Lucerne-Ebikon, Kunstkeramik Luzern A.G – Céramique artistique, Lucerne S.A. (1925-1996)

Andreas Heege et Margret Loder, 2022

Céramique artistique, Lucerne dans CERAMICA CH

Tableaux des marques de la manufacture Céramique artistique, Lucerne S.A.

Histoire de l’entreprise – version résumée

17 février 1890 : Emil Loder (1890-1971) naît à Brenzikofen, dans le canton de Berne.

28 décembre 1900 : Après la mort de son père, Emil Loder, âgé de 10 ans, est placé, avec ses deux frères Ernst et Walter, chez son cousin Karl Loder-Eyer, potier à Steffisbourg, canton de Berne. Steffisbourg se trouve à 6 km au sud de Brenzikofen.

Atelier de Karl Loder-Eyer à Steffisbourg.

Travaux de l’école de poterie de Steffisbourg en 1907/1908.

10 mai 1906 : Emil Loder, âgé de 16 ans, commence un apprentissage chez Karl Loder-Eyer et fréquente, dès ce moment, la nouvelle l’Ecole de céramiques de Steffisbourg.

1909-1911 : Emil Loder est inscrit dans la classe de céramique de l’Ecole d’artisanat et d’arts appliqués de Berne, où il suit une formation d’enseignement professionnel en céramique.

1912-1915 : « Tour de compagnonnage » d’Emil Loder au cours duquel il travaille, entre autres, dans l’atelier de céramique artistique de Friedrich Festersen (1880-1915) à Berlin.  Durant cette période et les années suivantes, un carnet d’esquisses se remplit de formes de céramiques et de projets de décors (aujourd’hui aux Archives du Canton de Lucerne, PA 1421/PLA 202, archives de l’entreprise Céramique artistique, Lucerne SA).

11 mai 1915 :  Décès de Karl Loder-Eyer et retour d’Emil Loder à Steffisbourg le 20 septembre 1915. Emil hérite de l’atelier avec ses deux frères, mais le vend à la veuve de Karl, Anna Loder-Eyer, qui le revend immédiatement à une coopérative, qui deviendra la future poterie d’art DESA de Steffisbourg.

Fin 1915 : Emil Loder entre (comme directeur général ?) dans la Manufacture de céramique Wanzenried à Steffisbourg.

11 décembre 1918 : Emil Loder et Adolf Schweizer achètent à parts égales la Manufacture Wanzenried ( (Société Loder & Schweizer). Ils y produisirent ensemble ensemble jusqu’à la fin de 1924 des céramiques aux engobes caractéristiques avec des décors Art nouveau et Art déco (album photo des produits ; aujourd’hui aux Archives du Canton de Lucerne, PA 1421/PLA 202, archives de l’entreprise Céramique artistique, Lucerne SA).

 

Emil Loder et  Frieda Schenk.

1922 : Emil Loder fait la connaissance de Frieda Schenk (1900-1972), la fille du potier et apiculteur Karl Schenk de Heimberg, canton de Berne, village à côté de Steffisbourg.

1924 : Emil Loder planifie et réalise ( en 1925 ) la reprise de la « Genossenschaft Keramik Luzern – Coopérative céramique de Lucerne ». Il la baptise «KeraLuz »  pour Keramik Luzern. Il n’achète cependant que l’atelier, c’est-à-dire les outils et les équipements, mais pas le terrain.

1er mars 1925 :  Dissolution de la société en nom collectif « Loder & Schweizer, Poterie d’art » à Steffisbourg.

13 mars 1925 : Emil Loder épouse Frieda Schenk. Le couple s’installe à Lucerne le 16 avril 1925. 1926, 1927, 1928 et 1932 : Naissance d’une fille et de trois fils.

30 mars 1925 : L’entreprise « KeraLuz » est officiellement inscrite dans la Feuille officielle suisse du commerce à l’adresse Maihofstrasse 30. En fait, la production de poteries de la « Genossenschaft Keramik Luzern – Coopérative céramique de Lucerne », débute déjà le 1er février 1925. La poterie est équipée de tours de potier à entraînement électrique, ainsi que d’un four de potier à bois et d’un four à moufle plus petit. Frieda Loder s’occupe de la comptabilité, du stand d’exposition à la  MUBA (« Mustermesse – Foire suisse d’échantillons ») de Bâle. et, avec son collaborateur Thaddäus Rigert, de l’expédition des marchandises.

 

Le bâtiment de la poterie dans ses premières années, vers 1925/1930.

