Musée régional de Langnau Chüechlihus
Bärenplatz
CH-3550 Langnau
Tel.: +41 (0)34 402 18 19
info@regionalmuseum-langnau.ch
Céramiques du Musée régional de Langnau dans CERAMICA CH
Andreas Heege, 2022
L’exposition permanente du musée régional Chüechlihaus (La maison aux beignets) à Langnau présente sa collection d’objets sur le monde paysan de l’Emmental aux 18ème et 19ème siècles autour de différentes thématiques. Il s’agit notamment de l’agriculture et de l’économie alpestre avec son importante production et son commerce du fromage. D’autres thématiques abordées concernent les verreries de la région et la poterie locale, dont on trouve la trace à Langnau à partir du 17ème siècle. Au 18ème siècle surtout, les ateliers des potiers Herrmann fournissaient des produits extrêmement sophistiqués pour la riche élite économique du monde paysan. Mais l’évolution récente de la poterie locale jusqu’au 20ème siècle est également prise en compte. Dans les faits, le Chüechlihaus présente la plus grande exposition de céramiques du canton de Berne. Outre les pièces exposées, celles qui ont été remisées dans le dépôt pour des raisons culturelles, historiques ou scientifiques, peuvent être consultées en ligne dans la banque de données et d’images de CERAMICA CH.
L’historique du musée et des collections remonte à l’époque de la Première Guerre mondiale. En 1914/15, Rudolf Wegeli (1877-1956), le nouveau directeur du Musée d’Histoire de Berne, très actif, entre 1910 et 1948, dans l’enrichissement des collections, réussit à obtenir pour son Musée l’importante collection du maître d’école secondaire de Langnau Emil Aeschlimann en contrant des offres d’achats qui venaient de l’étranger. Grâce au soutien de la « Verein zur Förderung des Bernischen Historischen Museums – Association pour la promotion du Musée d’Histoire de Berne », 155 céramiques et divers carreaux de poêle ont été achetés pour 6000 francs. À l’époque, il s’agissait probablement de la plus grande collection privée existante sur le marché.
Emil Aeschlimann (1864-1930), qui était enseignant à Langnau depuis 1884, collectionnait et faisait commerce non seulement des céramiques bernoises, mais aussi des objets patrimoniaux de l’art populaire et des objets historiques de l’Emmental en général, qu’il aurait aimé voir conservés dans un « Musée local de l’Emmental ». Cependant, ses propositions, publiées à la fin des années 1880, dans le « Journal de l’Emmental » ne tombèrent alors pas dans un climat propice à leurs réalisations (Aeschlimann 1928, 9 ; voir sa nécrologie dans le « Journal de l’Emmental » du 29.5.1930.). Il a donc dû conserver sa collection dans son appartement de fonction qui se trouvait dans l’école d’Ilfis à Langnau (l’Ilfis est une rivière affluente de l’Emme), où elle a été admirée par la reine Marie de Roumanie lors de sa visite d’État en Suisse le 8 mai 1924 (Aeschlimann 1928, supplément « Die rumänische Königin im Ilfis-Schulhaus – La reine de Roumanie à l’Ecole d’Ilfis »). Entre 1897 et 1908, Aeschlimann a vendu, à plusieurs reprises, au Musée national suisse des céramiques et des carreaux de poêle y compris, entre autres, en 1902, un poêle de Langnau. Puisqu’il était le meilleur connaisseur de la céramique de Langnau à l’époque, Aeschlimann entreprit une première étude sur le sujet en 1925, sur la suggestion du directeur du Musée d’Histoire de Berne, Rudolf Wegeli. Cette étude fut publiée en 1928 (Aeschlimann 1928). Pour sa rédaction, Aeschlimann s’est principalement appuyé sur les collections qu’il connaissait, conservées au Musée historique de Berne, au Musée national suisse et probablement aussi sur la collection privée de Fritz Pappé-Schweinfurt de Berne, sur laquelle nous reviendrons plus loin.
Le souhait d’Emil Aeschlimann de créer un musée d’Histoire et de la Culture ne sera réalisé qu’en 1930, l’année de sa mort. En 1929, un médecin, le Dr Ruchti, ainsi que le directeur de l’école secondaire de Langnau Ernst Käser et l’architecte Ernst Mühlemann ont entamé des négociations avec Emil Aeschlimann, alors âgé de 65 ans, pour qu’il vende sa collection. Le Comité fondateur d’un « Musée local d’Histoire et de Culture de la commune de Langnau » avait le choix entre l’achat de la collection entière pour une valeur de 40 000 francs ou l’achat d’une partie de la collection pour une valeur de 13 000 francs. C’est ce dernier cas de figure que le Comité a choisi. Pour être exposés à l’Ecole secondaire de Langnau, les éléments suivants ont été acquis : 145 objets d’histoire patrimoniale et de culture (dont, entre autres, des moules à biscuit en terre cuite et en bois), 19 objets pour l’éclairage, 36 objets des poteries de Langnau et 25 carreaux de poêle, 16 pièces de mobilier, 43 objets de bijouterie et d’horlogerie, 37 tableaux, des écrits, des bibles, 33 pipes à tabac, 17 objets divers pour d’autres usages, dont quatre céramiques, soit un total de 434 objets (l’inventaire dactylographié est en possession du RML).
Annonce dans les « Journaux de l’Emmental » des 13 et 31 mai 1930. On y lit : « La collection historique et culturelle de Langnau dans l’Emmental est ouverte au public dès le 1er juin à la Maison de Commune « Bären – à l’Ours ».
