Andreas Heege avec le soutien de Guido Stutz, 2023
Céramiques de la Fabrique de poterie Dünner dans CERAMICA CH
Nous ne disposons que de très peu d’informations sur la poterie d’Otto Dünner à Kradolf-Schönenberg, village comptant actuellement quelques 3 000 habitant, situé à environ 75 km à l’est de Zurich, dans le district de Bischofszell du canton de Thurgovie. Il n’existe pas encore d’analyse fouillée plus fondamentale sur l’histoire de l’entreprise s’appuyant sur des documents d’archives. Guido Stutz, de Kradolf-Schönenberg, a recueilli sur place les informations les plus importantes.
Dans la première moitié du 19ème siècle, le potier Wilhelm Kesselring ne fabriquait que des carreaux céramiques et des cruches en terre cuite décorés de simples ornements. Il était situé dans la Kantonsstrasse (rue cantonale – rue principale), sur le site de la future fabrique de poterie. Il dirigeait également une exploitation agricole juste à côté (l’actuelle ferme Altwegg – du vieux chemin). Dans le répertoires des adresses de 1862, il est mentionné sous le nom de « Wilh. Kesselring, potier ». En 1891, Kesselring engagea Otto Dünner comme « garçon de ferme » et lui enseigna les connaissances nécessaires à l’agriculture et à la poterie.
Otto Dünner, dates de naissance et de décès inconnues, photographe inconnu, date de prise de vue inconnue.
Comme le fils de Kesselring, Albert, ne montrait pas un grand intérêt pour la poterie, Otto Dünner a pu reprendre l’entreprise de son patron en 1904 après 13 ans de service et fonder sa propre entreprise (Dictionnaire historique de la Suisse). L’entreprise a été en activité jusqu’en 1999.
La Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) nous donne les informations suivantes sur l’entreprise :
9 novembre 1909, inscription de la société Otto Dünner-Haag dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC 27, 1909, p. 1912).
En juillet 1909, Otto Dünner cherchait des collaborateurs et un malaxeur d’argile en bon état :
7 août 1909, annonce d’emploi dans le journal « Der Grütlianer – Le Grütli ».
Du personnel supplémentaire a été recruté en 1911 :
21 avril 1911, offre d’emploi dans le journal« Der Grütlianer – Le Grütli ».
Le 23 novembre 1933, une catastrophe s’abat sur l’entreprise. Le dommage causé à la Fabrique, partiellement non assurée, par ce « grand incendie », est total, car l’ensemble du bâtiment de production a brûlé. La catastrophe a été relatée dans de nombreux quotidiens suisses, francophones et germanophones.
A gauche : 24 novembre 1933, La NZZ – La Nouvelle gazette de Zurich ; à droite : Le journal Walliser Bote – Le Messager du Valais du 29 novembre 1933.
On ignore combien de temps a pris la reconstruction de la fabrique. Avant l’arrêt de la production, l’entreprise était située à la Hauptstrasse – Rue Centrale 29 de Kradolf-Schönenberg.
Il est possible que le financement de la reconstruction se soit avéré difficile, raison pour laquelle de l’argent frais a été injecté dans l’entreprise en décembre 1938 par la transformation de sa raison sociale en société anonyme. Le 20 décembre 1938, la société Tonwarenfabrik Dünner AG – Fabrique de poteries Dünner SA , a été inscrite dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC 56, 1938, p. 2739).
La nouvelle société anonyme a repris tous les actifs et les passifs de l’entreprise précédente. Otto Dünner reçoit un tiers du nouveau capital-actions en tant que Directeur, responsable de l’entreprise. Comme le propriétaire de la fabrique de céramique, Ernst Bodmer-Huber de Zurich-Wiedikon (Bodmer-Huber/Messerli-Bolliger 1986) devient alors membre du Conseil d’administration, nous pouvons supposer qu’il participa également financièrement à la nouvelle SA. C’est sûrement la raison pour laquelle de nombreuses listes de prix, de photos et de catalogues de marchandises datant de la période entre 1939 et 1950 environ se trouvent dans les archives de l’entreprise Bodmer (Archives municipales de Zurich, StAZH_VII-174). Cela nous permet de nous faire une première idée de l’assortiment que produisait la Fabrique de poteries Dünner SA en ce temps-là.
