora Gross-Perret (Ball-Spiess 1987, fig. 45)

Au cours de ses premières années d’enseignement, Nora Gross s’adonna à la peinture à l’huile et à l’aquarelle en interprétant des paysages et principalement des sujets floraux. Dès le tournant du siècle, avec la création de son école lausannoise, elle privilégiera le domaine des arts appliqués, fournissant des modèles et des motifs renouvelés aux industries textile et céramique. Son apport artistique sera particulièrement marquant dans le registre des tissus imprimés; dans le domaine céramique, il contribuera à une certaine revitalisation des poteries traditionnelles (terre cuite engobée), surtout dans la région de Heimberg-Steffisburg.

Sa première collaboration avec une poterie remonte à 1902/1903, quand elle fournit ses premiers modèles à la poterie Veuve Knecht et fils à Colovrex (GE). Le Musée Ariana conserve onze pièces provenant de l’ancien Musée des arts décoratifs de Genève (inv. C 0308, C 0309, C 0310, C 0322, C 0326, C 0327, C 0328, C 0329, C 0330, C 0348 et C 0350 – Ball 1988, cat. No 1, 3, 4, 6, 8, 9, 12, 13, 17, 21 et 22).

Keramik von Nora Gross und der Töpferei Knecht im Musée Ariana in Genf.

Ces objets ne sont pas marqués, mais l’ancien inventaire les identifie clairement comme des «poteries rustiques» créées par Mlle Gross et acquises, pour la plupart d’entre elles, chez les Knecht entre la fin de 1903 et le début de 1904. Où l’on apprend également que cette ligne de production portait le nom de «Héra», la déesse grecque protectrice des femmes et du mariage.

En décembre 1903, Gross exposa des poteries issues de cette veine à Lausanne, dans les vitrines de la Société suisse d’ameublements, place Saint-François (Gazette de Lausanne du 30 décembre 1903, 3). Après avoir souligné les formes «très simples, à fond uni, sobrement décorées d’ornements floraux ou géométriques, dont la valeur réside précisément dans la simplicité du style […] Il y a parfaite adaptation du décor à la matière rustique», le chroniqueur précise encore que le Musée des arts décoratifs de Genève a fait l’acquisition de quatre poteries.

La collaboration avec les Knecht fut de courte durée: assez rapidement, Nora Gross se tourna vers un autre fabricant, établi à Heimberg, l’un des centres historiques de la poterie traditionnelle bernoise: Bendicht Loder-Walder. Selon Daniela Ball, ce nouveau partenariat aurait débuté dès 1903 (Ball 1987, 111 – voir aussi Messerli Bolliger 1991, 74, fig. 45).

A l’automne 1904, les céramiques de Nora Gross sont exposées à l’Exposition nationale suisse des beaux-arts qui se tient au Palais de Rumine à Lausanne (La Liberté 34, n° 223, 29 septembre 1904 ; Le Confédéré de Fribourg, 57, n° 81, 9 octobre 1904 ; Ball-Spiess 1987, 152).  Le Musée des arts décoratifs de Genève y achète une terre cuite glaçurée de Nora Gross. Ce n’est pas certain qu’elle ait déjà présenté ses céramiques de Heimberg à cette occasion.

Les premières mentions concernant ces nouvelles créations céramiques remontent cependant à 1905, lorsqu’elles furent présentées avec un beau retentissement dans une exposition que leur consacra spécialement le Musée cantonal des arts et métiers de Berne (Le Nouvelliste vaudois du 3 mai 1905, 2 – Gazette de Lausanne du 13 mai 1905, 3 et 5). On notera au passage que le compte rendu du Nouvelliste fournit un début d’explication sur la rupture entre Gross et les Knecht: «Mlle Gross avait d’abord cherché parmi les potiers de Ferney [l’erreur de localisation s’explique par le fait que les Knecht exploitaient un second atelier à Ferney-Voltaire] l’artisan capable de réaliser ses créations, mais les préventions auxquelles elle se heurta eurent pour heureux effet de l’amener à demander à la Suisse le collaborateur dont elle avait besoin. Elle l’a trouvé à Heimberg».