Emil Aeschlimann a monté une première exposition dans la salle communale de l’ancienne maison de Commune (qui est aujourd’hui le Musée régional « Chüechlihaus – la Maison du « chüechli », qui est une sorte de beignet (merveille), en patois bernois) (voir ci-dessus l’annonce dans le « Journal de l’Emmental », éditions n° 55 du 13.5.1930 et n° 63 du 31.5.1930, de la collection présentée au public pour la première fois), avant de décéder inopinément le 27 mai 1930 (nécrologie dans le « Journal de l’Emmental » du 29.5.1930 et rapport sur les funérailles du 3.6.1930). En examinant la description des objets figurant dans l’inventaire original, il est aujourd’hui clair que plusieurs objets en céramique achetés par le Comité ne provenaient pas de la production des potiers de Langnau. Le Musée régional de Langnau conserve néanmoins 13 céramiques dont on peut certifier à l’heure actuelle qu’elles proviennent de cet achat de 1930 (RML A103, A200, A256, A289, A291, A293, A312, A313, A327, A329, A334 / A339, A335, A349.) Les autres céramiques sont certainement toujours dans la collection, mais, en raison de l’absence d’une concordance détaillée entre les anciens numéros d’inventaire et ceux utilisés actuellement, on ne peut plus les attribuer à cet achat avec certitude. On ignore également tout de la composition de plus grande partie de la collection Aeschlimann qui n’a pas été achetée et à qui elle a été vendue après la mort du collectionneur. Seul l’inventaire du Musée d’Histoire de Berne mentionne les achats de trois céramiques de la succession Aeschlimann pour l’année 1930 (BHM H/20824, H/20827, H/20828).
Le musée a été officiellement inauguré le 1er juin 1930 (« Journal de l’Emmental » du 16 juin 1930 et du 1er juillet 1930, respectivement). Le même mois, une Commission de surveillance du Musée régional a été nommée. Elle est composée de l’architecte Ernst Mühlemann, du maître tourneur, le potier Ernst Moser, du vétérinaire, le Dr. Widmer, du pasteur Trechsel, du directeur d’école Ernst Käser, des commerçants Max Sänger et Jakob Lappert et de la peintre céramiste Frieda Lauterburg (« Journal de l’Emmental » du 16 juin 1930 et du 1er juillet 1930, respectivement). En 1930, c’est le membre du Conseil Jakob Lappert lui-même qui a répondu à un appel de dons pour le Musée et qui a offerts d’autres objets en rapport avec l’histoire et la culture de Langnau (RML A026, A038, A045, A276).
Lors de la grande exposition exposition nationale au château de Jegenstorf, canton de Berne, organisée en 1948 par l’association « Les amis suisses de la céramique », de nombreuses céramiques du Musée régional de Langnau, du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (Staehelin 1948, cat. 707, 721, 742, 743, 766, 772, 773 et 776), de la salle de l’Association des Chevaliers de Berthoud, canton de Berne (Staehelin 1948, cat. 771), de feu le Musée cantonal des Arts décoratifs de Berne (1869 – 1995), qui se trouvait dans l’actuel Grenier à grain de Berne (« Kornhaus ») (Staehelin 1948, cat. 718-720, 730, 735, 737, 740, 749, 751, 755, 756, 759, 767 et 775) et de la collection Leemann-Geymüller (Arlesheim, Staehelin 1948, 100 cat. 745, depuis 1970 SNM LM-45839) ainsi que d’autres collections privées, inconnues aujourd’hui ont été exposées. Tout ce qui était présenté à l’époque par l’antiquaire bernois Walther A. Staehelin, alors célèbre, sous l’appellation « Langnau » ne serait pas libellé de la même manière aujourd’hui. Par exemple, il n’était apparemment pas possible à l’époque de les différencier des produits de la poterie Vögeli de Berthoud (voir Heege 2015) ou d’identifier les fausses dates (par exemple Staehelin 1948, cat. 707, MAHN AA-1170).
Il semble que le travail préparatoire de l’exposition de Jegenstorf ait déjà donné un nouvel élan au Musée de Langnau. Le « Journal de l’Emmental » du 7 juin 1948 annonce une « exposition de poteries Vieux-Langnau » pour les mois d’août et de septembre 1948 et pour laquelle il est demandé un soutien financier sous forme de prêts. L’exposition a finalement été ouverte à la mi-juillet 1948, principalement grâce à une aide financière sous forme de crédit du collectionneur bernois Fritz Pappé-Schweinfurth (1876-1959). Il y a eu 1600 visiteurs durant toute la durée de l’exposition (« Journal de l’Emmental » des 19.7. et 3.9.1948).
Fritz Pappé-Schweinfurth (1876-1959) dirigeait avec son frère Franz un magasin de pianos et d’antiquités à la Kramgasse – Rue des Commerces 54 à Berne (Sur eux, voir : Der Bund – La Confédération, 97, n° 297, 29.6.1946 ; Der Bund – La Confédération, 110, n° 397, 17.9.1959 ; Nécrologie n° 401, 21.9.1959). Il devait être un collectionneur plutôt discret, car aucune autre information n’a pu être trouvée sur lui, ni sur ses activités de revendeur, ni sur sa collection. Son activité de collectionneur a dû commencer très tôt, car en 1907, il a fait don, pour la première et unique fois, d’une soupière de Bäriswil au Musée d’Histoire de Berne (BHM H/6110).
Le succès de l’exposition de 1930 à Langnau, conjugué à une offre de Fritz Pappé pour la vente de sa collection en raison de son âge avancé, incitent Jakob Lappert à lancer un appel dans le « Journal de l’Emmental » en octobre 1948, dans lequel il annonce sa volonté d’acheter la collection. L’opinion publique à Langnau était apparemment fortement divisée, mais une promesse de soutien d’un industriel, Nyffeler à Kirchberg, canton de Zurich, a été un facteur décisif (sur l’histoire de l’acquisition : Zbinden/Pfister 1977, 19-20). Selon une des listes d’inventaire conservée au Musée régional de Langnau, 239 objets en céramique ont été achetés en février 1949 pour le prix de 30 000 francs suisses (« Journal de l’Emmental » du 14.2.1949). La réception complète de la collection a été confirmée le 4 août 1949 par Jakob Lappert en tant que membre de la Commission du Musée. 220 objets ont été inventoriés directement et sont maintenant clairement identifiables, tandis qu’une livraison ultérieure de vingt pièces, pour la plupart des couvercles, n’a pas été inventoriée et ne peut donc plus être de nos jours clairement différenciée des autres pièces de la collection.