1925-1927 : Participation à la Foire suisse d’échantillons de Bâle afin d’acquérir de gros clients, pour la plupart d’importants magasins d’articles ménagers à Bâle, Berne et Zurich. Une représentante itinérante fait connaître les produits à l’aide de dessins et de photos et prend les commandes (Catalogue de dessins, vers 1925).

1928 : À l’occasion de la Fête fédérale de gymnastique à Lucerne, la société fabrique des Prix d’honneur et des céramiques commémorative pour la Fête. Ce type de céramiques, typiques des associations, des concours, des jubilés d’entreprises, des objets de promotions ou d’anniversaires divers, comme, par ailleurs, les céramiques ornées des armoiries de familles, deviennent l’une des lignes de production importantes de la société Céramique artistique.

Une voyageuse de commerce fait connaître les produits à l’aide de dessins (premier catalogue d’échantillons, dessiné à la main, vers 1930/1932) et de photos (premier album photo, vers 1931/1932) et prend des commandes. L’éventail de production de ces années est le reflet direct du débat culturel suisse, entre traditionalisme, attachement au terroir et Heimatstil d’une part, et modernisme d’autre part.

L’album photo de 1931/1932 et les dessins conceptuels existants montrent qu’à cette époque, la société Céramique artistique de Lucerne s’intéressait aussi de près à la céramique de Langnau du 18ème et du début du 19ème siècle et contribuait ainsi à la création du style « Vieux-Langnau » (voir la poterie d’Adolf Gerber à Langnau).

25 mai au 29 juin 1930 : Participation à l’exposition du jubilé des « 25 ans de l’Ecole professionnelle de céramique de Berne ».

1931 : Les plans pour la construction d’une route de desserte (Hünenbergstrasse) touchent le site de la poterie.

1932 : Première brochure publicitaire présentant l’ensemble des céramiques produites entre 1927 et 1931/1932. Début de la collaboration de l’entreprise Céramique artistique avec des artistes locaux : Emil Wiederkehr (1898-1963), Leopold Häfliger (1906-1974) père du peintre Leopold Häfliger (1929-1989), Marc Piccard (1905-1989), Josef Alois Zurkirchen (1912-1996) et Plinio Barzaghi-Cattaneo (1868-1929), élève et collaborateur de Antonio Barzaghi-Cattaneo.

 

1932 : Production de céramiques commémoratives pour la célébration des 600 ans de l’entrée de Lucerne dans la Confédération d’après un projet de l’architecte lucernois August am Rhyn (1898-1953).

1931/1932 : Début de la mise en place d’un nouveau catalogue de formes et de prix plus systématique, dans un premier temps probablement uniquement conçu pour l’organisation interne de l’entreprise.

Avant 1933 : Présence dans l’atelier d’un deuxième four pour la cuisson de moufle, plus petit que le premier.

19 décembre 1933 : Transformation de l’entreprise individuelle « Céramique artistique Loder-Schenk » en une société anonyme « Kunstkeramik A.G. Luzern– Céramique artistique, Lucerne S.A. ». La raison de cette transformation découle du besoin de transformations et d’agrandissements impératifs qu’Emil Loder ne pouvait pas financer seul. Le changement de statut est également provoqué par des travaux de viabilisation de la ville de Lucerne dans le secteur du Rankhof. Emil Loder et Frieda Loder-Schenk conservent alors une participation de 30% au capital-actions de l’entreprise.

 

A partir de 1934/1935 : Production accrue de petits objets religieux. En 1934, à l’occasion du millénaire de l’abbaye d’Einsiedeln, la société Céramique artistique, Lucerne S.A. produit un nombre inconnu de Vierge noires d’Einsiedeln destinées à devenir de souvenirs de pèlerinage.

  

Réalisations pour une commande de l’ « Orchestre de l’Association des commerçants de Lucerne », sur unprojet d’Emil Wiederkehr (1898-1963), en 1934.

Ces céramiques illustrent la collaboration avec Emil Wiederkehr (1898-1963, orfèvre, modeleur et médailleur, enseignant à l’école des arts et métiers de Lucerne).

   

Projets pour le décor appelé « Beromünster », vers 1934-1940.

1934-1936 : Renforcement des tendances traditionnelles ayant fait leurs preuves avec, notamment, une production accrue de céramiques comportant des peintures florales, l’apparition d’un nouveau décor appelé « Beromünster » et la réalisation de nombreuses céramiques commémoratives, ou servant de prix pour divers concours ou encore destinées aux associations de toutes sortes.

Vers 1935 : Transfert du magasin de vente au détail, situé jusque-ici à la Hirschenplatz à Lucerne, vers le « Passage zum Stein ».