Rapport sur l’exposition au Musée des arts décoratifs de Bern dans le « Geschäftsblatt für den oberen Teil des Kantons Bern – journal économique couvrant la « partie haute » du canton de Berne »,  52, n° 36, du 6.6.1905.

Dans le rapport sur l’exposition au Musée des arts décoratifs de Bern ci-dessus, on y lit : « La poterie de Heimberg : Le Musée des arts décoratifs de Berne accueille actuellement une exposition de poterie, organisée par la femme peintre lausannoise, Mlle Nora Gross et le potier de Heimberg, Loder-Walder. Les artistes ont essayé, avec beaucoup de bonheur, de faire revivre les formes anciennes de la meilleure période de la céramique bernoise. Il est étonnant de constater l’abondance de différentes formes et la richesse des couleurs finement teintées qui se dégagent de ces céramiques.  Du plus simple pot de cuisine au plus délicat vase à fleurs, tout y est représenté, pour ainsi dire. Les grands pots de fleurs élégants, de forme très simple, sont particulièrement frappants. Sur l’un d’entre eux, un très beau mélange de couleurs a été composé : on y voit, sur un fond brun foncé, une vrille de feuilles vertes avec des ombelles de fleurs suspendues, d’un bleu profond. La glaçure, extrêmement brillante, fait ressortir les couleurs de manière spectaculaire. Les artistes ont trouvé des teintes très heureuses : on y découvre toutes les nuances possibles. Ainsi, ces poteries se détachent très agréablement de l’éternelle monotonie des modèles de Heimberg avec les sempiternelles Edelweiss. On peut recommander une visite de l’exposition à tout le monde, mais surtout aux dames ».

La grande majorité des céramiques fabriquées par Loder-Walder porte une marque gravée «BL (ou BLW) – Nora Gross» et un numéro de forme estampé. Cinq exemples se trouvent dans le fonds du Musée historique de Lausanne (MHL No 14; MHL No 17; MHL No 18; MHL No 25; MHL No 26).

Le Musée national suisse à Zurich possède trois vases de Nora Gross et Bendicht Loder-Walder (SNM LM-70629, SNM LM-70630, SNM LM-149623).

Le Musée Ariana conserve 15 spécimens de cette catégorie, acquis par l’ancien Musée des arts décoratifs de Genève en 1905 et 1906 (voir Ball 1988 cat. No 2, 5, 7, 8, 10, 11, 14-16, 18-20, 23-26).

Darunter befinden sich auch zwei sehr dekorativ bemalte Teller.

Cinq autres exemples se trouvent dans le fonds du Gymnase de Lerbermatt à Köniz (Kön-Lerb_01 à Kön-Lerb_05). Malheureusement, on n’a aucune idée quand ces pièces sont arrivées dans les collections de l’institution précédente, qui était le Séminaire de l’état de Berne – Lerbermatt. On remarque que les signatures diffèrent de celles du groupe précédent sans que nous puissions en expliquer la raison.

Chez Bendicht Loder, Gross développera une ligne de produits sensiblement plus élaborée, notamment du point de vue chromatique. Les décors peints à l’engobe ne sont plus recouverts d’une simple glaçure incolore, comme chez les Knecht, mais de glaçures colorées et animées d’effets de coulures, avec une belle richesse de coloris.

Les céramiques fabriquées par Loder-Walder porte une marque gravée «BL (ou BLW) – Nora Gross» et un numéro de forme estampé ou gravée. Collection privé.

Keramik von Nora Gross und Bendicht Loder-Walder befindet sich auch in einigen schweizerischen Privatsammlungen (Messerli 2009, Abb. 74-77).

Le Musée des arts décoratifs de Zurich conserve un autre vase de cette période (ZHdK-KGS-08457).

On trouve également au Musée historique de Lausanne  un pot à lait inhabituel avec un décor de groseilles (MHL AA.VL 2004 C6006).