Terrine dite « coupe de mariage », Suisse, canton de Berne, Langnau, atelier 3, manière 6 (Daniel Herrmann II), vers 1800-1801.
L’une des pièces les plus remarquables de la collection Pappé était une « coupe de mariage » de Langnau, qu’il avait acquise en 1917 à l’occasion de la vente aux enchères de la succession de la famille du banquier neuchâtelois Denis Alfred de Rougemont au château de Schadau près de Thoune, qui lui appartenait (Aeschlimann 1928, photo de couverture ; Staehelin 1950, 11. Catalogue de la vente aux enchères « Antiquités et objets d’art du château de Schadau près de Thoune », vente aux enchères de Hans Thierstein, du 11.10.1917 dans la grande salle de l’Hôtel Emmental de Thoune, cité d’après Staehelin 1949, 13). Le catalogue des ventes aux enchères est disponible à la Bibliothèque nationale suisse, cote : Nq 16600/1). Même rétrospectivement, la décision de la municipalité de Langnau d’acheter cette collection peut être qualifiée d’extrêmement heureuse. Après cette date, plus aucun des musées suisses n’a eu l’occasion d’acquérir une collection d’une telle ampleur et d’une telle qualité.
Apparemment, Jakob Lappert était aussi un collectionneur passionné des céramiques de Langnau en même temps qu’il était un promoteur actif du Musée régional, car après sa mort en 1956, 26 autres céramiques de Langnau sont entrées dans l’inventaire du musée (sur le musée de Langnau et la collection de céramiques, voir aussi : Moser 1958).
Dans les années qui suivirent, la collection s’est surtout développée grâce à des dons et à quelques achats ciblés, ainsi que, notamment, par la collecte d’objets chez des céramistes-potiers de Langnau, principalement actifs au 20ème siècle. Au cours de l’été 2022, un inventaire quasi complet de toutes les céramiques du musée a été saisi dans CERAMICA CH. Il comprend 814 entrées, qui se répartissent en 705 objets en terre cuite, 38 en faïence, 27 en faïence fine, 14 en grès, 10 en porcelaine et 20 en plâtre (pour les moules). Avec ce nombre important d’objets céramiques, la collection du musée régional fait partie des grandes collections du canton de Berne, hautement significative du point de vue historique et culturel. Cette imposante quantité de céramiques rend impossible une discussion détaillée et exhaustive des différents groupes de céramiques dans cet article. C’est pourquoi des priorités ont dû être fixées.
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Plat de Langnau, canton de Berne, Suisse, atelier 1, manière 4 (Christen Herrmann), 1737.
En raison d’une politique de collection et conservation liée à la région, les produits faits à Langnau dominent parmi les objets en terre cuite avec 554 entrées dans l’inventaire. Parmi eux, 238 céramiques datant d’environ 1720 à 1884 (Langnau, ateliers 1 à 6) peuvent être attribuées aux maîtres-potiers de la famille Herrmann (voir le tableau généalogique), dont le dernier représentant est décédé en 1916, mais qui avait déjà abandonné sa poterie en 1910 (Johann Herrmann, 1870-1916).
Après les Herrmann, une production locale à Langnau a toutefois été poursuivie par plusieurs autres poteries (voir le tableau des potiers), dont certaines sont également représentées dans la collection, avec cependant un nombre d’objets très variable.
Barolets de la poterie Röthlisberger à Langnau.
Parmi ces ateliers de poterie, on relève notamment celui du potier Röthlisberger (article en préparation), situé à l’Oberstrasse (rue du Haut) 66 à Langnau, qui a existé de 1894 à 1953. Parmi les 40 objets de cet atelier conservés à l’inventaire du musée, on trouve surtout différents moules en plâtre pour des jouets en forme d’animaux et des outils typiques du travail du potier, qui sont entrés au musée régional lors de la liquidation de l’atelier en 1953.
Moules en plâtre de la poterie Röthlisberger pour un jouet en céramique représentant un dragon (militaire à cheval), conçu durant la 1ère moitié du 20ème siècle (les moulages présentés ici sont plus modernes).
Ce porte-allumettes/cendrier inhabituel datant de 1894 peut également être attribué à la poterie Röthlisberger.
Plats de Johannes Röthlisberger (1876-1942) d’après des dessins de Paul Wyss.
Paul Wyss, maître de dessin au gymnase municipal de Berne, enseignant spécialisé dans les « arts et métiers, » a notamment réalisé des projets de décors pour les céramiques de la poterie Röthlisberger au cours de la période précédant la Première Guerre mondiale.
Les céramiques plus récentes de cette poterie consistent généralement en une vaisselle d’usage courant, très simple, sans marque de fabrique.
Il faut également relever que Paul Wyss a aussi collaboré avec la femme peintre sur céramique Frieda Lauterburg (1877-1943), de Langnau.
Céramiques de Frieda Lauterburg avec des scènes du cortège des enfants de la fête de tir de Langnau de 1906, d’après des dessins de Paul Wyss.
On ignore depuis quand Frieda Lauterburg a peint des céramiques et des poêles en faïence à Langnau (on peut imaginer à partir de 1907 environ ?) et combien de temps a duré son activité de peintre sur céramique. Il est également impossible de possible de savoir avec certitude quels ateliers de poteries ont, à sa demande, cuit sa céramique.
Avec ses 21 céramiques de Frieda Lauterburg, le musée régional de Langnau possède aujourd’hui la plus grande collection de céramiques de cette artiste en Suisse.