1936 : Transformation et extension de l’atelier situé à la Maihofstrasse 30 à Lucerne.

Novembre/décembre 1936 : Acquisition d’un four électrique d’un volume de 0,5 m3 produit par la société Salvis S.A. située à Emmenbrücke, canton de Lucerne, à quelques km au nord de la ville de Lucerne.

1937 : Le nouveau décor « Beromünster » (Beromünster est une commune du canton de Lucerne sur laquelle était installé l’émetteur de radio en ondes moyenne, synonyme à cette époque tout-à-la-fois de modernité, de diffusion de masse et d’identité nationale ; l’équivalent en Suisse romande est Sottens et en Suisse italienne Monte Ceneri) fait l’objet de nombreux commentaires dans la presse et est salué comme représentant un « artisanat traditionnel du pays ».

1938 Teilnahme an der MUBA. Neue Werbepostkarte.

1939 : Grande manifestation « Lucerne en fleurs » avec la présentation de nombreux vases de la société Céramique artistique, Lucerne S.A.

1939 : Grande manifestation liée à la « Fête fédérale de tir » qui a lieu cette année-là à Lucerne (du 16 juin au 3 juillet 1939). La société Céramique artistique, Lucerne S.A. produit à cette occasion la vaisselle officielle de la Fête qu’elle appelle « Brettmeisterkrug und Schöppli – littéralement cruche du Brettmeister (qui est le trésorier de la fête) et chope ».

1939 : Augmentation du capital-actions à 50.000 Fr.

27.11.1941 : La société Céramique artistique, Lucerne S.A. est soumise à la Loi fédérale sur les fabriques. A cette date, elle employait sept hommes et (seulement !) trois femmes ; ces chiffres peuvent éventuellement représenter la somme des emplois à temps partiels. La société Céramique artistique, Lucerne S.A. est soumise dès le 29 janvier 1942 au règlement des fabriques qui régissait alors les horaires de travail (8 heures ¾ par jour, semaine de 6 jours).

1942 : Emil Loder prévoit que la société Céramique artistique, Lucerne S.A. pourra encore produire pendant 2,5 ans grâce à l’achat de matières premières effectué à temps, c’est-à-dire avant le début de la guerre.

Automne 1942/printemps 1943 : Extension de l’atelier avec un entrepôt, un bureau et une surface supplémentaire dans la salle de peinture. C’est probablement en même temps qu’on peut situer l’acquisition d’un deuxième four électrique.

 

Photos du stand de la société Céramique artistique S.A., Lucerne à la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA), en 1944, 1946 et 1947. Les images illustrent la domination du décor Beromünster.

1940-1950 : En termes de production, le décor Beromünster dépasse tous les autres secteurs, comme, à titre d’exemple, celui des pots commémoratifs destiné aux Fête de tir dans le style dit « Vieux-Langnau » qui continuent cependant à être produits, comme, par ailleurs, les céramiques pour les associations, les bouteilles à liqueur avec le décor appelé « Landschaften nach Zürcher Vorbild – Paysages selon le modèle zurichois (donc inspirés des décors  paysagé sur les porcelaines et les faïences de la Manufacture de Zurich-Schooren en activité de 1763 à 1790) », les céramiques en relief ainsi que les statuettes de nus.

Céramique artistique S.A., Lucerne : divers travaux de modelage entre 1945 et1950. 1 Raffael Raffaelli (1917-1977). 2-4 Paul Kyburz (1913-1994. 5 Rolf Brem (1926-2014). 6 Hans Huggler-Wyss (1877-1947).

Parallèlement, la société Céramique artistique S.A., Lucerne entame une collaboration artistique avec les sculpteurs Meinrad “Mädi” Zünd (1916-1998), Raffael Raffaelli (1917-1977), Paul Kyburz (1913-1994), Rolf Brem (1926-2014) et Hans Huggler-Wyss (1877-1947). Après 1951, les figurines, tout comme la sculpture religieuse, n’étaient plus proposées à la MUBA (« Mustermesse – Foire suisse d’échantillons »). La production de céramiques pour les associations, les concours et les commémorations militaires s’est cependant poursuivie sans interruption.

Vers 1944/1945 : Nouveaux développements dans le domaine décoratif (par ex. décor fleur de pommier, décor fleurs des champs, décor de fleurs fourragères (plantain) des Alpes, insectes et toile d’araignée appelé « Dekor Ritzpflanze – décor aux plantains»).

Vers 1945 : Début du projet d’un nouveau bâtiment pour l’entreprise.