A l’automne 1905, une grande exposition et mise en vente a été organisée à la fois au Grand Bazar de Neuchâtel et à la « Maison d’Art » à Genève (La Suisse Libérale 42, n° 267, 14 novembre 1905 et 42, n° 296, 17 décembre 1905).

En juin 1906, la « 2ème Exposition des femmes peintres de la Suisse romande » se tient à La Grenette de Lausanne. Nora Gross y participe également avec ses « jolis vases » (La Suisse Libérale 43, n° 132, 10 juin 1906). En juillet 1906, ses céramiques sont exposées à Fribourg, dans la vitrine de Georges Clément à la Grand’Rue. Elles sont admirées et décrites en détail (La Liberté, 36, n° 156, 11 juillet 1906). Ses productions ont également été encensées et vendues à Bâle (Illustrierte Schweizerische Handwerker-Zeitung No. 38, 20.12.1906, 613).

En novembre 1906, une partie de sa production est également exposée chez le marchand d’art Weil à la Bahnhofstrasse (Rue de la Gare) à Zurich et fut très favorablement accueillie par la NZZ (Neue Zürcher Zeitung, Archive) du 20 novembre 1906. Dans cet article, on y trouve aussi un rapport de voyage effectué à Heimberg dans l’atelier de Loder-Walder à l’été 1904.

Carte postale 1908, «Fabrique de poterie P. Pasquier-Castella».

En 1907, l’Indicateur vaudois reproduit, à la rubrique des fabriques de poterie installées à Renens, un encadré publicitaire intitulé «Fabrique de poterie P. Pasquier-Castella – poterie commune, vases à fleurs, capes, boisseaux, drains – Poteries artistiques de Mlle Nora Gross» (p. 389). Pasquier – le nouveau locataire de la Fabrique de poterie de Renens S. A. – ne se contentait donc pas de poursuivre les productions traditionnelles de l’établissement, il innova également en tentant d’introduire une véritable ligne artistique, conçue par une créatrice indépendante.

En outre, on doit encore relever une petite publication sur la céramique de Nora Gross sous la plume d’Edmond Gilliard, qui doit également dater de cette époque. Cette parution à des fins publicitaires porte à nouveau, au verso, une référence à Pasquier-Castella, qui se vante d’être le seul concessionnaire pour la vente en gros des céramiques de Nora Gross. C’est quasiment le même texte qui paraît une nouvelle fois en 1913 dans la « Blätter für den Zeichen- und gewerblichen Berufsunterricht – Revue suisse de l’enseignement professionnel 38, cahier 8, 60-63 ».

L’expérience a probablement été de courte durée et nous n’avons identifié aucun objet susceptible d’en témoigner (voir aussi l’article «Les poteries de Renens und Chavannes-près-Renens»).

Céramiques de Bendicht Loder-Walder et Nora Gross à l’exposition de Noël du Musée des arts décoratifs de Berne en 1907 (rapport annuel de 1907 du Musée cantonal des arts décoratifs de Berne).