Boîte avec sa garniture métallique commémorant le Tir de campagne qui a eu lieu dans l’Emmental en 1922, atelier d’Adolf Gerber. Le dessin du médaillon (et également de l’affiche de la fête) est de Paul Wyss.
L’atelier de poterie d’Adolf Gerber (1879-1951) fût d’une grande importance à Langnau. Actif de 1911 à 1948, cet atelier était situé au numéro 3 de la Güterstrasse.
Deux petites soupières et une assiette d’Adolf Gerber avec le décor appelé « Vieux-Langnau ».
Avec Paul Wyss et quelques autres personnes (dont le pasteur Müller de Langnau), Adolf Gerber est considéré comme le « nouveau fondateur » de la poterie de Langnau (Aeschlimann 1928, 17-18). C’est dans ce contexte que les éléments du décor appelé « Vieux-Langnau » ont été créés par son atelier. Le musée régional possède 75 céramiques de cet atelier ainsi que de nombreux projets et esquisses provenant de la succession de l’atelier.
Projets et esquisses pour le décor appelé « Vieux-Langnau » de Hans-Rudolf Wittwer (1895-1989), qui fut plus tard actif à Beringen, canton de Schaffhouse.
D’autres créations ont été réalisées par le concepteur de céramique Hans-Rudolf Wittwer (1895-1989), qui a également travaillé pour l’atelier de poterie Gerber de 1930 à 1939.
Boîtes à provisions, signées par Anna Müller, éventuellement fabriquées dans l’atelier de Gerber ?
La céramiste Anna Müller de Grosshöchstetten dans le canton de Berne, à une quinzaine de km de Langnau, a probablement également travaillé dans l’atelier de Gerber. Un ensemble de boîtes à provisions signées de cette dernière se trouve dans la collection du musée régional. Il existe en outre un dessin décrivant sa conception et provenant de l’atelier de Gerber.
Celui qui sera le futur gendre d’Adolf Gerber, Jakob Stucki (1920-1982), est entré dans son atelier en 1945 et l’a repris en 1948 avec sa femme Erika Stucki-Gerber (1919-2004). Le musée régional possède de lui un total de 85 céramiques et figurines.
A ses débuts, Jakob Stucki s’est plutôt orienté vers la céramique à fond noir de type Heimberg et a alors créé de charmant décors romantiques. Plus tard, son atelier s’est cependant également attaché à produire un décor « Vieux- -Langnau » plutôt austère, qui fut l’un des piliers économiques de l’atelier. Jakob Stucki fut certainement le céramiste le plus important de Langnau et de l’Emmental au 20ème siècle, notamment en raison de ses sculptures céramiques qu’il a produites en parallèle à ses céramiques utilitaires à partir des années 1950.
Le successeur de Jakob Stucki à la Güterstrasse 3 à Langnau fut Bernhard Stämpfli (1960- ), dont nous connaissons surtout les céramiques dans le style « Vieux-Langnau ». Pour l’exposition du musée régional, il a également réalisé en 1983 des répliques qui expliquent leur fabrication. Sa marque est « BS ».
Outre les ateliers de poterie qui fabriquaient les céramiques de Langnau, le « Magasin de céramiques Herrmann », un magasin d’articles ménagers avec un grand département de céramique et de porcelaine, qui acceptait également des commandes pour des décors « à la demande » et gérait ses propres marques (notamment « Helapo » et « Geschirrhalle Langnau – Magasin de céramiques Langnau »), s’est également établi à Langnau dans la première moitié du 20ème siècle. Quelques objets de ce « Magasin de céramiques Herrmann » sont conservés par le musée régional.
Si nous considérons les céramiques provenant des environs plus larges de Langnau, il faut absolument mentionner ici la rare céramique d’Adolf Gerber (1859-1919) de Hasle. Adolf Gerber a fondé une poterie à la Tschamerie, hameau près de Hasle et de Berthoud (en allemand Burgdorf), dans le canton de Berne, à environ 17 km de Langnau, à une date inconnue, mais dans les années 1880. Ses deux fils Johann Friedrich (1881-1935) et Adolf junior. (1879-1951) ont occasionnellement travaillé dans cette poterie.
Une assiette datant d’avant 1909 témoigne de cette collaboration père-fils (« A. Gerber U Sohn – A. Gerber et fils).
Son gendre Franz Aebi (1894-1974) a poursuivi l’activité de la poterie à partir de 1919.
Assiette de Franz Aebi, datée de 1919.
La collection du musée régional conserve cette pièce signée et datée de lui. Et elle comprend également un peu de vaisselle de sa période tardive.
En relation avec les potiers Gerber et Aebi, il faut également mentionner la poterie Kohler à Schüpbach, un petit village à quelques 5 km de Langnau, car Adolf Gerber junior a épousé le 11 mai 1904 Marie Kohler (1882-1935) de Schüpbach, un fille de potier.
Céramiques de l’atelier Gerber & Kohler à Schüpbach 1909-1911. Les motifs sont inspirés des modèles de l’enseignant bernois d’arts appliqués, Paul Wyss.
En 1909, Adolf Gerber junior a repris avec son beau-frère Oswald Kohler (1886-1955) l’atelier fondé en 1869 par son beau-père Niklaus Kohler (1843-1927) (article en cours d’élaboration) à Schüpbach (Poterie Gerber & Kohler). La communauté d’ateliers n’a toutefois duré que jusqu’en 1911, date à laquelle Adolf Gerber s’est installé à Langnau et la raison sociale est alors redevenue « Poterie Kohler ». Le musée régional ne possède que quelques autres céramiques de la poterie Kohler.
Céramiques de Friedrich Aegerter (1906-1969) à Bärau près de Langnau.
Une autre famille de potiers de Bärau, un quartier de Langnau porte le nom d’Aegerter (Heege/Kistler 2017b, 153-154, 188-189, 195-196). Les signatures ne permettent d’attribuer que quelques pièces qui s’inspirent des décors de l’atelier phare Gerber/Stucki.