Cette année-là, la Fabrique de poteries Dünner SA était également présente pour la première fois à la Foire d’échantillons de Bâle. Au début, l’éventail de l’offre était encore très modeste et peu diversifié.
Liste de prix (1), non datée, vers 1940-1950 (pdf)
Liste de prix (2), non datée, vers 1940-1950 (pdf)
Four à sole mobile, image tirée d’un catalogue de l’époque, juste avant 1950.
La bonne marche des affaires permet alors la construction de deux nouveaux fours, chauffés électriquement, qui ont ensuite été équipés de chariots à sole mobiles, de sorte qu’il était plus facile de remplir les fours.
Carte publicitaire, non datée, vers 1940-1945 (pdf).
Carte publicitaire, 1941 (pdf).
Le catalogue de 1941 montre le début d’une orientation marketing de la Fabrique de céramique vers l’économie intérieure nationale suisse en raison de la guerre qui ne permet plus les exportations et constitue, à ce titre notamment, un important témoin de cette époque.
Catalogue et liste de prix 1941 (pdf).
Les produits de la Fabrique de poteries Dünner SA étaient régulièrement présentés à la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA) en collaboration avec la société Bodmer, comme ici, en 1942. A cette occasion, l’ancienne liste de prix fut amendée avec des majorations de prix dues à la guerre.
Catalogue et liste de prix 1942 (pdf).
Il n’y a plus de photographies dans la liste de prix de 1943. Les formes des récipients produits sont maintenant présentés sous forme de dessin au trait.
Catalogue et liste de prix 1943 (pdf).
Carte publicitaire 1944 (pdf).
En 1945, le catalogue de la société Dünner, inchangé depuis 1941, paraît pour la dernière fois.
Catalogue et liste de prix 1945 (pdf).
Une photographie du stand de la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA) de 1946 a été conservée. Elle montre la production et les décors de cette année-là.
En 1947/1948, un nouveau catalogue est publié avec une liste de prix, mais l’éventail de production correspond à celui de la MUBA de 1946.
Catalogue et liste de prix 1947/1948 (pdf).
Vers 1950, les produits de la Fabrique de poteries Dünner SA figurent également dans une brochure promotionnelle de la société Bodmer et Cie.
Brochure illustrée, non datée, vers 1950.
Vers 1950, une liste de prix a été publiée pour la dernière fois en rapport avec Bodmer & Cie. Dans le contenu, nous voyons, entre autre, un employé au travail, utilisant des moules en plâtre posés sur un tour. La fabrique de céramique fabriquait donc déjà une partie de ses produits de manière partiellement mécanisée.
Catalogue, non daté, vers 1950 (pdf).
Liste de prix, non datée, vers 1950 (pdf).
Mme Elsy Lang , une artiste talentueuse, a également décoré à la main des commandes plus importantes.
En 1950, il y a eu un nouveau changement relatifs aux propriétaires de la Fabrique, bien que cela ne soit pas totalement clair dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC 68, 1950, p. 2231) :
De facto, cette information signifie toutefois le rachat de la Fabrique de poterie Dünner SA par l’industriel Emil Rössler d’Ersigen dans l’Emmental (chronique de l’entreprise Rössler 1978), qui, par ailleurs, a également acheté la Fabrique de céramique de Matzendorf-Aedermannsdorf, dans le canton de Soleure, en 1960.
Paul et Meta Dürig-Weiss. Paul a dirigé l’entreprise et Meta a travaillé pendant 41 ans dans les services administratifs de l’entreprise mais, si c’était nécessaire, a également pu se rendre utile à la production.