Le décès de Bendicht Loder-Walder en novembre 1909 n’entraîne pas la fin de la production des formes et des décors conçus par Nora Gross, puisque l’atelier a continué d’exister et que les mêmes peintres sur céramique ont probablement continuer à y travailler. Une exposition organisée en 1911 au Kunsthaus – Maison des Arts de Zurich par la Société des peintres et sculpteurs suisses pourrait en effet constituer un indice dans ce sens. Les céramiques de Nora Gross exposées ont été décrites par Albert Baur, alors rédacteur en chef de la revue Wissen und Leben – Connaissances et Vie (Schweizer Monatsschrift für allgemeine Kultur – Revue mensuelle suisse de culture générale, vol. 8, 1911, 160), comme étant des « œuvres céramiques particulièrement intéressantes ». La NZZNouvelle Gazette Zurichoise a également rendu compte de cette exposition en faisant référence à leur fabrication par Loder-Walder (9.4.1911, 20.4.1911, 29.4.1911). L’hypothèse d’une production qui continue sans interruption est également confortée par des remarques de Paul Wyss enseignant à l’Ecole des arts et métiers de Berne (1914, 150). Lors de l’exposition nationale de 1914 qui se tient à Berne, quelques pièces de Loder-Walder, réalisées d’après des dessins de Nora Gross, ont été présentées dans le 23ème groupe : céramique et verrerie. Une remarque figurant dans la liste des exposants prouve que les esquisses de Nora Gross pour des réalisations de céramiques ont toujours continuer à être exécutées par des finisseuses (peintre sur céramiques) de l’atelier Loder-Walder. Il est intéressant de noter que la nouvelle collection de Loder-Walder était alors encore désignée sous le terme de majoliques: « Gebrüder Loder, Töpferei, Heimberg. Fabrikation von Majolika unter künstlerischer Mitarbeit von Frau Nora Gross, Lausanne. Anfertigung nach Entwürfen in prompter Ausführung –  Les frères Loder, poterie, Heimberg. Fabrication de majoliques avec la collaboration artistique de Madame Nora Gross, Lausanne. Réalisations d’après dessins et exécution rapide ». (d’après la citations in Messerli 2009, 70). Le rapport technique de l’exposition nationale (volume VI du groupe 23, p. 73) est relativement critique à ce sujet : « Gebrüder Loder, Heimberg, brachten Töpfereien nach Entwurf von Frau Nora Gross, Lausanne. Es begegnete uns wenig Neues, das Meiste war uns bekannt von früheren, von der Künstlerin veranstalteten kleineren kunstgewerblichen Ausstellungen – Les frères Loder, de Heimberg, ont apporté des poteries exécutées d’après les dessins de Madame Nora Gross, Lausanne. Nous n’y avons malheureusement découvert que peu de nouveautés, la plupart de ces réalisations nous étant déjà connues par le biais de petites expositions d’arts appliqués organisées par l’artiste ».

En avril 1911, le Musée Industriel de Fribourg organise une exposition-vente de Nora Gross et des « Potiers de Langnau », ces derniers n’étant pas précisés. Elle est largement commentée par Hélène de Diesbach dans le journal La Liberté du 11 avril 1911. Pendant l’exposition, Georges Clément vend les céramiques de Nora Gross dans son magasin au 10 Grand’Rue à Fribourg et met en avant, dans ses publicités, le grand choix de vases (La Liberté 12.4.1911, 14.4.1911). L’exposition a duré jusqu’en octobre de la même année (La Liberté 31 août 1911).

Nora Gross participe également à l’exposition « L’art domestique » de 1911 du Musée Rath à Genève (Ball-Spiess 1987, 152 ; Michelle Biéler, Wissen und Leben, vol. 9, 1911, 422-423). Le 31 octobre 1911, elle est co-fondatrice de la Société d’art domestique (Feuille officielle suisse du commerc FOSC 29, n° 299, 2012).

En décembre 1912, Nora Gross exposa ses poteries à la librairie lausannoise du Petit-Chêne: entre deux et trois cents pièces, «pas deux de pareilles […] L’ingénieuse potière a d’inépuisables provisions de formes et de décors. [Des pots qui] frisent le japonais, l’égyptien, le persan, l’étrusque, le vieux-suisse, tour à tour, sans perdre leur petit signe particulier qui est la marque N. G. C’est le jardin de la variété, et de la couleur aussi. Rouges, brûlé, indien, fraise, cerise, tuile, vermillon; verts, renouveau, pomme, pistache, mousse, olive, émeraude […]» (Gazette de Lausanne du 31 décembre 1912, 5; Ball-Spiess 1987, 152). À lire ce descriptif enthousiaste, on se rend compte que la palette céramique de Gross est loin d’être circonscrite.

Céramiques conçues par Nora Gross et fabriquées à Heimberg (Anner 1916, planche 39). Qui a travaillé à Heimberg pour Nora Gross après la mort de Bendicht Loder-Walder en 1909 ? Est-ce que toutes ces céramiques ont alors été conçues par Christian Frank-Jenni (voir ci-dessous) ?