Dans le domaine des terres cuites bernoises, d’autres centres de fabrication sont à mentionner, mais ils ne sont souvent attestés que par quelques pièces caractéristiques.
En fait partie cette belle jatte, d’un diamètre de 29 cm, à bec verseur et poignées en forme de tête d’ange, daté de 1760, qui porte un décor gravé et un décor guilloché typiques attribué à la poterie Schläfli d’Albligen, canton de Berne, à une cinquantaine de km de Langnau, à la frontière du canton catholique de Fribourg.
La céramique de Bäriswil, du nom de ce village du canton de Berne, à une trentaine de km de Langnau est également représentée par deux pièces. Il s’agit d’une écritoire très typique datée de 1794 et d’une petite soupière au décor tacheté avec des poignées de préhension caractéristiques et un numéro d’attribution, tout à fait habituel pour les céramiques de Bäriswil, sur le dessous.
Une grande jatte, de taille inhabituelle (diamètre de 41 cm), datée de 1797, présente à l’intérieur un dessin d’ours avec un collier jaune, entouré de rocailles et de fleurs, le tout caractéristique de Bäriswil. Cependant, contrairement aux céramiques habituelles de Bäriswil, le décor est gravé et non simplement peint. En conséquence, cette jatte fait partie d’un groupe d’un peu plus de 20 objets connus actuellement, que la publication de Bäriswil a caractérisé en plaisantant comme « Bärisnau ou Langwil » (Heege/Kistler/Thut 2011, 177-184), car il mêle des motifs de Bäriswil et la technique de décoration de Langnau. Le lieu de production de cette céramique est inconnu.
Un autre groupe de céramiques présente également des réminiscences des céramiques spécifiquement attribuées à Bäriswil, mais contrairement au précédent, il est moins homogène. C’est pourquoi il est actuellement classé, par méconnaissance des lieux de production, sous le terme pragmatique de « Bäriswil, région ». Ce groupe n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une étude scientifique plus approfondie. Lorsque des pièces datées sont disponibles, leurs dates tournent toujours entre la fin du 18ème et le début du 19ème siècle. En ce qui concerne leurs formes, on trouve des assiettes, des plats, des bols, des plats à barbes et des beurriers.
Deux théières, dont le lieu de production n’a pas pu être clairement déterminé jusqu’à présent, viennent probablement aussi de la région bernoise (voir Heege 2021).
Bol à crème, daté de 1804, avec l’inscription circulaire (inconnue à Langnau) suivante : « will ich mitt dir zufriden bin, so nim das näpfli willig hin, Ich du [tue] dir das zum trinckgält gäben, du solst alle Zeit woll läben – Puisque je suis heureux avec toi, j’aimerais que tu prennes ce bol ; je te le donne à boire afin que tu vives toujours bien ».
Le musée régional possède de nombreuses pièces provenant de la région de Heimberg-Steffisbourg qui, au 19ème siècle, comptait la plus grande densité de potiers en Suisse alémanique. Il ne s’agit toutefois guère de la céramique « classique » « à la manière de Heimberg » ” avec leur engobe de fond noir, mais plutôt d’objets avec des engobes de fond blancs que d’anciens collectionneurs avaient classés à tort comme « Langnau ». Un bol à crème sur pied daté de 1804 en fait également partie. Cette forme de récipient, en fait caractéristique de Langnau, ne correspond toutefois en rien aux nombreux exemples comparatifs de Langnau, tant au niveau du décor que de l’écriture.
Céramiques « à la manière de Heimberg » avec un engobe de fond fond blanc, env. 1820/1830.
Plats à barbe « à la manière de Heimberg », pour l’un daté de 1813, une date exceptionnellement précoce pour ce type de décor.
Cafetière et pot à lait « à la manière de Heimberg », vers ou peu après le milieu du 19ème siècle. C’est à partir de décors floraux comme celui du pot à lait que se développera finalement à Heimberg les motif dit « aux hiboux » ou « Vieux-Thoune » de la majolique de Thoune.
Les plats creux avec égouttoir utilisées pour la cuisson et l’égouttage des « Chüechli – beignets, en patois bernois» sont une spécialité de Langnau et n’existent que très rarement en céramique « à la manière de Heimberg ». Le décor au barolet correspond bien à la tradition de Heimberg, mais le fond est tourné, ce qui est plutôt atypique pour la céramique « à la manière de Heimberg ». Sommes-nous donc en présence d’un produit tardif de Langnau (voir à ce sujet Heege/Kistler 2017b, 169-178) ou d’une céramique peinte par un compagnon formé à Heimberg ?
Un autre groupe, qui n’a été reconnu comme faisant partie de la céramique de Heimberg qu’en 2017, est la céramique dite à décor de perles (Heege/Kistler 2017a, 457-469), que l’on peut trouver dans le contexte de la céramique « à la manière de Heimberg » à partir de 1816. Comme ce décor a également été classé autrefois comme « Langnau », le musée régional possède un groupe important de ces céramiques.
En fait également partie ce pot à oignons que l’on peut dater, en raison de la couleur jaune vif de sa glaçure et des parties en relief accentuées en brun foncé, de la deuxième moitié du 19ème siècle.
Ces deux tirelires richement décorées portent également ce décor de perles. L’une d’entre elles est heureusement datée de 1859, preuve que cette technique de décor s’inscrit encore bien dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
La collection du musée comprend six autres tirelires très joliment modelées, dont on ne peut que supposer qu’elles appartiennent également au groupe céramique « à la manière de Heimberg » et qu’elles ont été réalisées dans les deuxième et troisième quarts du 19ème siècle.
Cafetière, sans marque, dans le style de la majolique de Thoune.
La « majolique de Thoune » présente dans la collection du musée n’est représentée presque exclusivement qu’avec ce motif dit « aux hiboux » ou « Vieux-Thoune ». Au départ, ce motif a été conçu et développé à Heimberg-Steffisbourg, puis produit jusque dans les années 1970, bien au-delà de l’époque de la majolique de Thoune, par toutes les poteries de la région de Heimberg-Steffisbourg.