13 juin 1946 : Augmentation du capital-actions à 100.000 Fr.

6/8 octobre 1947 : Augmentation du capital-actions à 150.000 Fr. et transfert du siège de l’entreprise à Ebikon, à 5 km au nord-est de la ville de Lucerne, où un terrain à bâtir avait été trouvé.

 

26 juin 1948 : Présentation à la presse du nouveau bâtiment de l’entreprise conçu par l’architecte lucernois Anton Mozzatti (1902-1965). L’adresse de l’entreprise est désormais Luzernerstrasse 71 à Ebikon, près de Lucerne.

1944-1947 : Paul Loder (1927-1977), le fils aîné d’Emil Loder et de Frieda Schenk, suit une formation de potier (tourneur) à l’ « Ecole suisse de céramique » de Chavannes-près-Renens, canton de Vaud. Parallèlement à son travail dans la nouvelle entreprise, il fréquente les cours de l’école de commerce de Lucerne. De décembre 1951 à août 1952, il suit une formation continue à Beesel, au nord de Maastricht, aux Pays-Bas. Paul réorganise alors le fonctionnement de l’entreprise paternelle, de la commande à la livraison.

 

Photos du stand de la société Céramique artistique S.A., Lucerne à la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA), en 1950 et 1951. Les images illustrent l’abandon progressif du décor Beromünster, tout en assurant la continuité de la tradition.

Pendant cette époque, les formes et les décors de la production existante ont cependant été maintenus sans changement, mais de nouvelles idées artistiques ont été demandées aux peintres (décor fleurs des champs, décor aux plantains).

Octobre 1949 : Exposition des produits de la Céramique artistique, Lucerne S.A. dans la Salle de musique de chambre du Palais des Congrès de Zurich-Seebach, en contraste avec la porcelaine de Rosenthal, Nymphenburg, Meissen, Copeland, Herend et Langenthal.

1948-1951 : Franz Loder (1932-2001), le plus jeune fils d’Emil Loder et de Frieda Schenk, s’inscrit également à l’ « Ecole suisse de céramique » de Chavannes-près-Renens, canton de Vaud à  partir de 1948. Au semestre du printemps 1949, il rejoint l’Ecole professionnelle de céramique de Berne, qu’il termine avec succès au début de 1951 en tant que peintre sur céramique. Puis il rejoint l’entreprise de ses parents. A Berne, il a été formé par les deux grands céramistes bernois Benno Geiger et Werner Burri, ce qui a marqué le début de ses propres travaux et projets. C’est à l’école professionnelle que Franz a fait la connaissance de Margret Rettenmund (1932- ), dont il est tombé amoureux.

 

C’est à l’école professionnelle que Franz Loder a rencontré Margret Rettenmund (1932- ) et en est tombé amoureux.

1948-1951 : Margret Rettenmund (1932- ) de Langnau dans l’Emmental, canton de Berne, suit une formation de peintre sur céramique à l’école professionnelle de céramique de Berne. Pendant ses études professionnelles, elle effectue un long stage dans la poterie Stucki-Moser à Wichtrach dans le canton de Berne, suivit d’un court stage à la Manufacture de céramique d’Aedermannsdorf, canton de Soleure, puis, entre le 30 avril 1951 et le 28 mars 1952, d’une année de travail à la poterie Meister à Stettbach-Dübendorf près de Zurich sous la direction de Gertrud Meister-Zingg. Ensuite, du 15 avril 1952 au 31 janvier 1953, elle travaille un peu moins d’un an comme peintre sur céramique chez Fritz Iseli à Münsingen, canton de Berne. Après un séjour de plusieurs mois à Paris en tant que jeune fille au pair, elle est finalement engagée par Jakob Stucki à Langnau. Le travail à Langnau a laissé des traces évidentes dans les premières créations de Margret Loder, car la peinture à la barbotine (engobe à peindre colorée) lui convenait personnellement davantage que le fin décor au pinceau de la peinture sur faïence.

1951 : Production par la société Céramique artistique, Lucerne S.A. des peintures murales en céramique d’Alfred Sidler pour le nouveau bâtiment des téléphones à Lucerne.

À partir de 1951 : Franz Loder lance ses nouvelles créations qui viennent s’ajouter à la traditionnelle collection de la société Céramique artistique, Lucerne S.A.. Il introduit de nouveaux décors, qui furent également appliqués sur des formes plus anciennes, et crée en outre de nouvelles combinaisons de forme et de décors. Au plus tard à partir de 1952/1953, Franz influence de plus en plus l’image de la céramique lucernoise. L’extension et la transformation de l’assortiment de Franz étaient fortement attendues, car il existait auparavant ce qu’on peut considérer comme une stagnation stylistique et artistique de l’entreprise. Au début des années 1950, l’ancien catalogue des formes créées par Emil Loder ne fut maintenu que pendant une courte période, puis abandonné au profit d’une collection de « fiches d’atelier » décrivant toutes les nouvelles créations.

