Trubschachen, Musée des traditions populaires, Fondation Hasenlehn (MTrub)

Musée des traditions populaires de Trubschachen, Fondation Hasenlehn (MTrub)

Stiftung Hasenlehn
Postfach 40
CH-3555 Trubschachen
Tel.: +41 (0)34 495 60 38
info@stiftung-hasenlehn.ch

Céramiques du Musée des traditions populaires de Trubschachen dans CERAMICA CH

Andreas Heege, 2022

Le musée des traditions populaires de Trubschachen, dans l’Emmental bernois, fait partie de la fondation Hasenlehn et est géré par celle-ci. La fondation a été créée en 1979 par l’enseignant Walter Berger (1906-1981) et l’entrepreneur Oscar J. Kambly (1914-1998). Les deux fondateurs étaient liés par des années de collaboration et d’amitié. En 1964, ils ont démarré avec une première exposition de peinture à Trubschachen, dans le but de montrer la peinture suisse dans un environnement campagnard et de la rendre ainsi accessible à des catégories de la population qui ne fréquentent généralement pas les musées. L’idée de Walter Berger découle de son expérience pédagogique et aujourd’hui, les expositions d’art à Trubschachen sont devenues une tradition.

C’est dans le même esprit pédagogique que Berger et Kambly ont créé la fondation Hasenlehn, dans le but de préserver et de rendre accessible au public la collection de ces objets irremplaçables issus des coutumes domestiques, paysannes et industrielles de l’Emmental, rassemblée par Walter Berger après la Seconde Guerre mondiale. Grâce à de généreuses contributions financières et à la donation de biens immobiliers par Oscar J. Kambly, ainsi qu’au soutien de l’association culturelle de Trubschachen et de la commune, le musée a pu ouvrir ses portes au public en 1982 dans un « Stöckli  » déplacé à cet endroit.

Les céramiques présentes dans le musée ont été apportées à Walter Berger par ses élèves, qui habitaient dans les environs ou lui ont été donnés lors de successions immobilières. Ainsi, ces objets, dont la conservation et la transmission sont essentiellement dues au hasard, reflètent la culture matérielle et la diversité des fermes de l’Emmental, sur une période qui s’étend principalement de la fin du 19ème au début du 20ème siècle. Des objets produits localement ou régionalement (Langnau, Heimberg ou plus largement le canton de Berne) côtoient des importations en provenance des cantons voisins (Kilchberg-Schooren, canton de Zurich) ou de la proche Allemagne (Zell am Harmersbach dans le Bade-Wurtenberg, ainsi que du Westerwald).

La collection de céramiques du musée des traditions populaires de Trubschachen a été examinée scientifiquement pour la première fois en 2015 dans le cadre de l’étude sur la céramique de Langnau et a finalement été entièrement analysées en 2022. Au total, 223 céramiques ont pu être inventoriées. Elles se composent de 175 céramiques en terre cuite, 1 en faïence, 41 en faïence fine, 4 en grès et 2 en porcelaine. Le fait que très peu de porcelaines allemandes de la fin du 19ème siècle (Silésie) ou de porcelaines suisses du début du 20ème siècle (Langenthal) soient représentées peut signifier que Walter Berger supervisait la constitution de la collection, du moins jusqu’à un certain point et qu’il excluait donc de la collection la porcelaine, jugée, pour les objets collectés, trop récente ou pas assez « rurale ».

Le groupe des terres cuites est hétéroclite et multiforme. Étonnamment, on y trouve aussi quelques céramiques décorées au barolet datant du milieu du 18ème siècle. Une faisselle est datée de 1752, une jatte de 1755. Le lieu de production, inconnu, se trouvait probablement quelque part dans le canton de Berne.

Une terrine à couvercle emboitant, au décor tacheté et à la glaçure jaune rappelle, par son décor, des céramiques comparables provenant du site potier d’Albligen, canton de Berne. Toutefois, comme elle ne porte pas de décor gravé additionnel, son attribution reste incertaine. Il y avait probablement dans la région de Berne plusieurs poteries qui produisaient de telles céramiques au 18ème siècle.

 

L’éventail des céramiques attribuées à Langnau, le village potier voisin, est plus large. Mais contrairement à de nombreux autres musées bernois, la collection comprend surtout de la vaisselle utilitaire de la première moitié jusqu’au milieu du 19ème siècle, avec son décor parcimonieux sur des fonds tachetés à glaçures brunes foncées typiquement ornés d’une date. En revanche, les grands plats iconiques de Langnau, décorés d’images et de maximes et qui ornaient usuellement les murs des fermes de l’Emmental, font ici défaut.

Parfois, l’ornementation se limite à l’apposition d’une date (ici 1841), dont la calligraphie est alors le seul indice typologique d’une fabrication à Langnau.