Deux boîtes avec le motif aux hiboux vers 1940-1950 : poterie Rudolf Schenk-Künzi et poterie André-Bohnert.
Il n’est donc pas étonnant que des pièces relativement récentes portant ce décor soient entrées dans la collection du Musée régional de Langnau.
Figurines de Cäsar Adolf Schmalz.
Finalement, pour la région potière de Heimberg-Steffisbourg, il faut encore mentionner trois personnages sous formes de figurines signées de Cäsar Adolf Schmalz (1887-1966), qui ont été offertes au musée. Parmi elles, deux représentations de l’avoyer (Schultheiss) Niklaus Friedrich von Steiger lors de la bataille de Grauholz, une d’« Elsi, l’étrange servante », titre d’un récit historique de Jeremias Gotthelf, pseudonyme (tiré de son premier roman Le Miroir du paysan ou la vie de Jérémias Gotthelf) de l’écrivain bernois Albert Bitzius (Marti/Straubhaar 2017, 221 sur l’histoire de la servante) et une représentant l’éminent « docteur des Alpes » Michael Schüppach (voir aussi HMO 8342, BHzD 482, ainsi que Marti/Straubhaar 2017, 109-111).
Parmi les quelques objets en terre cuite non suisses, seuls trois font ici l’objet d’une description plus détaillée.
Cruche des potiers Hutsuls de Pokuttya en Ukraine.
Dans collection de Fritz Pappé-Schweinfurth, déposée au musée régional en 1948, se trouvait une cruche inhabituelle, sans doute parce que le collectionneur pensait à tort que cette pièce était un produit de Langnau. Il s’agit très probablement d’une céramique des potiers Hutsuls provenant d’une poterie de Kuty, Pistyn ou Kosiv, villages de la région de Pokuttya située dans la partie orientale des Carpathes, maintenant en Ukraine et datant des années 1900-1930 (Ukraine, film ; voir Ivashkiv 2007 ; Ivashkiv/Lozynskyi 2012 ; Tucholska/Kostuch 2008).
Soupière bavaroise dit « d’accouchée » datant du 19ème siècle.
Cette céramique en argile à pâte claire recouverte d’une glaçure verte, reposant sur trois pieds et fermée par un couvercle amovible, lui aussi possédant trois pieds et qui peut servir d’assiette ou de bol à soupe est une soupière bavaroise dit « d’accouchée. L’extérieur est décoré de nombreux éléments en relief, moulés. Son argile à pâte claire introduit un doute sur son éventuelle production en Suisse alémanique, bien qu’on trouve souvent des céramiques avec glaçures vertes et décorées en relief en Suisse orientale. Des pieds similaires à ceux de cette soupière ont cependant été découverts à Bendern, dans la Principauté du Liechtenstein (Heege 2016, 162-168). Ils ont été rattachés à un groupe de céramique du 19ème siècle d’Allemagne du Sud (Bavière ?), également répandu dans les Grisons, avec lequel il existe des parallèles avec des céramiques de l’est du Bade-Wurtemberg et de la Bavière. Cependant, le lieu exact de production reste inconnu.
Une céramique presque exactement comparable est conservée au Fricktaler Museum (Musée du Fricktal) à Rheinfelden, canton d’Argovie, ville-frontière sur le Rhin, en face de la localité allemande homonyme(Fricktaler Museum Rheinfelden, Inv. B.582-1-2).
Terrine de la région bavaroise de Kröning ?
C’est également de Bavière, plus précisément de la région de Kröning en Basse-Bavière, que devrait provenir cette terrine en terre cuite glaçurée, extrêmement soignée, à double paroi, dont celle extérieure est ajourée. Elle présente deux poignées annulaires torsadées fixes ainsi qu’un fretel en forme de poire pour le couvercle. Cette terrine, provenant d’une collection basée à Zurich-Wollishofen, a été offerte au musée. Son lieu de production, non mentionné dans la donation, reste partiellement énigmatique. On peut cependant affirmer que ce type de décor ajouré était surtout pratiqué à Kröning en Basse-Bavière (Grasmann 1978, 123-124, 131-132 ; Bauer 1976, 165-169 ; Grasmann 1984 ; Grasmann 2010, 263-265). Malheureusement, il n’existe à ce jour aucun exemple comparatif précis de céramiques provenant de cette région.
Faïences de l’est de la France.
La collection de faïences du musée comprend un grand nombre de pièces typiques de la Suisse (Kilchberg-Schooren, canton de Zurich), mais aussi des faïences de l’étranger, en particulier françaises.
Plats à bord contourné, faïence et terre cuite, de l’atelier de Daniel I Herrmann à Langnau.
L’assiette en faïence non peinte, à bord contourné, de Daniel I Herrmann (1738-1798) (atelier 1- sur la classification des atelier à Langnau, voir « Langnau, canton de Berne, les potiers Herrmann » et Heege/Kistler 2017b) à Langnau a été une grande surprise. Sa forme et ses dimensions sont identiques à celles de la plus ancienne assiette en terre cuite à bord contourné connue de cet atelier, datée de 1787. Daniel I et Daniel II Herrmann ont fabriqué la variante en terre cuite (Langnau TLR 6c – référence de forme – voir Heege/Kistler 2017b) jusqu’en 1801, mais principalement au cours des années 1790 à 1794 (Heege/Kistler 2017b, 689-691). Sur le plan de la forme, l’assiette présente des réminiscences des anciennes assiettes en faïence bernoises des manufactures Willading ou Frisching (Ducret 2012, fig. 3 ; Ducret 2015, fig. 1), mais elle semble plus grossière et à bords plus épais, et les dimensions ne concordent pas. Cette assiette est, avec une soupière rococo connue depuis longtemps (Heege/Kistler 2017b, 742, fig. 869 ; BHM H/06929), la deuxième preuve que l’atelier du Höheweg 1 (Chemin du Haut 1) à Langnau fabriquait aussi occasionnellement de la vaisselle rococo en faïence non décorée. Malheureusement, il s’agit d’une ancienne pièce de la collection du musée dont la provenance exacte n’est pas connue.