Les investissements sont récompensés lors de la MUBA (« Mustermesse – Foire suisse d’échantillons ») de 1954 par une distinction du Werkbund suisse (Association de promotion des arts décoratifs, dont l’équivalent en Suisse romande est l’Œuvre) appelée – « Die gute Form – Forme utile ».

Décembre 1952 : Franz Loder et Margret Rettenmund présentent pour la première fois ensemble leurs créations et leurs décors dans la vitrine de Noël de la société Manz & Co. à Langnau, canton de Berne.

Entre 1952/1953 et 1975 : La production usuelle de céramiques pour les associations, les jubilés, les concours et les récompenses diverses se poursuit en perpétuant le style propre à la société, mais en quantités décroissantes.

Photos du stand de la société Céramique artistique S.A., Lucerne à la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA), en 1954, 1956 et 1957. Les images illustrent l’éventail d’une production radicalement modifiée par Franz Loder et Margret Rettemund-Loder.

Entre 1953 et 1961 : L’accentuation des traits du décor gravé joue un important rôle dans les productions de la société Céramique artistique, Lucerne S.A. Des visages de femmes à l’allure méditerranéenne, des paysages marins ou terrestres mais également des représentations urbaines  sont notamment développés avec cette technique.

De 1953 aux années 1970 : Pendant cette période, l’artiste lucernois Hans Erni (1909-2015) a également travaillé sans interruption dans le domaine de la céramique d’art. Pour lui, de nombreuses céramiques, en particuliers des bols et des vases, ont été tournées et engobées par la société Céramique artistique, Lucerne S.A afin qu’il puisse ensuite les graver, les peindre et les signer. Ces céramiques ne portent aucune marque de la société Céramique artistique, Lucerne S.A.

Le 1er novembre 1954 : Margret Rettenmund est engagée en tant que peintre sur céramique dans la société Céramique artistique, Lucerne S.A. Outre leur formation et leur travail auprès de Geiger et de Burri, les cours de formation continue du céramiste Mario Mascarin (1901-1966) ont été pour Franz Loder et Margret Rettenmund une aide importante les conduisant à trouver leur propre voie et leur propre style au cours des années suivantes. A la question de savoir ce que Franz Loder avait appris de ses maîtres, il répondit un jour : « De Geiger, l’insouciance, de Burri, l’obstination et de Mascarin, la mesure ». Les relations avec Mario Mascarin ont également permis à Franz Loder et Margret Rettenmund de participer à leur première exposition internationale en 1955. Ils exposèrent au XIII Concorso Nazionale della Ceramica à Faenza, en Emilie-Romagne italienne où une médaille d’argent leur est décernée.

En-tête de la société, utilisé en 1956.

1956 :  La société Céramique artistique, Lucerne S.A. cuit une grande peinture murale en céramique de Hedwig Aregger-Marazzi (1909-1986).

Décembre 1956 : Franz Loder et Margret Rettenmund sont représentés aux côtés de Mario Mascarin, d’Edouard Chappallaz, de Benno Geiger, de Fritz Portner, d’Hanni Krebs-Nencki, d’Elisabeth Langsch, de Bruno Platten, de Pierette Favarger, de Jakob Stucki et de Philippe Lambercy à l’exposition consacrée aux « Artistes suisses modernes de la céramique » qui s’est alors tenue au Musée des Arts décoratifs de Berne.

À partir de 1956 environ : Introduction d’une nouvelle marque de fabrique: « LUZERNER KERAMIK HANDARBEIT- CERAMIQUE LUCERNOISE – FAIT MAIN » estampée sur trois lignes dans la pâte céramique.

 

Entre 1956 et 1967 : Franz Loder peint sa série représentant des oiseaux, des poissons et des chats, tous noirs et fortement expressifs. Pour ce faire, il réalise de grandes surfaces mates sur lesquelles apparaissent un dessin brillant. Il a également conçu des décors qui jouaient sur les correspondances entre le mat et le brillant et dont la difficulté particulière résidait dans la répartition uniforme de l’application de la glaçure.

27 mai 1957 : Franz Loder et Margret Rettenmund se marient à Lucerne. Dans les années qui suivent, les enfants Andreas, Christian, Kathrin et Annelies naissent, alors que leur travail commun à l’atelier se poursuit en parallèle.