  

Pour de nombreux autres objets en terre cuite, une production à Langnau ne peut être que supposée, mais non pas prouvée avec certitude, car, à partir du deuxième tiers du 19ème siècle, les influences de Heimberg dominent également à Langnau et nous ne pouvons alors plus parler que de céramique « à la manière de Hiemberg » (voir « Fehlbrände aus Langnau – déchets de cuisson à Langnau » : Heege/Kistler 2017b, 154-184). Quelques grandes jattes avec leurs bordures annulaires, inhabituelles, appartiennent également à cette catégorie.

En outre, la collection recèle des pièces présentant un décor moucheté sur une glaçure jaune, pour lesquelles l’attribution de leur production à Langnau (mais pas seulement) est certainement possible.

Les céramiques avec un décor de bandes horizontales s’inscrivent dans le même contexte chronologique de la seconde moitié du 19ème siècle. Il existe également des preuves de production à Langnau pour ce décor simple. On peut toutefois supposer qu’elles ont été fabriquées dans toute la Suisse alémanique.

Diverses autres céramiques à engobe noir, rouge, beige ou blanc, comportant un décor au barolet parfois gravé et/ou guilloché, ne peuvent être attribuées que de manière très générale à la céramique « à la manière de Heimberg » Elles peuvent avoir été fabriquées dans tout le canton de Berne ou en Suisse alémanique. Le plus probable est toutefois une fabrication dans la région de Heimberg-Steffisbourg. Parmi elles, on trouve différents plats à rösti et des jattes avec leurs bords recourbés, typiques des 19ème et 20ème siècles.

L’éventail des céramiques utilitaires à engobe de fond blanc avec, parfois, des inscriptions au pinceau brun foncé, est plus large. Ce type de céramique est généralement apparu après 1850 et sera produit jusque vers 1880/90. On y trouve différentes formes de récipients, des services à thé et à café ainsi que des soupières.

Deux assiettes (dont une datée de 1876) de cette catégorie présentent un bord ondulé.

Avec cette tasse et cette soupière datée de 1874, la collection comprend deux rares spécimen de céramiques « à la manière de Heimberg », portant uniquement un décor gravé sur un double engobe de fond, blanc sur brun foncé.

Majoliques de Thoune ? Petit groupe dont la face inférieure est dans tous les cas engobée de blanc. Pas de marque de manufacture. Probablement vers/après 1882/1883.

À partir des années 1880, la majolique dite de Thoune (provenant surtout de la manufacture Wanzenried à Steffisbourg), avec ses motifs de fleurs et d’edelweiss, est devenue une « céramique emblématique » dans toute la Suisse alémanique.

De nombreuses poteries ont repris les décors – notamment celui de l’edelweiss – après l’exposition nationale de Zurich en 1883. En l’absence de marques de manufactures, il est donc difficile de les attribuer et nous devrions en fait parler de céramiques « sous l’influence de la majolique de Thoune ».

Quelques terre cuites signées et parfois datées du début du 20ème siècle ont également été conservées. Il s’agit notamment de ces deux assiettes provenant de l’atelier de Karl Loder Eyer (1871-1915) à Steffisbourg.

Les ateliers des potiers Aegerter et Röthlisberger à Bärau et Langnau dans l’Emmental (Bärau est un « quartier » de Langnau) ainsi que l’atelier du potier Kohler à Schüpbach (à env. 5 km de Langnau) ont travaillé à peu près à la même époque (début du 20ème siècle), respectivement à la suite de ceux de Steffisbourg.

Mais, en ce qui concerne le 20ème siècle, c’est bien la poterie d’Adolf Gerber (1879-1951) et plus tard celle de son gendre Jakob Stucki (1920-1982) qui a eu la plus grande importance. C’est à Adolf Gerber que l’on doit le développement du décor « Vieux-Langnau ».

Jakob Stucki fut le plus important potier de Langnau de la deuxième moitié du 20ème siècle. La collection de Trubschachen, à 5 km de Langnau, n’a toutefois conservé de sa main que quelques pièces datant de ses débuts, vers 1948.

Dans le commerce des céramiques à l’échelle suprarégionale, pratiqué avec de nombreux fabricants en Suisse (Aedermannsdorf canton de Soleure, Schaffhouse canton éponyme, Kilchberg-Schooren canton de Zurich) et sans doute aussi en Allemagne (Schramberg), on trouve de la vaisselle à glaçure au manganèse, aussi présente, au 19ème et au début du 20ème siècle, en grand nombre dans d’autres cantons.

La présence dans la collection de cette petite théière, respectivement cafetière, est singulière. Leurs caractéristiques et la glaçure fondue, plutôt matte, qui les recouvrent, plaident en faveur d’une production par une petite poterie artisanale, alors que la majorité des céramiques à la glaçure au manganèse présentée précédemment découle probablement d’une fabrication industrielle.

La céramique produite à Bonfol ou Porrentruy dans le canton du Jura, ou celle de la région lémanique, n’est représentée que par quelques pièces dans la collection.