Terrine en forme de cane, pays et lieu de fabrication non certains, fabrique royale de céramique de Louça à Largo do Rato?
Le fonds ancien comprend également une terrine stannifère de grand feu en forme de cane (un canard aurait des plumes rebiquant au-dessus de la queue) dont le lieu de production a suscité de nombreux débats (lieu de production pas en Allemagne ; pour la France, sont écartées les productions de Marseille et Varages (pattes débordantes) mais on trouve une forme presqu’identique à Saint-Omer ; on fait finalement l’hypothèse de Rato au Portugal (Jacques Bourgueil ; Alexius Feit) – La fabrique royale de céramique de Louça à Largo do Rato, sœur de la fabrique royale de soie créée par le marquis de Pombal , a été active de 1767 à 1835 – (Alexandre Nobre Pais et al, Real Fábrica de Louça, ao Rato, Catálogo de exposição realizada, Museu Nacional do Azulejo, Lisboa 2003).
La collection comprend également quelques autres faïences françaises et une cruche piriforme d’Allemagne (Bavière, Nuremberg ou Ansbach ?) de la première moitié du 18ème siècle.
Soupière de la manufacture de Johann Jakob Nägeli, vers 1840-1845.§
Avec 24 entrées à l’inventaire, la faïence suisse de la première moitié du 19ème siècle de Kilchberg-Schooren, canton de Zurich, est la plus largement représentée. On y trouve les habituelles assiettes (souvent avec un bord en écailles), de même que des théières, un couvercle de sucrier, un pot à lait, des plats à barbes et des soupières. L’une des soupières de la manufacture de Johann Jakob Nägeli (ci-dessus) n’a pas de décor peint, ce qui est inhabituel.
Bols à crème de Kilchberg-Schooren, vers 1830/40, avec des dictons en patois bernois. En haut : « Mir Lüt ufem Land, si lustig u : froh, Mir führe es Leben, s’chönt nit goh – Je suis une personne de la campagne, si gaie et joyeuse, je mène une vie qui ne peut pas aller mieux ». En bas : « Ne Chuss in Ehre, wer wills verwehre? – Un chaste baiser, qui le refuserait ? ».
Cependant deux grands bols à crème sur un haut piédouche sont tout à fait inhabituels. En effet, jusqu’à présent, l’on ne connaissait pas de comparaison exact dans la gamme des céramiques utilitaires répertoriées dans la production des manufactures de Kilchberg-Schooren dans le canton de Zurich. D’une part, les bols à crème en faïence, bien que de formes différentes à ceux-ci-dessus, sont également extrêmement rares. D’autre part, dans la région de l’Emmental, les bols à crème en terre cuite sont une forme de récipient tout à fait usuelle. Ainsi, ces deux pièces ne peuvent résulter que d’un travail de commande réalisé d’après un dessin préparatoire. Les dictons (ou strophes de chansons) calligraphiés en dialecte suisse allemand sur ces bols à crème confortent cette hypothèse car à Kilchberg-Schooren, on écrivait généralement en allemand standard . Le proverbe sur le bol à crème du haut est tiré de la chanson populaire « Mi Lüt uf em Land – Je suis une personne de la campagne » , écrite en 1820 par le compositeur suisse Alois Franz Peter Glutz von Blotzheim, (1789-1827), et publiée dans son recueil des « Alpenlieder – mélodies des Alpes ».
Un service à café incomplet qu’Adolf Schweizer de Steffisbourg a produit au 20ème siècle, époque à laquelle différents fabricants de Suisse alémanique produisaient de la faïence en plus de la terre cuite, fait aussi partie de la collection du musée.
Soupière en faïence fine de Carouge.
La composition des objets en faïence fine de la collection du musée ne présente aucune surprise ni particularité. Peu de produits suisses sont représentés. En revanche, on relève de nombreuses pièces d’Allemagne ainsi que quelques-unes de France, d’Italie, d’Angleterre et des Pays-Bas. Une soupière de belle forme provient de la production de Charles Degrange & Cie, Carouge, vers 1885-1903. Une théière en faïence fine, sans marque de fabrique, avec un décor floral et un dicton réalisé au pochoir a probablement été réalisée à Kilchberg-Schooren, canton de Zurich.
Un bol avec son décor caractéristique au pochoir appliqué au vaporisateur, a été fabriqué dans la Fabrique de faïence fine Niederweiler S.A. à Moehlin près de Rheinfelden, canton d’Argovie, entre 1930 et 1950.
Faïences fines avec la marque de fabrique de Zell am Harmersbach, dans le Bade-Wurtemberg allemand.
D’Allemagne, la collection recèle des céramiques produites à Mettlach et Wallerfangen (Vaudrevange) (Sarre), Zell am Harmersbach et Schramberg (Bade-Wurtemberg) et Wächtersbach (Hesse), où dominent la vaisselle habituelle à décor imprimé. De Zell am Harmersbach, on remarque en particulier une veilleuse complète ainsi qu’une soupière non décorée.
Il faut aussi signaler une assiette de Schramberg avec un décor imprimé en deux couleurs. La représentation dans le bassin offre une vue de la ville touristique de Côme en Italie (Lombardie).
Une assiette peinte de Villeroy & Boch à Wallerfangen (Vaudrevange) prouve que les simples décors floraux n’étaient pas seulement fabriqués à Zell am Harmersbach, Schramberg, Schaffhouse, Kilchberg-Schooren et en Italie du Nord, mais aussi en Allemagne. Ils correspondaient manifestement au goût d’un large public.
