Lucerne, Musée historique

Musée historique de Lucerne
Pfistergasse 24
6003 Luzern
Telefon +41 41 228 54 24

Céramiques du Musée historique de Lucerne dans CERAMICA CH

Jusqu’à ce jour, le Musée historique de Lucerne n’a pas fait l’objet d’un inventaire complet. Seul le fonds comprenant la « céramique lucernoise » de la collection Rochat (inventaire HMLU 11732.001-11732.806) et celle du legs de la Céramique artistique, Lucerne S.A., qui a appartenu à Margret Loder, Ebikon, canton de Lucerne (HMLU inv. 13865.001-13865.570) a été documenté et fait ainsi exception.

La collection de céramiques lucernoises de Hans Rochat appartient au Musée historique de Lucerne depuis le 28 novembre 2003, suite à un don des Amis du Musée Historique de Lucerne. Hans Rochat (né en décembre 1937 – ) à Lucerne, est typographe de formation. Il a, en outre, longtemps travaillé en équipe en tant que correcteur d’allemand et de français, le plus souvent pour le journal Luzerner Neuesten Nachrichten. Pendant son temps libre, il fréquente les marchés aux puces et les brocantes de toute la Suisse et collectionne les objets les plus divers : argent, étain, pièces de monnaie, décors de carnaval, mais avant tout les sucriers et la porcelaine de Langenthal (voir Rochat 1986 ; Schumacher/Quintero 2012, 118-122) ainsi que la céramique lucernoise. Plusieurs musées suisses, dont le Musée Ariana à Genève et le Musée national suisse à Zurich, doivent à sa ferveur de collectionneur d’importants compléments à leurs collections, car il a toujours fait don ou vendu des pièces importantes de sa collection à ces institutions.

Hans Rochat n’était pas seulement un membre actif des Amis suisses de la céramique, mais aussi, de 1987 à 2003, membre du comité directeur des Amis du Musée historique de Lucerne. Quoi de plus naturel donc que de s’intéresser de près aux objets de la production locale de céramiques à Lucerne, en particulier à la fabrique Céramique artistique, Lucerne S.A. d’Emil Loder-Schenk, fondée en 1925. Mais des pièces d’autres fabricants lucernois, comme par exemple celles de l’entreprise de céramique des frères Müller fondée en 1944, ont également rejoint sa collection, dont il a soigneusement tenu les comptes et établi des fiches avec des photos et toutes les informations pertinentes en sa possession. Celles-ci constituent la base de l’inventaire numérique et de la documentation qui viennent d’être réalisés pour CERAMICA CH. Selon les propres indications de Hans Rochat, la collection a été constituée entre 1982 et 2003. Les premières fiches datent du 21 mars 1982 et les dernières entrées du 5 juillet 2004. Après cette date, Hans Rochat a fortement réduit son activité de collectionneur.

Les objets réunis dans sa collection de céramiques lucernoises ont été acquis pour la plupart à Lucerne ou dans les environs immédiats de la ville, sur des marchés aux puces, dans des bazars ou des brocantes. Très peu de pièces proviennent de brocanteurs, de marchands d’objets anciens ou d’antiquaires et encore moins de marchés aux puces ou de bourses de collectionneurs situés hors du canton de Lucerne. Cette présence plutôt rare en dehors du canton de Lucerne est surprenante, car les principaux débouchés de la céramique lucernoise étaient, jusqu’en 1974, la foire d’échantillons de Bâle (MUBA, année de fondation 1917) et plus tard (à l’époque de Franz Loder et Margret Loder-Rettenmund) les foires biannuelles Ornaris à Berne et Zurich (année de fondation 1973). Compte tenu de l’existence d’un magasin de vente au centre-ville de Lucerne , mais aussi de la vente du deuxième choix directement à l’atelier d’Ebikon, ainsi que de la vente de leurs produits par des grands magasins d’ameublement américains via un intermédiaire zurichois jusque dans les années 1970, on devrait s’attendre à ce que des céramiques de la fabrique Céramique artistique, Lucerne S.A., soient également entre les mains de nombreux clients de passage dans cette ville touristique ainsi qu’entre celles de clients américains.

