Compagnons étrangers dans le canton de Berne (au sens d’un autre canton ou pays)

Emplacements des poteries dans le canton de Berne sur la base de documents d’archives. Bleu : documents d’archives du 18ème siècle ; Rouge : Registres du contrôle de l’habitant de 1798 ; Vert : Registres du contrôle de l’immigration et divers documents d’archives du 19ème siècle.

Andreas Kistler, Andreas Heege, 2021

Le canton de Berne dispose d’une source d’information officielle, bien qu’inhabituelle, sur la pratique artisanale sous la forme des registres du contrôle des étrangers tels qu’établis par les fonctionnaires en charge. Bien que la totalité des listes de contrôle n’ait pas été systématiquement conservée dans toutes les administrations communales, elles nous mettent cependant à disposition des informations fondamentales sur l’artisanat de la poterie dans le canton de Berne au 19ème siècle. Entre 1810 et 1908, tous les compagnons, donc également les compagnons potiers, qui arrivaient d’un autre canton ou pays et qui trouvaient du travail dans le canton de Berne devaient être déclarés, en indiquant le lieu de travail et le nom du potier qui les employait, la durée du travail convenue ainsi que le nom et le lieu d’origine du compagnon. Ainsi, nous disposons maintenant d’une liste des ateliers de poterie (voir les points verts de la cartographie ci-dessus) qui pouvaient se permettre d’employer un compagnon au 19ème siècle. En outre, nous avons également une vue globale sur les cantons, largement majoritaire, surtout pour l’Argovie et, dans une moindre mesure, Saint-Gall, ou les États fédéraux d’Autriche, principalement du Voralberg, ou d’Allemagne, notamment de la Bavière et du Bade-Wurtemberg, mais également d’Alsace, de Bourgogne, de Bohème, de Tchéquie, pour ne citer que les principaux lieux d’où ont émigré les compagnons. La migration des compagnons a été le moteur des changements technologiques et décoratifs au 19ème siècle et a contribué de manière significative à l’émergence et à la diffusion des céramiques « à la manière de Heimberg » et à celles dites de « Thoune ».

Liste des potiers bernois qui ont fait travailler au 19ème siècle des compagnons « étrangers » (qui venaient d’un lieu situé hors du canton de Berne) (données d’Andreas Kistler selon les archives du Registre du contrôle des étrangers des Archives cantonales bernoises).

Liste par ordre alphabétique des compagnons étrangers (qui venaient d’un lieu situé hors du canton de Berne) (données d’Andreas Kistler selon les archives du Registre du contrôle des étrangers des Archives cantonales bernoises).

Liste selon la provenance (pays, canton, lieu) des compagnons étrangers (qui venaient d’un lieu situé hors du canton de Berne) (données d’Andreas Kistler selon les archives du Registre du contrôle des étrangers des Archives cantonales bernoises).

A Heimberg, l’afflux de compagnons suisses, mais aussi allemands, se poursuit sans relâche après 1800. Entre 1810 et 1908, dans les deux districts concernés de Thoune et de Konolfingen, les registres du travail (on dirait actuellement la déclaration d’activité lucrative) font état de 401 compagnons originaires de Suisse (y compris du canton de Berne), 229 d’Allemagne, 19 de France (Alsace), 7 d’Autriche et un des Pays-Bas et de Hongrie (Registres du contrôle des étrangers des Archives cantonales bernoises).

Parmi les compagnons d’Allemagne, ceux du Bade et du Wurtemberg dominent loin devant ceux de Bavière, de Hesse, de Nassau, de Prusse ou de Saxe. Parmi les compagnons suisses, nombreux sont ceux qui viennent des cantons d’Argovie (surtout de Rekingen), de Bâle (Läufelfingen), de Lucerne (Malters, Meggen), de Saint-Gall (Berneck et ses environs – Altstätten, Au, Balgach, Eichberg, Lüchingen, Marbach ainsi que Rapperswil et la ville de Saint-Gall), de Schaffhouse (Beggingen, Neunkirch, Ober- und Unterhallau, Thayngen et Wilchingen), de Thurgovie (Berlingen, Steckborn), du canton de Vaud (Duillier, Poliez-Pittet) et de Zurich (Bülach, Dällikon, Rafz, Schauenberg, Unterstammheim, Wädenswil et la ville de Zurich). Tous ces compagnons ont ensuite ramené la connaissance des céramiques « à la manière de Heimberg » (tant sur les plans techniques que sur les motifs décoratifs) dans leurs communautés d’origine et, par conséquent, ont contribué à ce qu’elle se répande largement.

Comme les registres du contrôle des étrangers sont probablement corrects, contrairement aux chiffres disponibles jusqu’ici dans la littérature (Schwab 1921, 85 ; « 80 compagnons dans les années 1850 »), on peut affirmer qu’il n’existe aucune preuve de plus de 27 inscriptions de compagnons étrangers (maximum absolu) dans la région de Heimberg-Steffisbourg au cours d’une quelconque année entre 1809 et 1908. Pour corroborer les chiffres de Schwab, il faudrait donc qu’une cinquantaine de compagnons bernois, en plus des compagnons étrangers, aient été engagés au cours d’une année. On ne relève pas plus de dix nouvelles inscriptions de compagnons étrangers par an dans les  registres du travail (voir ci-dessus) lors les années les plus productives de l’activité commerciale à Heimberg entre 1843 et 1866. Après cette période, les chiffres tombent en dessous de dix et fluctuent entre un et trois compagnons étrangers par an entre 1880 et 1908. Les conflits avec les compagnons allemands qui auraient eu lieu au début des années 1860, tels que rapportés par Schwab, (Schwab 1921, 81) trouvent cependant une confirmation évidente dans le nombre soutenu des nouveaux enregistrements de compagnons étrangers au cours de ces années. Alors qu’en 1863, respectivement en 1864, neuf, respectivement huit, compagnons allemands, ont été enregistrés pour la région de Heimberg, ce nombre est tombé à trois en 1865, deux en 1866, un en 1867, puis, finalement, aucun compagnon allemand en 1868. Pendant la période suivante de douze ans, entre 1869 et 1881, seuls onze compagnons allemands apparaissent dans les registres. Toutefois, il ne faut pas oublier que durant cette période, l’activité commerciale de la poterie à Heimberg traversait à la fois une crise fondamentale et une profonde restructuration, confirmée par le nombre de compagnons suisses alors engagés, qui a également fortement diminué pendant la même période.

Allemand : Geselle

Anglais : Journeymen

Traduction Pierre-Yves Tribolet

Bibliographie:

Schwab 1921
Fernand Schwab, Beitrag zur Geschichte der bernischen Geschirrindustrie (Schweizer Industrie- und Handelsstudien 7), Weinfelden/Konstanz 1921.