Les faïences fines portant cette marque de fabrique ou de provenance ci-dessus sont plutôt rares dans les musées suisses. La marque « Armoiries de Savoie » n’a pas encore pu être attribuée spécifiquement à un fabricant du nord de l’Italie. Nous savons pour l’instant que seuls les Fratelli Vitali de la manufacture Ceramica Lodigiana de Lodi, chef-lieu de la province de même nom en Lombardie (Italie), dont le drapeau et les armoiries sont identiques à ceux de la Savoie, les ont certainement utilisés comme marques sur leurs produits.
Trois assiettes au décor imprimé en noir proviennent de France. Elles ont été fabriquées à Montereau, manufacture Louis Lebeuf & Thibaut, vers 1834-1840. On découvre dans leurs bassins des représentations de personnages historiques : Oliver Cromwell, le duc de Guise et Jeanne d’Arc.
Une tasse et sa soucoupe avec leur glaçure lustrée cuivrée peinte sur la glaçure semblent tout à fait « exotique » dans l’environnement de Langnau. Elle proviennent probablement d’une production anglaise.
L’inventaire des céramiques en grès du musée n’est pas spectaculaire et, malheureusement, les indications de provenance manquent pour presque tous les objets, si bien qu’il n’est même pas possible de savoir si les pièces ont été utilisées dans l’Emmental.
Il convient cependant de souligner la présence de trois tonneaux à vinaigre qui auraient été fabriqués à Oberbetschdorf en Alsace (Heege 2016, 300-309). Ce type de tonneaux était particulièrement apprécié en Suisse et dans les régions limitrophes du sud de l’Allemagne, où ils étaient généralement posés sur les poêles en faïence, comme en témoignent les représentations du peintre bernois Albert Anker (Heege 2010, p. 69).
La porcelaine ne représente qu’une part insignifiante de la collection du musée, si l’on excepte les porcelaines décorées du Magasin de céramiques Herrmann à Langnau.
Ce n’est qu’en 2015 que le musée a reçu en cadeau une série de tasses de Langenthal datant de la période 1969/70, avec, sous les tasses, une marque imprimée en doré sur la glaçure, avec ce texte : « La Suisse au service de l’étranger, Bibliothèque nationale, Collection Pochon, Peint à la main ». Adolf Pochon (1869-1931) était orfèvre, copiste et collectionneur de représentations graphiques d’uniformes militaires suisses. Après sa mort, cette collection unique est entrée à la Bibliothèque nationale suisse.
Cette assiette décorée entre 1965 et 1980 environ à Sevelen, village du canton de Saint-Gall, dans l’atelier de porcelaine de Heinz Ottlinger, présentée au musée régional « Chüechlihaus » de Langnau et le représentant, peut servir de conclusion.
Traduction Pierre-Yves Tribolet
Bibliographie:
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Emil Aeschlimann, Alt-Langnau-Töpferei. Ein Beitrag zur Volkskunde. Beilage: Die rumänische Königin im Ilfis-Schulhaus, 8. Mai 1924, Bern 1928.
Bauer 1976
Ingolf Bauer, Hafnergeschirr aus Altbayern (Kataloge des Bayerischen Nationalmuseums München 15,1), München 1976.
Ducret 2012
Peter Ducret, Schweizerische Fayencen des 18. Jahrhunderts in Scharffeuerfarben bemalt, in: Keramikfreunde der Schweiz Mitteilungsblatt Nr. 125, 2012, 42-50.
Ducret 2015
Peter Ducret, Neues aus Bern, in: Keramikfreunde der Schweiz Mitteilungsblatt Nr. 129, 2015, 41-45.
Grasmann 1978
Lambert Grasmann, Kröninger Hafnerei (Niederbayern – Land und Leute 1), Regensburg 1978.
Grasmann 1984
Lambert Grasmann, Keramische Raritäten aus dem Kröning (Der Storchenturm, Geschichtsblätter für die Landkreise um Dingolfing, Landau und Vilsbiburg, Sonderheft 6), Dingolfing 1984.
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Lambert Grasmann, Die Hafner auf dem Kröning und an der Bina, Straubing 2010.
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Andreas Heege, Muestopf und Kaffeekanne. Ein Beitrag zur materiellen Kultur bei Albert Anker, in: Berner Zeitschrift für Geschichte und Heimatkunde 72, 2010, 65-78.
Heege 2015
Andreas Heege, Die Hafnereien Vögeli in der Burgdorfer Unterstadt, in: Burgdorfer Jahrbuch 83, 2015, 41-68.
Heege 2016
Andreas Heege, Die Ausgrabungen auf dem Kirchhügel von Bendern, Gemeinde Gamprin, Fürstentum Liechtenstein. Bd. 2: Geschirrkeramik 12. bis 20. Jahrhundert, Vaduz 2016.
Heege 2021
Andreas Heege, Scherben aus Schloss Blankenburg. Bernische Irdenware mit blauem Grund aus der Mitte des 18. Jahrhunderts, in: Revue, Mitteilungsblatt der Keramikfreunde der Schweiz 135, 2021, 39-52.
Heege/Kistler 2017a
Andreas Heege/Andreas Kistler, Poteries décorées de Suisse alémanique, 17e-19e siècles – Collections du Musée Ariana, Genève – Keramik der Deutschschweiz, 17.-19. Jahrhundert – Die Sammlung des Musée Ariana, Genf, Mailand 2017.
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Andreas Heege/Andreas Kistler, Keramik aus Langnau. Zur Geschichte der bedeutendsten Landhafnerei im Kanton Bern (Schriften des Bernischen Historischen Museums 13), Bern 2017.
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Ivashkiv, Halyna, Lozynskyi, T., Hand-drawn ceramics of Kosiv and Pistyn of XIX – early XX centuries. Lviv: Institute of Collecting of Ukrainian artistic monuments in Shevchenko scientific society. 2012.
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