Hans Rochat n’a pas acheté systématiquement toutes les céramiques produites par l’entrepris Céramique artistique, Lucerne S.A que les marchés aux puces et les brocantes proposaient. Selon ses propres dires (interview avec Andreas Heege du 3 mars 2020), il a fait un choix tout à fait conscient. Le premier critère de sélection était la « qualité ». Il était extrêmement important pour lui que les pièces soient si possible dans l’état dans lequel elles se trouvaient à leurs sortie d’usine, c’est-à-dire complètes, intactes, ni usées, ni frottées, ni altérées d’une quelconque manière. Le deuxième critère était la « beauté », tant de leur  forme que celle de leur  décor. Cela a probablement eu pour conséquence que tous les décors qui ont été fabriqués n’ont pas été collectés de manière uniforme. Un autre critère essentiel était celui de « la certitude de l’attribution », c’est-à-dire que presque la totalité des objets qu’il a acheté sont des pièces marquées ou clairement signées. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les céramiques de Margret Loder-Rettenmund, qui travaillait dans l’entreprise depuis 1954 et était mariée à Franz Loder depuis 1957, manquent presque totalement. Selon ses propres dires, elle ne signait pratiquement jamais ses pièces. De même, les figures d’animaux ou les sculptures d’Emil Loder ou d’après des projets d’autres artistes lucernois, que l’on connait par des photos de l’entreprise et par celles de leur stand à la MUBA, n’ont pas été collectées (Hans Rochat a toutefois vendu un nu féminin au Musée national suisse, SNM LM-117524). On ne sait pas si cela est dû à une signature absente ou si de telles pièces n’étaient effectivement pas sur le marché pendant toutes ces années de collecte.

La taille des objets a également joué un rôle. Hans Rochat essayait généralement d’éviter les objets surdimensionnés, ce qui signifie que les grands vases, tels que ceux fabriqués par Emil et Franz Loder, sont plutôt sous-représentés dans la collection. En outre, il essayait de ne pas acheter de pièces à double, ce qui n’était pas toujours possible. Si la forme du récipient était identique, le décor devait au moins être différent. Hans Rochat prenait un plaisir particulier aux céramiques fabriquées pour des associations ou pour des événements locaux ou régionaux particuliers (fêtes, fêtes de tir, manifestations sportives, anniversaires et cérémonies de jubilé, etc.). Généralement datées, elles constituent donc une part importante de la collection.

En outre, il existe un autre critère qui influence la représentativité de la collection par rapport à la production réelle ; production réelle que nous connaissons grâce aux photos d’entreprise et à celles du stand de la MUBA ainsi que par la propre collection de Margret Loder constituées par les céramiques produites par son entreprise. Ce critère est le suivant : après la production et une période d’utilisation ou de conservation, il s’écoule un certain temps, difficile à préciser, avant que certaines céramiques ne se retrouvent sur le marché aux puces ou dans une brocante. Il semble toutefois que cette période s’étende souvent sur au moins une ou deux générations, c’est-à-dire entre 30 et 50 ans. Après cette période, la génération des enfants ou des petits-enfants liquide les logements des parents ou des grands-parents. Sur une période de collecte allant de 1982 à 2004, cela signifierait que la collection devrait surtout comporter des pièces antérieures à 1970, voire même à 1960. Et c’est effectivement le cas, avec une prédominance de céramiques datant des années 1940 jusqu’au début des années 1960 (comme par exemple les nombreuses pièces du décor Beromünster). Inversement, cela signifie que les pièces des années 1920 à 1940 devraient être présentes en plus petite quantité, car leur réintroduction sur le marché des antiquités ou de la brocante aurait déjà eu lieu entre 1940/50 et 1970/80, à une époque où Hans Rochat ne collectionnait pas encore la céramique lucernoise. C’est donc par un grand coup de chance que la collection comprenne malgré tout une importante part de céramiques de cette époque. Cette part est d’une telle qualité, qu’elle permet en outre une classification chronologique des différentes marques d’entreprise de la période de production 1925 à 1940, constituant ainsi le reflet l’activité très intense de collectionneur qui fut celle de Hans Rochat.

La partie de la collection qui provient de Margret Loder à Ebikon, a été transférée en 2020/2021 au Musée historique de Lucerne sous la forme d’une donation. Dans un même temps, toutes les archives de l’entreprise Céramique artistique, Lucerne S.A encore disponibles ont été remises aux Archives d’Etat du canton de Lucerne. Elles sont maintenant répertoriés sous la cote PA 1421/1-112, PLA 202/1 – 51 et sont librement accessibles à des fins de recherche. La collection céramique comprend des reliquats d’objets qui se trouvaient encore dans le bâtiment de la fabrique, construit en 1948, lors de la dissolution de l’entreprise en 1996. On y trouve aussi bien des céramiques provenant de la salle des échantillons de l’entreprise que des objets qui, pour des raisons inconnues, n’ont pas été vendus ou se trouvaient ailleurs dans le bâtiment. Ces pièces ont été pré-inventoriées par Margret Loder et classées chronologiquement en fonction de sa collection personnelle de photos.