En 1916, Nora Gross, ainsi qu’Elisabeth Eberhardt (de Lenzbourg, canton d’Argovie), Anna Müller (de Grosshöchstetten, canton de Berne), Frieda Lauterburg (de Langnau im Emmental, canton de Berne) et Elisabeth Gött-Strasser (de Munich, Allemagne), figurait parmi les céramistes remarquables qui ont été mentionnées dans le livre « Die kunstgewerbliche Arbeit der Frau in der Schweiz  – L’artisanat d’art des femmes en Suisse » (Anner 1916).

Dans les années 1916-1918, Nora Gross expérimenta un autre support céramique, la faïence fine industrielle, en fournissant formes et décors à la Manufacture de poteries fines de Nyon, dirigée par Jules Michaud jusqu’en 1917, puis par son fils Louis (Pelichet 1985/2, 36). Cette nouvelle variété de produits fut présentée dans le cadre de l’exposition itinérante organisée par L’Œuvre sur le thème des Arts du feu en 1916, où l’on pouvait admirer un service en noir et blanc, des boîtes à thé, des bols et des bonbonnières (Gazette de Lausanne du 27 mai 1916, 3 – Les arts du feu 1916, cat. No 141-145).

Fotos de l’exposition à Galeries Léopold-Robert, Neuchâtel:

Foto – céramiques de Nora Gross, Foto, Foto, Foto, Foto

Dans le cadre d’un compte rendu de l’Exposition d’intérieurs ouvriers, également organisée par L’Œuvre, à Lausanne en 1918, le chroniqueur – qui n’est autre que Paul Perret, le futur époux de Nora Gross – mentionne «un service de table et un service à café, décor noir et blanc, composés par Mme Nora Gross et exécutés par la poterie Michaud à Nyon, bel exemple de ce que peut donner la collaboration bien comprise de l’art et de l’industrie» (Tribune de Lausanne du 3 décembre 1918, 2).

Nora Gross et poteries de la Manufacture de poteries fines de Nyon, dirigée par Jules Michaud.

Les seuls exemples de ce type répertoriés à ce jour dans une collection publique se trouvent au Musée historique de Lausanne: trois bonbonnières (MHL No 13; MHL No 11), deux boîtes (MHL No 15; MHL No 16), un petit vase (MHL No 27) et une boîte cylindrique datée de 1916 (MHL No 24). Toutes ces pièces portent une marque peinte «N. G.».

En 1916, Nora Gross sera appelée à collaborer brièvement avec l’École suisse de céramique de Chavannes-près-Renens: un entrefilet paru dans la Feuille d’avis de Lausanne du 10 juin 1916 signale en effet sa nomination par le Conseil d’État en qualité de maîtresse de dessin (p. 23).

Le Musée historique de Lausanne est également la seule institution publique à conserver des exemples d’une autre collaboration de l’artiste lausannoise dans le registre de la terre cuite engobée, cinq pièces présentant une marque gravée «Nora Gross – C. F. J.» accompagnée d’un numéro de modèle gravé (MHL No 19; MHL No 20; MHL No 21; MHL No 22; MHL No 23). Daniela Ball a identifié cet atelier comme étant la poterie de Christian Frank-Jenni à Steffisburg. Christian Frank (1865-1950), descendant d’une lignée de potiers établis à Steffisburg depuis le début du XIXe siècle, exploitait une poterie sur l’Untere Bernstrasse avec son épouse Bertha, née Jenni (1864-1946) (Buchs 1988, 98).

À ce jour, cette collaboration n’est attestée que par les quelques spécimens du MHL. Ball situe le début de cette production vers 1918 (Ball 1987, 114). Les anciens inventaires du MHL signalent une pièce – que nous n’avons pas retrouvée – portant le numéro d’inventaire 885 et une marque «C. F. J.», acquise par le Musée d’art décoratif en 1919.