Des jattes et des plats avec un décor multicolore au pochoir, appliqué au vaporisateur, sont également présents en petit nombre. Nous ne connaissons pas à ce jour le lieu de fabrication de cette marchandise industrielle (provenant éventuellement de l’entreprise Landert à Embrach dans le canton de Zurich ?), car les pièces ne portent jamais de marque de fabrique. Ce type de céramiques est également très fréquent dans les Grisons.

La détermination de la fonction d’un autre récipient, de section carrée avec son bord rainuré et son renfort sur la face intérieure de son fond, n’est pas certaine. Il est possible qu’il s’agisse d’une copie en céramique d’un beurrier à manivelle, généralement en verre.

La faïence n’est représentée, étonnamment, que par une seule pièce dans la collection, alors que l’on aurait pu s’attendre à trouver des faïences de l’époque Biedermeier de Kilchberg-Schooren dans le canton de Zurich ou d’autres du canton de Berne. La pièce présentée ici est une écritoire en forme de cœur provenant de la manufacture de Durlach dans le Bade Wurtemberg allemand. Elle a été produite entre 1790 et 1800 ( Blaettler/Schnyder 2014, pl. 111,6 ; Petrasch 1975, no 269).

Le spectre des objets en faïence fine de la collection est relativement représentatif de la présence de ce type de céramiques en Suisse alémanique. Lorsque ces objets portent une marque de fabrique, on constate qu’il sont généralement produits à Schramberg et à Zell am Harmersbach dans le Bade-Wurtemberg allemand.

Faïences fines avec une marque de Schramberg.

Faïences fines avec une marque de Zell am Harmersbach.

Faïences fines avec une marque de Kilchberg-Schooren, canton de Zurich, Manufacture Scheller.

Pour ce type de céramiques, quand elles ne portent de marque, il est souvent difficile de distinguer celles de Kilchberg-Schooren des faïences fines d’autres centre de production.

Vues de Zurich sur des assiettes en faïence fine de Kilchberg-Schooren.

Toutefois, les parallèles établis grâces aux marques de fabrique, quand elles sont présentes, permettent aujourd’hui d’attribuer à la production de Kilchberg-Schooren ces assiettes en faïence fine, non marquées, présentant un décor imprimé caractéristique.

La Suisse romande est tout de même représentée une fois avec une production de Carouge dans le canton de Genève. Pour cette pièce, il s’agit d’une fabrication sous la direction de Charles Degrange & Cie (vers 1885-1903).

Faïences fines avec la marque de Villeroy&Boch, vers 1840-1860, respectivement vers 1880/1900.

Bien entendu, les grands producteurs allemands sont également présents sur le marché suisse alémanique avec quelques pièces. Il s’agit notamment de celles produites par Villeroy&Boch sur ses sites de production de Mettlach et Wallerfangen (Vaudrevange).

Vaisselle sanitaire hygiénique avec une marque de la fabrique de faïence fine Annaburger S.A. (Annaburger Steingutfabrik AG).

La présence de pots de chambre et de set pour la toilette et l’hygiène intime, très souvent fabriqués dans des usines de céramique d’Allemagne centrale, est typique du début du 20ème siècle. Ces céramiques sont ici produites par la fabrique de faïences fines Annaburger S.A. (Annaburger Steingutfabrik AG, 1895-1845), une manufacture de céramique active sous diverses raisons sociales de 1874 à 2015 dans le Land allemand de la Saxe-Anhalt.

 

Céramiques en grès, importées d’Allemagne ou d’Alsace.

Les céramiques en grès ne représentent qu’une petite partie de l’inventaire du musée des traditions populaires de Trubschachen. Comme il n’est pas possible de fabriquer des céramiques en grès en Suisse en raison du manque de terres glaises appropriées, tous les récipients en grès sont importés, le plus souvent d’Allemagne ou de France (Alsace). On y trouve les habituels pots pour la conservation et les usuelles bouteilles d’eau médicinale fréquemment présentes au début du 20ème siècle.

La porcelaine ne joue aucun rôle significatif dans les collections du musée, bien que les porcelaines allemandes de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle, en particulier, soient usuellement présentes de manière régulière dans les collections des musées de Suisse alémanique. Les deux tasses à café non marquées ci-dessus s’inscrivent très bien dans ce spectre.

Traduction Pierre-Yves Tribolet

Bibliographie:

Blaettler/Schnyder 2014
Roland Blaettler/Rudolf Schnyder, CERAMICA CH II: Solothurn (Nationales Inventar der Keramik in den öffentlichen Sammlungen der Schweiz, 1500-1950), Sulgen 2014.

Heege/Kistler 2017b
Andreas Heege/Andreas Kistler, Keramik aus Langnau. Zur Geschichte der bedeutendsten Landhafnerei im Kanton Bern (Schriften des Bernischen Historischen Museums 13), Bern 2017.

Petrasch 1975
Ernst Petrasch, Durlacher Fayencen 1723-1847. Ausstellung Badisches Landesmuseum Karlsruhe, Karlsruhe 1975.

Rutschi 1985
Heinz Rutschi, Das Heimatmuseum im Hasenlehn Trubschachen, Langnau 1985.