Ces deux provenances de la collection, celle de Hans Rochat d’une part et celle de Margret Loder, d’autre part, offrent aujourd’hui un aperçu complet de la production céramique à Lucerne, même si des photos du stand de la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA), qui a constitué le principal débouché commercial de 1925 à 1974, prouvent que la collection du Musée historique de Lucerne ne contient  pas toujours une pièce originale pour chaque forme et chaque décor produits. Néanmoins, la collection constitue un ensemble de référence unique pour l’évolution des formes et des décors dans la production céramique suisse du 20ème siècle. Elle va de la fin de l’historicisme au Heimatstil (esprit patriotique) des années 1930, en passant par l’Art nouveau tardif et l’Art déco, puis par l’ambiance du renouveau des années 1950, sous l’influence des écoles suisses de céramique, jusqu’aux céramiques utilitaires fabriquées à la main, presque toujours tournées sur le tour de potier et rarement coulées en petites séries, que l’on attribuerait plutôt à un « studio potter – potier artisan d’art» qu’à une production industrielle céramique de taille moyenne. Franz et Margret Loder, les deux céramistes de la deuxième génération, ont toujours considéré leur société Céramique artistique, Lucerne S.A., comme leur « atelier », une poterie, une entreprise artisanale et jamais comme une « usine de céramique », bien que l’entreprise ait parfois compté jusqu’à 30 employés.

La datation des céramiques inventoriées repose sur différents arguments qui, par manque d’espace,  ne peuvent pas être cités pour chaque pièce individuelle. La structure de base est constituée par l’histoire de l’entreprise en combinaison avec les céramiques datées par des inscriptions (notamment fêtes, fêtes de tir, manifestations sportives, anniversaires et cérémonies de jubilé, etc.). En combinaison avec les différentes marques estampées utilisées, cela a permis de tisser un réseau de datation relativement précis pour la période comprise entre 1925 et 1939. A partir de 1940 et jusqu’en 1955/1956 environ, les marques estampées ont été remplacées par des signatures au pinceau des peintres sur céramique. Ensuite, l’utilisation d’une marque de fabricant sur trois lignes « LUZERNER KERAMIK HANDARBEIT – CERAMIQUE DE LUCERNE – FAIT MAIN » et parfois des marques personnelles de Margret et Franz Loder ont suivi jusqu’en 1996. De plus, nous disposons, pour la période entre 1944 et 1974, d’une série presque complète, datée à l’année près, de photos du stand de la Céramique artistique, Lucerne S.A. à la MUBA. Celle-ci est complétée par une grande série de photos de produits datés, le plus souvent de mémoire, par Margret Loder entre 1952/1953 environ et 1996. On obtient ainsi des périodes de datation plus ou moins longues pour une forme de céramique ou un décor donné, mais parfois aussi des datations à l’année près pour un seul récipient.

Bibliographie:

Heege/Loder-Rettenmund/Kistler 2022
Andreas Heege, Margret Loder-Rettenmund und Andreas Kistler, Luzerner Keramik 1925–1996, Jahrbuch der Historischen Gesellschaft Luzern 40, 2022, 39-74.

Heege/Loder-Rettenmund/Kistler 2023
Andreas Heege/Margret Loder-Rettemnund/Andreas Kistler, Luzerner Keramik 1925–1996, Teil 1: Loder-Schenk, Luzern, Kunstkeramik (1925–1933) und Kunstkeramik A.G. Luzern (1933–1948), in: Keramik-Freunde der Schweiz Revue 137, 2023, 1-101.

Rochat 1986
Hans Rochat, « Langenthal » – Vom Jugendstil zum Art Deco, in: Keramikfreunde der Schweiz Bulletin 30, 1986, 11-16.

Schumacher/Quintero 2012
Anne-Claire Schumacher/Ana Quintero, La manufacture de Porcelaine de Langenthal, entre design industriel et vaisselle du dimanche – Die Porzellanmanufaktur Langenthal, zwischen Industriedesign und Sonntagsgeschirr, Milan 2012, bes. 118–122.