Après 1952/1953, respectivement 1957 : Passage progressif de la gestion économique de l’entreprise de Frieda Loder-Schenk à Franz Loder, puis à Margret et Franz. Au plus tard à partir de 1965/66, Franz Loder devient directeur de l’exploitation.

Entre 1952/1953 et 1974 : Les expositions à la MUBA amènent des commandes de divers grands magasins d’articles ménagers et de boutiques d’arts décoratifs de Suisse. Ce marché constituent la part du lion de la production de la société Céramique artistique, Lucerne S.A. On peut citer ici, entre autres, les magasins Séquin à la Bahnhofstrasse à Zurich (qui fermera en février 2004), Füglistaller à la Freiestrasse à Bâle (qui fermera en 2007) et Steiger à Berne.

Depuis la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1970 : Une activité lucrative tournée vers l’exportation en direction de l’Amérique se développe par l’intermédiaire des deux acheteurs Amberg et Hirt, qui travaillaient surtout pour la société Hudson & Rissmann de Los Angeles. Une fois par an, les Américains envoyaient un nuancier pour que les céramique de la saison à venir soient décorées et peintes dans des couleurs s’en rapprochant autant que possible.

1959 : Franz Loder et la société Céramique artistique, Lucerne S.A. reçoivent à nouveau le prix « Die gute Form – Forme utile » à la MUBA pour trois des céramiques exposées. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Franz Loder a été choisi par la Commission fédérale des arts appliqués du Département de l’intérieur pour participer à deux expositions, à Gmunden en Autriche et à Ostende en Belgique.

Automne 1959 : A l’initiative de Mario Mascarin, différents céramistes se réunissent pour former l’ « ASK – Association des céramistes suisses ». Franz et Margret Loder en sont les membres fondateurs. Il n’est donc pas étonnant de retrouver Franz Loder en tant qu’exposant à la première exposition de l’ASK en 1960 à Soleure, au XIX Concorso Nazionale della Ceramica en 1961 à Faenza, à l’Exposition internationale de la céramique contemporaine à Prague en 1962, ou encore, en 1965, à la grande exposition de l’ASK à la Helmhaus de Zurich, ainsi qu’à l’exposition temporaire « 3000 ans de céramique » au Musée du design de Zurich.

Après 1960 : Paul Loder quitte la société Céramique artistique, Lucerne S.A. et devient designer chez Kristallglas Häfeli à Sarnen, canton d’Obwald, à une vingtaine de km au sud de Lucerne, et plus tard à la verrerie de Hergiswil, canton de Nidwald, à 10 km au sud de Lucerne.

Après 1960 : Suivant les idées de Margret Loder, le magasin de Lucerne se transforme peu à peu en un magasin haut de gamme de produits ménagers et dédié à la décoration intérieure, dans lequel la céramique fabriquée par ses soins occupe une place importante.

1961 : La société Céramique artistique, Lucerne S.A. participe pour la seule fois de son histoire à la Foire de Francfort.

De 1965 à 1973 : Franz Loder fabrique des céramiques à partir d’une argile fortement chamottée, comportant du manganèse et teintée en brun-noir, recouvertes d’une glaçure matte.

1964 à 1996 : En plus des céramiques de Franz Loder glaçurées en noir et blanc, en noir ou en vert-chrome, mattes ou brillantes, le décor 210 bleu cobalt conçu par Margret Loder fait son apparition pour la première fois dès 1964. Pour ce faire, la glaçure bleue était appliquée avec un large pinceau sur une glaçure vitrifiable blanche puis accentuée par des coups de pinceau plus fins avec des couleurs usuellement utilisées pour la décoration sur la faïence. Ainsi apparaît le « décor 210 » avec ses motifs joyeusement naïfs ou floraux, variés à l’infini, et ses déclinaisons dans les tons bleus,  bruns et brun-rouges. Le décor 210 a ainsi constitué, sans interruption jusqu’en 1996, l’une des lignes de produits de la société Céramique artistique, Lucerne S.A. qui se vendait le mieux.

1967 : Des céramiques de Franz Loder sont exposées à la Foire de Hanovre. Elle sont les témoins d’une nouvelle série de formes aux bords recourbés, avec des glaçures noires et brillantes, pouvant être combinées avec des glaçures mattes. Cette série a été produite jusqu’en 1974 et a également été glaçurée en blanc et en bleu mat.