En 1918, des céramiques conçues par Nora Gross sont présentées dans la section des arts décoratifs à l’Exposition suisse du design (Werkbund) de Zurich (Das Werk – L’Œuvre 5, 1918, numéro 8, ill. p. 127, aussi : Die Schweiz, schweizerische illustrierte Zeitschrift – La Suisse, Journal suisse illustré 22, 1918, 394), mais nous ne savons pas qui les a produites.  Après 1918/1920, il semble qu’elle se soit à nouveau impliquée de plus en plus dans d’autres techniques des arts décoratifs, comme l’aquarelle ou l’impression sur textile (liste des expositions 1919-1924 Ball-Spiess 1987, 152-153), mais sa participation en 1921 à l’exposition de céramiques de la Galerie d’art Wolfsberg dans la Bederstrasse à Zurich (Das Werk – L’Œuvre 8, 1921, vol. 4, XVIII) est attestée.

En 1922, elle participe avec 46 objets à la 1ère Exposition nationale d’art appliqué organisée par L’Œuvre à Lausanne, un événement majeur dont elle fut l’une des chevilles ouvrières (cat. n° 138-169). Daniela Ball estime que ces céramiques furent réalisées dans les ateliers de l’École suisse de céramique de Chavannes-près-Renens, canton de Vaud, grâce aux contacts noués avec les responsables de l’établissement (Ball 1988, 125).  En 1923, une autre petite exposition de L’Œuvre et du Werkbund a suivi, comprenant des céramiques de Nora Gross à Lausanne (Das Werk– L’Œuvre 10, numéro 11, XVI). Le Musée Ariana conserve une bonbonnière acquise lors de l’exposition de 1922 (inv. C 0797 – Ball 1988, cat. No 28) et un vase couvert commandé dans le même contexte, mais livré l’année suivante (inv. C 0800 – Ball 1988, cat. No 29). Ces deux exemples portent une marque gravée «nora Gross» flanquée d’un numéro de modèle.

Le Musée historique de Lausanne compte dans son corpus une autre bonbonnière relevant de cette veine, dont la marque est strictement identique à celle de la bonbonnière de l’Ariana (MHL No 12).

Toujours en 1923, elle est représentée par des céramiques à l’Exposition de la Société suisse des femmes peintres et sculpteurs à Genève (Le mouvement féministe :  Organe officiel des publications de l’Alliance nationale des sociétés féminines suisses 11, 1923, 39).

Traduction Pierre-Yves Tribolet

Bibliographie : 

Anner 1916
Franziska Anner, Die kunstgewerbliche Arbeit der Frau in der Schweiz, Chur 1916.

Ball-Spiess 1987
Daniela Ball, “Wie ist das Kunstgewerbe in der Schweiz zu heben und zu pflegen?” Der Beitrag von Nora Gross (1871–1929) zur ästhetischen Erziehung. Dissertation,  Phil.-Hist.-Fakultät Universität Basel. Dissertationsdruck Bern 1987.

Ball 1988
Daniela Ball, Nora Gross (1871-1929). Genava 36, 117-135.

Barten 1998
Sigrid Barten, Nora Gross, in: Cerâmica da Suìça do Renascimento aos nossos dias. Ceramics from Switzerland from Renaissance until the Present. Museu Nacional do Azulejo, Lissabon 1998, 141-146.

Buchs 1988
Hermann Buchs, Vom Heimberger Geschirr zur Thuner Majolika. Thun 1988.

Les arts du feu 1916
Exposition des arts du feu. Verrerie, céramique, émaux, vitraux, mosaïque. Cat. d’exposition, Genève/La Chaux-de-Fonds/Neuchâtel/Zurich/Lausanne 1916.

Messerli Bolliger 1991
Barbara E. Messerli Bolliger, Der dekorative Entwurf in der Schweizer Keramik im 19. Jahrhundert. Zwei Beispiele: Das Töpfereigebiet Heimberg-Steffisburg-Thun und die Tonwarenfabrik Ziegler in Schaffhausen. Keramik-Freunde der Schweiz, Mitteilungsblatt 106, 1991, 7-100.

Pelichet 1985/2
Edgar Pelichet, Les charmantes faïences de Nyon. Nyon 1985.