Paul Dürig est alors devenu directeur. À partir de ce moment-là, les constructions d’annexes, de transformations et de nouveaux bâtiments se sont succédés.
Un nouveau four industriel a permis d’augmenter le rendement lors de la cuisson des produits de masse. Il permettait de cuire jusqu’à 20 000 pots de fleurs par jour.
À partir des années 1950, la concurrence croissante sur le marché de la céramique a conduit la société vers une production de masse. L’entreprise, alors entièrement automatisée, produisait des bacs à fleurs, des pots de fleurs, des bols, mais également des tamis industriels. Dans les années 60, ces tamis céramiques constituaient un élément très prisé des fonderies, nécessaire à la bonne marche de leur production. Parmi les clients, on comptait pratiquement toutes les fonderies de Suisse, mais ces produits ont également pu être livrés en Autriche et en Belgique. (Production annuelle d’environ 1,5 million de pièces).
En 1960 et 1964, le capital-actions a été considérablement augmenté (FOSC 78, 1960, p. 3129 ; FOSC 82, 1964, p. 3077).
En 1964, les clients de la société céramique Thayngen de Schaffhouse, fondée en 1834, alors en liquidation judiciaire, ont pu être repris. Une autre fermeture d’entreprise en 1985, celle de l’entreprise Heinrich Ganz à Freienstein, dans le canton de Zurich, a apporté de nouveaux clients.
En 1967, la Fabrique de poterie Dünner SA produit environ 4,5 millions de pots de fleurs, ce qui représente environ le quart de la production annuelle en Suisse.
En 1969, nous trouvons pour la première fois les propriétaires de Rössler SA, Emil et Willy Rössler, les fils du fondateur de l’entreprise, présents en tant que membres du conseil d’administration (FOSC 87, 1969, p. 1177). En 1978, 20 personnes étaient employées à Kradolf (chronique de l’entreprise Rössler 1978).
En 1992, Paul Dürig, junior, ingénieur en céramique, reprend la direction technique de l’entreprise, où il travaillait depuis plus de 20 ans. Sept ans plus tard, la société de Kradolf a dû abandonner la lutte contre la concurrence étrangère. De temps en temps, elle avait réussi à offrir des emplois jusqu’à 30 personnes. La demande en radiation de l’entreprise n’a en tout cas été déposée que le 03 avril 2018 par l’assemblée générale. La radiation du registre du commerce suisse a ensuite eu lieu le 05 mars 2020.
Malgré les prospectus énumérés ci-dessus et les quelques céramiques décorées ou marquées de manière caractéristique par la Fabrique de poterie Dünner SA, nous ne sommes pas suffisamment informés sur les produits de l’entreprise. Nous savons cependant qu’elle produisait des cruches (service pour le cidre), des tasses, des pots, des vases et des figurines décorés à la main ou à l’aide d’une technique de gravure particulière. On fabriquait également des pots de fleurs et des céramiques de jardin.
Les pots à anse double ont-ils remplacé, à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, les importations difficiles ou impossibles de pots de conservation en grès similaires du « type Westerwald » d’Alsace française ou du Westerwald allemand ?
Remerciements
Je remercie Guido Stutz et les archives de la ville de Zurich, qui conservent de nombreux catalogues et prospectus d’entreprise dans le fonds de la Fabrique de poterie Bodmer & Cie (StAZH_VII-174) pour leur aide et la communication de ces informations.
Bibliographie :
Bodmer-Huber/Messerli-Bolliger 1986
Ernst Bodmer-Huber/Barbara E. Messerli-Bolliger, Die Tonwarenfabrik Bodmer in Zürich-Wiedikon Geschichte, Produktion, Firmeninhaber, Entwerfer, in: Keramikfreunde der Schweiz, Mitteilungsblatt, 101. Jahrgang, 1986, 1-60.
Stutz 2022
Guido Stutz, Kradolf in Geschichte und Geschichten. Kradolf-Schönenberg 2022.