10 mai 1967 : Franz Loder devient officiellement directeur et membre du conseil d’administration de la société Céramique artistique, Lucerne S.A., à la place d’Emil Loder, âgé alors de 77 ans. Il deviendra finalement le vice-président de la société en mai 1970.

À partir de 1968/1969 au plus tard : Franz Loder développe une série de nouveaux décors de haut-de-gamme composés de roses rouges. Parallèlement, il continue à fabriquer de grands vases avec des glaçures contenant du chrome.

A partir de 1969 : La société Céramique artistique, Lucerne S.A achète à l’entreprise Heini Landert à Embrach, canton de Zurich, des caquelons « bruts », qui sont ensuite décorés avec le décor 210, afin de pouvoir proposer des sets à fondue complets de bonne qualité.

Photos du stand de la société Céramique artistique S.A., Lucerne à la Foire d’échantillons de Bâle (MUBA), en  1970 et 1974.

Début des années 1970 : Période de bouleversements pour la société Céramique artistique, Lucerne S.A.. Emil Loder décède le 27 décembre 1971 à Lucerne. Frieda Loder lui succède dans la tombe le 18 mars 1972. Les années sans problèmes économiques d’avant 1970 prirent progressivement fin dès cette date pour la société Céramique artistique, Lucerne S.A.. Il y a plusieurs raisons à cela : La crise du pétrole, l’évolution du concept de la MUBA (« Mustermesse – Foire suisse d’échantillons »)  et la tolérance à la baisse de la teneur en plomb dans la glaçure. Parallèlement à la chute de la valeur du dollar entre 1971 et la fin de la crise pétrolière en 1973/1974 (au cours de laquelle le dollars a accusé une perte de valeur d’environ 25 à 30 %), on assiste à une nette diminution du nombre de touristes américains à Lucerne, de sorte que le magasin subi des pertes considérables. Parallèlement, l’exportation vers les États-Unis devient financièrement inintéressante, car la marchandise est trop chère pour les acheteurs locaux, et a finalement dû être abandonnée.

1974 : La société Céramique artistique, Lucerne S.A. quitte la MUBA pour recentrer sa présence à la Foire Ornaris, plus petite, qui se tenait deux fois par an à Berne et à Zurich et dont elle fût l’un des fondateurs. Ce changement a été couronné de succès et a permis à l’entreprise de trouver de nouveaux clients et d’être plus proche de nombreux acheteurs.

Années 1970-1980 : Nombreuses séries d’assiettes pour enfants, notamment de la peintre sur céramique Elsbeth Birnstiel-Marti, qui ont connu un grand succès.

1975 : Apparition d’une nouvelle étiquette pour l’atelier, collée à côté de la marque estampée à trois lignes et création de marques individuelles pour Margret et Franz Loder.

De 1972 à 1975 : En raison de problèmes liées à la teneur en plomb dans la glaçure, passage progressif à une deuxième ligne de production en faïence fine. L’argile utilisée est importée de France. S’ensuivent des expériences avec des cuissons en réduction, des glaçures usuellement utilisées pour le grès et les Tenmoku.

Les glaçures de type céladon, qui rappellent les modèles asiatiques, sont impressionnantes, tout comme les cuissons en atmosphère réductrice produisant un rouge cuivré ou les expériences avec des glaçures à base de syénite néphéline. Parallèlement, on continue cependant à fabriquer des objets en terre cuite, mais avec d’autres glaçures utilisées dès lors pour la faïence (glaçure vitrifiable).

1976 : Création du décor bleu cobalt 241, réalisé et peint par Franz Loder lui-même. Première exposition de produits en grès mis en vente à Lucerne.

1981 à 1990 : Développement et production des grès de la série nommée « feuilles d’arbres » par Franz Loder.

3 au 17 octobre 1982 : à l’occasion des 50 ans de Margret et Franz Loder, la Galerie-Atelier Steineman à Rippertschwand-Neuenkirch, canton de Lucerne, présente une unique exposition de céramiques lucernoises. Dans le communiqué de presse, il est fait mention de 17 collaborateurs et de l’importance du tourneur Charles Cavin dans l’atelier de la société Céramique artistique, Lucerne S.A. (période de travail : 1955-1985 environ). Le thème de Franz Loder pour l’exposition était « Expériences avec les glaçures sur grès ». Margret Loder présente à cette occasion des pièces uniques moulées, des bouffons et des pantins, des objets figuratifs, à poser ou à suspendre. Ses premières figurine féminines étaient également présentes, toujours comme pièces uniques.

1984 : Ce n’est que cette année-là que Franz Loder a également expérimenté la porcelaine, teintée dans la masse en blanc ou noir avec beaucoup de difficultés.

Seconde moitié des années 1980 et début des années 1990 : Les céramiques en grès se couvrent de glaçures bleues et brunes, mais aussi d’images ou d’inscription qui, grâce à des zones de réserves enduites de cire sur le corps de la céramique, trouvent, après la première cuisson, des surfaces libres pour s’exprimer.

1985-1991 : Série de figurines de Margret Loder en édition limitée avec une nouvelle figurine par an. Les premières figurines créées sont « Flora » en 1985 et « Bella » en 1986. En 1987, elles ont toutes deux voyagé avec une troisième figurine individuelle et un vase en grès de Franz Loder pour une exposition à Pékin-Nanchang, organisée par le Musée Ariana de Genève.

Entre 1985 et 1992 : Franz Loder fabrique une série de récipients en grès reposant sur des pieds découpés particulièrement caractéristiques ou encore sur des supports tout-à-fait inhabituels. Entre 1989 et 1992, ces assiettes creuses, coupes et bols, mais aussi des diffuseurs à senteurs ainsi que des théières techniquement très élaborées, sont décorés de bandes réalisées par trempage dans une glaçure de couleur rouge soutenue, ou encore bleue ou turquoise en superposition sur une glaçure de base de couleur noire.

 

1990-1996 : Face à la difficulté croissante d’écouler leurs produits à prix élevés sur un marché suisse de plus en plus restreint, Franz et Margret ont mis au point, année après année, de nouvelles formes et de nouveaux décors, tant dans le domaine du grès que dans celui des glaçures de couleurs vives pour la peinture sur faïence. De nouvelles séries de décors ou de nouvelles formes de récipients ont suivi à un rythme de plus en plus rapide pour chaque Foire Ornaris. A côté des décors helvético-touristiques ou figuratifs-traditionnels, comme ceux comportant des edelweiss et des vaches (décor « Flüela », « Vroni und Lotti ») ou l’audacieux décor de vaches, tout-à-la-fois noir et coloré, appelé « Fläckli-Swiss », on remarque surtout les décors discrètement inspirés par l’art contemporains, comme « Flambée » et « Fil » ou encore les décors « Saturn » et « Sky » apparus en 1995. Pour le décor « Fil » sur grès, très réussi et discrètement retenu, la société Céramique artistique, Lucerne S.A. reçoit l’un des dix prix décernés parmi les 650 exposants présents lors de la Foire Ornaris de l’automne 1993.

1991 : La société Céramique artistique, Lucerne S.A.. bénéficie encore d’une grosse commande pour la 71ème Fête fédérale de gymnastique à Lucerne.

A partir de 1990 : A l’aide d’un laminoir à argile Margret Loder, fabrique et peint non seulement des anges et des crèches de Noël, mais aussi, au cours des années suivantes, tout un cortège de personnages telles qu’on les trouve dans les poyas (montées à l’alpage) avec Heidi et Pierre le Chevrier, un porteur de fromage et une laitière, des vaches, des cochons et des chèvres, un chœur de jodleurs, des musiciens animant des danses populaires, des lutteurs et des rois de la lutte avec Muni (le taureau qui est remis au vainqueur)  et, dans la même veine populaire, des chats, des poissons, des escargots, des oiseaux et des nains de jardin.

1er juillet 1994 : Kathrin Loder, la fille de Franz et Margret, qui dirigeait déjà en grande partie l’administration de la société Céramique artistique, Lucerne S.A., reprend entièrement la direction de la société tenue jusque-là par son père, Franz Loder. A ce moment-là, le nombre d’employés de l’entreprise n’était plus que de douze, en comptant les deux apprentis.

1995 : Franz Loder conçoit, pour la dernière fois, toute une série de vaisselles diverses avec un décor sobre mais assez remarquable qu’il nomme « Return ». En outre, en 1995 et 1996, la société Céramique artistique, Lucerne S.A. tente de conquérir de nouveaux clients au niveau local en organisant des cours de céramique pour enfants et adultes.

Margret et Franz Loder, 1995.

28 mai 1996 : après plusieurs années sans bénéfice, l’assemblée générale de la société Céramique artistique, Lucerne S.A. décide de fermer. La production cesse le 31 août 1996, 71 ans après la fondation à Lucerne et 48 ans après le déménagement à Ebikon.

25 septembre 1997 : Lors de l’assemblée générale, la liquidation de la S.A. et la vente de l’immeuble sont approuvées. Franz et Margret Loder prennent leur retraite. De nouveaux emplois ont été trouvés pour tous les employés.